« Une histoire d’amour impossible, original ? Pas vraiment. Intriguant, passionnant ? Non plus… »

« Ne touchez pas à la hache » de Jacques Rivette (2006)

Le général Armand de Montriveau tombe follement amoureux d’Antoinette de Navarreins, épouse du duc de Langeais dès leur première rencontre. Bien que mariée, elle le séduit sans pour autant se donner à lui ce qui ne tarde pas à agacer Armand qui décide de ne plus se laisser faire et de se venger de sa belle.

Un amour impossible et aliénant : qui ne serait pas partant ? Voir comment deux personnes se désintègrent, sont martyrisées par une passion dévastatrice : Je dis oui ! Et pourtant, « Ne touchez pas à la hache » de Rivette ne me satisfait pas, je ne suis pas bouleversé, émue, attachée aux personnages ; pas avide de connaître la fin. Je subis, agacée par les indécisions d’Antoinette de Langeais (Jane Balibard), les crises de rage de Armant de Montriveau (Guillaume Depardieu), la lenteur du dénouement, l’absence de solution. Je ne veux ni que ça s’arrange, ni que ça s’aggrave : aucune importance.

Mais il faut savoir que le jeu des acteurs est très touchant, ils sont convaincants, ils ont l’air sincères Je pense tout particulièrement à une scène qui représente bien l’enjeux du film : LA scène où est énoncé le titre par Armand. Antoinette dans devant lui qui ressent sa présence comme un parfum enivrant. Elle vient s’asseoir près de lui, une femme les sépare et on ressent comme un fossé entre les deux « amants ». Ils ne veulent plus les mêmes choses, il l’aime mais commence à la haïr pour le mal qu’il lui fait. Il réagit enfin, il la menace, il sait qu’il s’est fait manipuler. Il lui parle comme un être supérieur, comme un sorcier qui la condamne. On sent qu’elle l’aime et qu’elle le veut mais lui veut sa revanche, il lui fait peur, il veut prendre les choses en main. Le vrai visage des personnages est dévoilé dans cette scène merveilleusement bien réalisée.

Je ne reproche donc rien aux personnages, ni d’ailleurs à la mise en scène que je trouve très réfléchie et réussie. J’apprécie de même les retournements de situation : Armand est objet au départ, il est passif, il accepte les invitations d’Antoinette et subit le jeu de séduction  alors qu’Antoinette est farouchement active et contrôle tout à fait la situation. Au milieu, sans doute lors de la scène que j’ai évoquée précédemment, les rôles sont échangés, Armand refuse de continuer ainsi, il veut des résultats, il veut qu’elle lui appartienne, il devient actif (enlèvement, intrusion brutale dans son espace privé etc.) et Antoinette est dépassée par les sentiments, elle ne contrôle plus rien. J’apprécie d’être témoin de l’évolution visible de la relation des deux amants.

Deux répliques sont à retenir, elles sont représentatives de moments clés de l’idylle. La première prononcée par Armand au début de leur histoire : « Mme de Langeais sera ma maîtresse ». Il annonce son but sans s’adresser à personne, il a comprit qu’elle allait l’aimer. La seconde réplique est prononcée par Antoinette au moment le plus critique du film, quand les choses se corsent, quand Armand devient violent et exigent. Elle est seule, elle pleure et elle dit dans le désespoir le plus profond : « Je l’aime ».

Il est donc intéressant de voir les effets de cet amour destructeur, la métamorphose des personnages, de deviner le destin tragique qui les attend. L’enjeu est immense alors qu’ils se sont à peine touché, le moindre effleurement en devient érotique tant ils ont imposé une distance phénoménale entre eux.

Malgré tout cela, le film m’a ennuyé, je l’ai trouvé désagréable à regarder, trop long, trop lent, pressée que ça s’arrête, je voulais dormir, partir, même crier par moments. J’accordais plus d’importance aux belles robes de Antoinette, à ses rubans, sa coiffure, l’amourette entre ses deux serviteurs Lisette et Julien. Il y avait tant de petites choses qui paraissaient plus excitantes que cet amour platonique et compliqué. Il est difficile d’adhérer à cet enfermement des sentiments, l’époque veut que ce soit ainsi, les désirs sont contenus, les choix des uns touchent profondément la vie des autres, toute décision est calculée et a des conséquences considérables.

Je conclurais donc : bonne mise en scène mais trop théâtrale pour le grand écran / Film ennuyant à mourir.

Sarah Rashidian