Décidemment, l’année cinématographique 2009 aura été celle de Gabrielle Chanel.
Après le film d’Anne Fontaine, Coco avant Chanel, qui s’intéressait à la jeunesse de la célèbre couturière, jusqu’à la création de ses premières boutiques et la mort de son amant Boy Capel, voici Coco Chanel & Igor Stravinsky, un film qui la montre au sommet de sa gloire, au cœur des années folles.
Tout commence en fait en 1913. Coco Chanel vient d’ouvrir sa seconde boutique. Elle assiste, au Théâtre des Champs Elysées, à la représentation du « Sacre de Printemps » du compositeur russe Igor Stravinsky (1). L’œuvre fait scandale. Trop audacieuse, trop moderne pour un public parisien guindé. Sauf pour Mademoiselle Chanel qui, elle, adore…
Quelques années plus tard, Coco est devenue une redoutable femme d’affaires, à la tête d’un petit empire de la mode. Elle rencontre Stravinsky, qui a dû fuir la Russie en pleine révolution, et l’invite à séjourner dans sa maison de Garches avec sa famille, pour qu’il puisse travailler tranquillement et prendre le temps de trouver un nouveau point de chute.
Dès cette rencontre, les deux créateurs sont irrésistiblement attirés l’un par l’autre… C’est le début d’une liaison passionnelle qui durera deux ans…
Sur le fond, c’est assez intéressant. Le film étudie les points communs entre le musicien et la styliste, deux artistes, chacun à leur manière, deux génies créatifs. Tous deux ont été des avant-gardistes, des précurseurs raillés, bafoués, avant de connaître le succès et la reconnaissance publique. Tous deux ont dû batailler ferme contre les conventions pour imposer leurs points de vue. Et tous deux ont eu en commun la passion – amoureuse et artistique – comme principal moteur. Cette brève idylle correspond, pour Chanel et Stravinsky, a une période de création et d’audace intensive. Elle s’associe avec les frères Bourgeois pour étendre son empire aux parfums et cosmétiques et invente le parfum N°5.
Il ouvre un cycle musical néoclassique qui lui inspirera quelques belles partitions et durera jusqu’à la fin des années 1940…
Sur la forme, le film est en revanche peu convaincant. Trop lent, trop académique et, il faut bien l’admettre, assez soporifique. On a du mal à croire que c’est Jan Kounen, habitué au cinéma de genre, à l’action et à l’outrance provocatrice, qui a signé un film d’époque aussi plan-plan. (Cela dit, Blueberry était aussi passablement ennuyeux…)
Paradoxe : alors que Coco Chanel a libéré les femmes de leurs encombrants corsets, le cinéaste, lui, engonce son film dans des conventions cinématographiques d’un autre âge. Tout semble figé, plat, édulcoré. Même les scènes érotiques entre Chanel et Stravinsky, filmées avec une multitude d’effets esthétisants, peinent à émoustiller le spectateur.
Heureusement, Anna Mouglalis, une des égéries de la marque Chanel, campe une Coco convaincante, toute en élégance, en caractère et en charme(s). Sa présence irradiante illumine un film bien trop terne. (On a le droit, cependant, de préférer la performance d’Audrey Tautou dans le film d’Anne Fontaine…).
Mais son partenaire Mads Mikkelsen, lui, n’est pas à son avantage. Trop coincé, mal à l’aise dans un rôle visiblement pas fait pour lui. A sa décharge, il a dû jouer en français et en russe dans le texte, deux langues qu’il ne maîtrise pas, puisqu’il est… danois ! Drôle d’idée de lui confier ce rôle, mais il se murmure que Jan Kounen n’aurait jamais accepté de diriger le film sans Mikkelsen dans le rôle de Stravinsky…
Au final, cette adaptation du roman de Chris Greenhalgh (2) laisse le spectateur sur sa faim. Trop sage, trop lisse, trop académique pour communiquer la passion des personnages, malgré les efforts des comédiens. Dommage, car aussi bien Coco Chanel qu’Igor Stravinsky méritaient cet hommage à leur talent visionnaire et leur envie de faire bouger les choses…
(1) : « Le Sacre du Printemps » d’Igor Stravinsky – Esa-Pekka Salonen & l’Orchestre Philarmonique de Los Angeles – éd. Deutsche Grammophon
(2) : « Coco & Igor » de Chris Greenhalgh – éd. Calmann-Lévy
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Coco Chanel & Igor Stravinsky
Réalisateur : Jan Kounen
Avec : Anna Mouglalis, Mads Mikkelsen, Elena Morozova, Natacha Lidinger, Rasha Bukvic
Origine : France
Genre : biopic académique
Durée : 1h58
Date de sortie France : 30/12/2009
Note pour ce film : ˜˜˜™™™
contrepoint critique chez : Rob Gordon
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