Clint eastwood : le genie !

Je commencerai mon article sur une note objective : Clint Eastwood est un génie ! Acteur successivement de western, de films de conspiration et de policiers il s’est ensuite tourné vers la réalisation. Ses films sont le plus souvent des drames où il tient le rôle principal lorsqu’il y joue lui-même. Ils se valent tous mais ne se ressemblent pas car Clint Eastwood n’est pas comme ces réalisateurs qui n’ont qu’un thème en tête et qui ne savent rien faire d’autre (J’ai beau être une grande fan de Guy Ritchie, il faudrait tout de même qu’il songe à innover). Il passe avec facilité d’un thème à l’autre, et sait explorer tous les domaines, du film d’amour au film de guerre en passant par les westerns et les policiers : Clint Eastwood est un caméléon du cinéma et fait des merveilles. Il a des idées stupéfiantes et il sait émouvoir, énerver, amuser, ce qui donne un résultat à chaque fois remarquable. Je déteste les westerns et pourtant, j’ai tenu le coup devant « Unforgiven » (« impitoyable ») – que dis-je ? J’ai aimé ! Je supporte mal les films de guerre et j’ai regardé avec émerveillement « Flags of our fathers » (« Mémoires de nos pères ») et « Letters from Iwo Jima » («  les lettres d’Iwo Jima »). De Clint Eastwood, je n’ai vu que des chefs d’œuvres et je profite de la sortie de « Gran torino » pour présenter plusieurs de ses derniers films et les présenter aux Clint Eastwood’s virgins.

« Million Dollar Baby » (2004)

Frankie Dunn (Clint Eastwood) est un entraîneur de boxe, froid et sans attaches, rejeté par sa fille. Sa vie change le jour où Maggie Fitzgerald (Hilary Swank), 31 ans, lui demande de devenir son coach. Après plusieurs refus,  il accepte enfin et une grande amitié naît entre eux. Maggie va pouvoir réaliser son rêve et Frankie, lui donner tout ce qu’il n’a pas su donner à sa fille.

« Gran Torino » (2008)

Walt Kowalski (Clint Eastwood), vétéran de la guerre de Corée, vient tout juste de perdre sa femme. Il est seul, aigri, antipathique, raciste… et vit dans un quartier peuplé d’immigrants asiatiques où il ne tolère pas ses voisins. Il est témoin des violences entre gangs hmongs, latinos et afro-américains environnants, qui ne font qu’aggraver sa haine et son mépris. Il va cependant faire connaissance avec un timide adolescent hmong qui vit à côté de chez lui, et une amitié inattendue va naître entre les deux individus.

« Mystic River » (2003)

Enfants, Jimmy Markum (Sean Penn), Dave Boyle (Tim Robbins) et Sean Devine (Kevin Bacon) étaient inséparables. Un jour, Dave se fait enlever sous les yeux de ses deux amis et, bien qu’il réussisse à s’enfuir au bout de quatre jours, à son retour, rien n’est comme avant : c’est la fin de leur amitié et le début de trois vies très différentes. Le jour où Katie, la fille de Jimmy est retrouvée assassinée, les trois amis se rapprochent à nouveau. Sean, policier, est en charge de l’enquête ; Jimmy, dépité, désire se venger ; et Dave est parmi les derniers à avoir vu la jeune fille…

« Changeling » (« L’échange ») (2008)

Au retour de son travail, Christin Collins (Angelina Jolie) se rend compte que son fils a disparu. Brusquement, sa vie devient un véritable enfer. Quand, peu après, la police lui annonce que son fils a été retrouvé, elle est aux anges… et bien loin de s’imaginer que l’enfant n’est pas le sien et qu’en le déclarant elle va s’attirer beaucoup d’ennuis.

« Flags of our fathers » (« Mémoires de nos pères ») (2006)

Au cinquième jour de la bataille d’Iwo Jima, le drapeau américain est hissé au sommet du Mont Suribachi. L’événement est immortalisé par une photo qui devient  un symbole d’espoir. Trois hommes présents sur la photo sont rapatriés pour devenir des célébrités et vendre des bons pour financer l’effort militaire. Ils parcourent le pays et sont accueillis en héros, mais cet accueil leur pèse car ils ont abandonné une guerre où leurs amis se battent encore.

« Letters from Iwo Jima » (« Les lettres d’Iwo Jima ») (2006)

Plusieurs années après la bataille sanglante d’Iwo Jima (1945), des lettres qui étaient enterrées dans le champ de bataille sont retrouvées. Ces lettres permettent d’imaginer la vie dans les tranchées et de prendre connaissance des sentiments des soldats américains et japonais.

Pour vous présenter ces 6 films, je vous propose trois critiques, chacune rassemblant deux films qui ont beaucoup en communs. N’attendons pas plus longtemps, voici le génie, Clint Eastwood :

“MILLION DOLLAR BABY” (2004) & GRAN TORINO” (2008) : On s’attache et on s’empoisonne.

« Million Dollar Baby » et « Gran Torino » sont deux films où l’ont bénéficie de la présence du grand Clint Eastwood. Il y interprète plus ou moins le même personnage : un être solitaire, malheureux, aigri, cynique, plein de regrets, au passé sombre, avec un sérieux manque affectif. Détestable à première vue, il cache bien son jeu, et à l’instar des personnages avec qui il se lie d’amitié dans le film, nous apprenons, nous aussi, à le connaître et à l’aimer et on est le plus souvent très ému. Ces deux histoires se ressemblent beaucoup. Un homme qui n’a personne, ne fait confiance à personne et est renfermé sur lui-même apprend à aimer. Dans les deux cas, il a d’énormes problèmes relationnels avec sa famille, et surtout avec ses propres enfants. Quand il rencontre Maggie (« Million Dollar Baby »), il lui donne tout ce qu’il n’a pas pu donner à sa fille, avec qui il n’a jamais été proche. Quand il rencontre Thao (« Gran Torino »), il le prend en charge comme son propre fils, veut l’éduquer et lui apprendre la vie afin qu’il devienne quelqu’un de bien. Il ne supporte plus ses fils à lui et encore moins ses petits enfants, qu’il trouve mal élevés (et qui le sont !).
« Million Dollar Baby » est un film très émouvant. Lorsqu’il rencontre Maggie Fitzgerald, Frankie Dunn ne trouve pas seulement une compagnie agréable : ensemble, ils s’entraident et comblent le vide qui dominait leur vie. Maggie non plus n’a jamais été proche de sa famille ; sa mère et ses sœurs n’approuvent pas du tout la passion pour la boxe de ce « vilain petit canard » de la famille. Frankie l’aide à réaliser son rêve : monter sur le ring. Elle, à son tour, lui apporte un repère ; elle est jeune et pleine d’espoir, à peu près tout le contraire de Frankie, qui va être revigoré. C’est magnifique de voir s’attacher l’un à l’autre deux personnes qui n’avaient rien, de les voir retrouver espoir et prendre un nouveau départ ensemble.
« Gran torino » est une merveille ! Malgré la personnalité détestable de Walt Kowalski, – il est raciste, égoïste, railleur, – ses voisins apprennent à l’aimer. Il va découvrir une autre culture et se sentir plus proche de ces Coréens, qu’il méprisait tant, que de sa propre famille. On assiste à une acculturation réciproque très intéressante. On pourrait même dire que Clint Eastwood fait l’éloge de la culture coréenne, chaleureuse, conviviale (à l’exception de la Grand-mère!) en dépréciant, par moments, la culture de son propre pays. Après le décès de sa femme, Walt qui n’a plus personne à aimer, va tout donner à Thao, ce jeune garçon timide, afin qu’il ne finisse pas comme les autres garçons de son quartier. Ce sera sa rédemption, le moyen de se pardonner à lui-même les horreurs qu’il a commises durant la guerre de Corée. Très émouvant, le film est aussi très drôle. Quiproquos, comique de situation, tout y est, et le personnage de Walt est hilarant de sarcasme et de cynisme. Et les injures fusent dans la bouche de notre cher Clint Eastwood ! On s’attache vraiment à ce personnage pourtant intolérant, plein de préjugés, grincheux, toujours de mauvaise humeur. Et attention, préparez- vous, car en plus de tout cela : IL GROGNE !
L’homme que l’on retrouve dans « Million Dollar Baby » et dans « Gran torino » semble cependant être destiné à souffrir. Son attachement à l’autre mène systématiquement à un drame. Sa force réside dans sa capacité à contenir ses sentiments et on comprend pourquoi à la fin du film. Au départ, on a plaisir à le voir s’ouvrir peu à peu : il est plus heureux, tout va bien. Et c’est quand on le voit sourire pour la première fois qu’on comprend que sa vie commence à s’améliorer. Mais il ne fait pas les choses à moitié : il ne s’ouvre pas simplement à l’autre, il se dédie à cette personne et lui donne absolument tout. On comprend mieux alors pourquoi il éprouvait le besoin de se protéger, de ne faire attention qu’à lui, de ne pas s’exposer aux autres. Cet homme, au passé sombre et au regard mystérieux, pense pouvoir adoucir sa peine, mais son bonheur est vite écourté…

« MYSTIC RIVER » & « HANGELING » :

Deux histoires prenantes et pleines de suspense avec plusieurs éléments similaires : meurtres, enlèvements, enquêtes, perte d’un enfant. Clint Eastwood excelle dans le genre policier, sait nous faire languir et parvient à conserver le mystère jusqu’à la dernière minute. Il faut dire qu’il choisit aussi très bien ses acteurs. Le jeu de Sean penn, interprète de Jimmy dans Mystic River, est absolument remarquable. Il est viril, costaud, énervé, effrayant et, bien sûr, il souffre. Il à l’air impitoyable, déterminé à se venger et sans pitié. Tim Robbins est tout aussi admirable dans le rôle de Dave, homme traumatisé par son enlèvement, perdu, effrayé, énervé et meurtrit. En ce qui concerne « Changeling », inutile de vous dire qu’Angelina Jolie est à la fois un bonheur pour les yeux et une excellente actrice. Elle embrasse son rôle parfaitement et ne manque pas de nous émouvoir.
« Mystic River » est l’interprétation d’un roman homonyme de Dennis Lehane. La douleur due à la perte d’un être cher, les conséquences d’un traumatisme de jeunesse : ces deux éléments sont les enjeux principaux du film. Plusieurs suspects potentiels sont évoqués au long du film et le suspense est lourd. On est désolé pour Jimmy et sa perte ainsi que pour Dave qui est soupçonné. On sait, d’ailleurs, très bien que l’on aura la réponse à nos questions à la toute fin du film ce qui nous met légèrement sur les nerfs. Ce qui vient crisper le tout c’est la relation entre Jimmy, Sean et Dave. Relation qui ne tient plus debout à cause des regrets, de la culpabilité et de la souffrance causée par l’enlèvement de Dave. Et là, les trois « amis » doivent se serrer les coudes et coopérer. On assiste aux difficultés d’objectivité de Sean qui doit interroger Dave, un des coupables potentiels. Depuis l’incident de Dave, bien que les trois enfants ont cessé de se côtoyer, Sean et Jimmy se sont toujours senti coupables de l’avoir laissé monter dans la voiture, de ne pas avoir été à sa place. Ainsi, lui infliger un interrogatoire est plutôt douloureux pour Sean qui ne veut simplement pas imaginer que Dave ait pu être l’assassin de Katie. Une histoire très captivante et bien faite, pleine de retours en arrière : un procédé qui accentue le suspense. Un de ces films où, cinq minutes avant la fin, on commence à rassembler toutes le pièces du puzzle et à comprendre l’intérêt de chacune des scènes du film.
« Changeling » est inspiré d’une histoire vraie ce qui rend le film encore plus réussi et passionnant. Il y a deux histoires, deux enjeux qui se mélangent dans le film. D’un côté, Christine Collins et sa bataille contre les autorités et pour la liberté. De l’autre, l’intrigue et le mystère autour de la disparition de son fils. Où est-il ? L’a-t-on kidnappé ? Si oui, qui a fait cela ? Et pourquoi ? Angelina jolie est envoûtante (pas très étonnant je sais). Elle s’est inspirée de sa mère pour jouer le rôle de cette douce femme, généreuse et pure qui ne s’énerve jamais. C’est un des points très marquant du film : dans une situation comme la sienne, où son fils a disparu, les autorités sont persuadées de l’avoir retrouvé alors que ce n’est pas le cas et ils préfèrent croire l’enfant plutôt que Christine qu’ils pensent troublée ; elle maintient son calme et est incapable d’hausser la voix contre ces « ordures » qui lui gâchent la vie. Les injures et la rage sont des choses avec lesquelles elle va se familiariser durant son périple ! Christine Collins est effondrée, les malheurs s’additionnent, la malchance ne la lâche plus et sa vie devient un quiproquo total. Elle a affaire à des gens bornés qui n’ont que faire de son enfant et qui ne pensent qu’à leurs propres intérêts. Elle doit faire attention à tout ce qu’elle dit, car dans son état, tout peut être mal interprété. Un film tout simplement excellent et une actrice fabuleuse. A voir absolument : c’est une histoire vraie, c’est du Clint et c’est Jolie…
Clint Eastwood nous bluffe avec ces deux policiers qui sont à couper le souffle. Des histoires tristes, touchantes et alarmantes qui vous mettront dans tous vos états.

“FLAGS OF OUR FATHER” & “LETTERS FROM IWO JIMA” :

Idée très originale qu’a eu le célèbre réalisateur américain : montrer une guerre, un conflit, du point de vue des deux pays belligérants : l’Amérique et le Japon. En général, on entend que très rarement les points de vues de deux rivaux au sujet du même conflit. Et lorsque l’on en a l’occasion, il est intéressant de voir à quel point les opinions divergent. La beauté de ces deux films réside dans cette volonté d’objectivité mais aussi dans le fait que le réalisateur ne se contente pas de faire deux films de guerre, il humanise la chose en y glissant des histoires singulières et touchantes. « Letters from Iwo Jima » en devient alors un film sur l’amour et sur les effets de la guerre sur celui-ci. « Flags of our fathers » est plutôt un film sur la guerre vue de l’extérieur et sur le sentiment des soldats à leur retour dans la société.
« Flags of our fathers » nous expose une histoire très singulière. Des soldats sont rapatriés pour devenir des stars, ils sont des symboles, les représentants d’une guerre que personne ne connaît ni ne comprend. On pourrait croire qu’échapper au combat serait une libération mais leur retour à la « normale » est loin d’être de tout repos. On ressent la culpabilité et la solidarité qui lient ces soldats. Le mépris qu’ils ont pour les gens qui n’ont pas connu leur malheur. Ils sont entourés d’une multitude de personnes et se sentent pourtant seuls au monde. Le réalisateur nous présente ici une Amérique sure d’elle, qui a de l’espoir et les moyens de gagner la guerre. Un pays dominant, puissant, qui transforme une guerre sanglante et terrible en un événement médiatique qui masque les véritables enjeux de ce combat, enjeux qui resteront un mystère pour tous ceux qui n’ont pas participé à la bataille d’ Iwo Jima.
Clint Eastwood n’avait pas l’intention de réaliser deux longs métrages sur la même bataille de deux points de vues différents. L’idée lui est venue pendant le tournage de « Flags of our fathers ». Sceptique et désireux de connaître le pourquoi du comment, il a décidé de montrer la bataille du point de vue « ennemi » pour mieux comprendre et sans prendre partie. D’ailleurs, les deux films sont entièrement différents. Parallèlement à la fierté américaine et la toute puissance, dans « Letters from Iwo Jima », on assiste à une armée japonaise sans espoir, exposant tous leurs derniers sentiments dans des lettres pleines d’amour pour des gens qu’ils savent qu’ils ne reverront jamais. On voit donc deux interprétations de la bataille, un espoir grandissant en Amérique engendré par une simple photo et un désespoir collectif au sein des troupes japonaises qui résistent sans trop y croire et qui ne veulent pas partir sans avoir dit au revoir. « Letters from Iwo Jima » a le mérite d’être un film réalisé par un américain mais dans lequel la langue japonaise domine largement. Clint Eastwood fut félicité au japon pour avoir su exposer la sensibilité japonaise à merveille.
Deux films tout à fait exceptionnels, le premier présente des enjeux plutôt politique, le second est focalisé sur le côté personnel et sentimental. Un projet louable qui veut dénoncer les horreurs de la guerre, l’ignorance des dirigeants politiques, relativiser la notion d’ « ennemi » et faire l’éloge des soldats courageux qui sacrifient leur vie pour leur pays. Pas beaucoup d’action et lents par moment, ces films sont beaucoup plus que de simples films de guerre. Ce sont aussi des films sur les relations et sentiments humains, des films émouvants et très intéressants, à voir absolument.

Sarah Rashidian