Just another love story… Juste une autre histoire d’amour…
Comme l’indique son titre, le film d’Ole Bornedal traite de ce sujet universel et éternel. Mais il l’aborde par la face la plus sombre, montrant les ravages que peuvent causer les passions amoureuses, celles qui font perdre pied au plus raisonnable des hommes, celles qui conduisent à la folie et transforment la tendresse en violence, celles qui détruisent tout sur leur passage…
Le tout emballé dans une intrigue de film noir très habilement construite, qui parvient à nous tenir en haleine de bout en bout. La grande force de ce polar danois, c’est d’arriver à nous surprendre constamment, de bifurquer vers des options narratives complètement dingues et imprévisibles, alors que le cinéaste a pris le soin, d’entrée de jeu, de dévoiler trois des scènes-clés du film, dont… la fin, tragique pour le « héros » du film ! Et malgré cela, on se laisse prendre au piège de cette histoire assez improbable, mais suffisamment bien menée pour que l’on y croie.
Pour ne pas trop révéler du script, disons qu’il s’agit d’une histoire qui rappelle à la fois le Parle avec elle de Pedro Almodovar et J’ai épousé une ombre, de Robin Davis. Une histoire d’usurpation d’identité : Jonas, un photographe de scènes de crimes, se retrouve impliqué dans un accident de la route qui laisse dans le coma une jeune femme, Julia. Alors qu’il vient pour prendre de ses nouvelles à l’hôpital, la famille de la belle inconnue le prend pour son fiancé Sebastien. Pris au dépourvu, vaguement honteux, Jonas décide d’endosser cette identité. Un jeu de rôle qui va s’avérer à la fois terriblement excitant, très dangereux et… fatal…
Le scénario tient autant sur les secrets qui entourent la mystérieuse Julia que sur ce qu’elle va déclencher chez Jonas. L’homme, marié et père de famille, était en apparence comblé, mais cette rencontre va agir comme un révélateur et mettre en évidence des frustrations, des désirs inassouvis, et des fissures profondes dans le couple qu’il forme avec Mette…
Ole Bornedal a donc l’intelligence de s’appuyer autant sur son scénario à tiroirs que sur ses acteurs, tous très bons. Anders W. Berthelsen, révélé par deux des meilleurs films Dogme (Mifune et Italian for beginners), est parfait dans le rôle de Jonas, type ordinaire et sans histoires plongé malgré lui dans une spirale de mensonge, de violence et de sang… Son mélange d’aplomb et de fragilité convient parfaitement à ce genre d’antihéros de polar. On en aura peut-être prochainement une preuve supplémentaire avec What no one knows, autre thriller nordique, moins abouti mais également interprété avec conviction. Face à lui, les deux femmes fortes du film, également très bien : Rebecka Hemse, trouble et fascinante Julia, et Charlotte Fich, touchante Mette, cette femme subitement délaissée, blessée. Et Nikolaj Lie Kaas, qui apporte sa carrure imposante et sa trogne évoquant un peu Ron Perlman, à l’ex petit-ami de Julia…
La mise en scène est au diapason de leurs performances, souvent inspirée. Déjà réalisateur d’un très bon thriller – et de son remake américain – Le veilleur de nuit, Ole Bornedal fait montre d’un talent certain pour le genre. Le cinéaste s’offre même quelques séquences virtuoses, avec cadrages audacieux et mouvements de caméra complexes. Et un environnement esthétique qui joue parfaitement sur les tons gris et noirs, assez froids – de circonstance pour un polar nordique.
Raison de plus pour se laisser tenter par ce thriller surprenant, élégant et, malgré une intrigue un peu trop invraisemblable, absolument passionnant. Avec un avertissement, cependant, pour les spectateurs sensibles, qui devront faire face à quelques scènes sanglantes assez éprouvantes. Malgré son titre de comédie romantique à l’eau de rose, Just another love story ne fait pas (que) dans les sentiments… Tant mieux, diront les amateurs de films noirs bien noirs…
A noter que le remake américain est déjà en production et devrait être confié à Marc Webb, auteur de l’excellent (500) jours ensemble, déjà une histoire d’amour originalement filmée…
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Kærlighed på film
Réalisateurs : Ole Bornedal
Avec : Anders W. Berthelsen, Rebecka Hemse, Charlotte Fich, Nikolaj Lie Kaas
Origine : Danemark
Genre : film noir original
Durée : 1h40
Date de sortie France : 13/01/2010
Note pour ce film : ˜˜˜˜˜™
contrepoint critique chez : Le Monde
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