Aujourd’hui, un film assez controversé puisque quand David Lynch s’attaque à la SF, c’est Dune. Un film assez maudit mais culte tout de même.
En 1984, David Lynch sort du succès d’Elephant Man et se voit confier par le producteur Dino De Laurentiis un projet ambitieux, l’adaptation de la saga littéraire de SF de Frank Herbert : Dune. C’est une commande risquée pour le réalisateur qui voit tout de même dans ces romans des thèmes proches de son univers sombre et torturé.
Il faut dire, que ce n’est pas la première tentative d’adaptation. Avant Lynch et De Laurentiis, il y a eu le très ambitieux projet de Jodorowsky qui aurait du réunir rien de moins que Mick Jagger, Orson Welles et Alain Delon devant la caméra, les Pink Floyd et Mike Olfield pour les ambiances sonores et Moebius pour le design. Un projet bien trop ambitieux et coûteux pour les producteurs européens qui sera alors abandonné dans le plus grand regret. Quelques années plus tard, De Laurentiis récupérera les droits des livres et confiera donc le projet à Lynch.
Évidemment, la première question qui se pose, c’est comment adapter ce monument de littérature SF dense et complexe dans un simple film de 2h ? Impossible. Le montage de base de Lynch faisait d’ailleurs 5h. Nous ne verrons donc dans ce film qu’un bout de ce qui aurait pu être une œuvre incroyable. L’histoire sera raccourcie se concentrer seulement sur le destin de Paul Atréides, son arrivée sur Arrakis, son exil parmi les Fremen et sa prise de contrôle de la planète contre l’Empereur pour venger son père. Une histoire complexe qui voit les personnages se multiplier dans un univers unique et passionnant, mêlant intrigues politiques, familiales et religieuses. A l’écran, on voit que David Lynch a apprécié les romans et en a capté la portée et fait sien cet univers (en y apportant par exemple les armes vocales, en travaillant sur les visions onirique et l’importance de l’ambiance sonore) en y installant sa vision assez sombre et torturée. Bien entendu, comme toute adaptation et particulièrement pour une saga comme celle-ci, de nombreux éléments passeront à la trappe et d’autres seront modifiés pour mieux correspondre à la vision du réalisateur (et ici également du producteur).
Au final, le film reste relativement fidèle dans l’esprit du livre (j’entends par là que, malgré la lourdeur de la tâche, Lynch a comprit l’univers, les enjeux, l’essence de certains personnages et clans). Mais, faute d’un budget approprié et d’un producteur trop directif, le film est bancal. Tout d’abord, l’intrigue est assez complexe à suivre pour les néophytes ne connaissant pas l’univers d’Herbert, mais d’un autre, elle est trop simplifiées pour les lecteurs. D’un autre côté, nous n’avons pas eu droit à une grande épopée épique qui aurait pu avoir lieu si Lynch était plus à l’aise avec les scènes d’ampleur (la bataille finale est en cela très pauvre) et si le budget avait permit d’avoir des décors et effets plus aboutis (aujourd’hui, tout cela a plutôt mal vieilli). Du coup, ce qui restera de ce film est un produit hybride intéressant, au potentiel incroyable mais non abouti, qui donnera néanmoins envie aux plus courageux de se plonger dans les romans.
Résultat, le film sera un échec retentissant. Le producteur Dino DeLaurentiis en ressortira ruiné et David Lynch, qui n’a pu avoir le contrôle total de son film (jusqu’à ce que sa version sorte plus tard), n’assumera pas le film jusqu’au bout. De son côté, le public, qui attendait (et à qui on avait promit) une épopée à la Star Wars, sortira grandement déçu du film à cause de sa complexité et de son univers si particulier.
Cet échec ne freinera toutefois pas la carrière de Lynch qui poursuivra ensuite (comme prévu dans son contrat) avec Blue Velvet puis Sailor & Lula. D’autre part, cette vision unique de la science-fiction par David Lynch va tout de même regrouper un certain nombre de fans pour qui le film deviendra culte. Et c’est aujourd’hui parce que cette version existe qu’il y eu la mini-série de Sci-Fy et qu’il y a aujourd’hui un nouveau projet d’adaptation avec Pierre Morel (Taken … oui, sur le papier, ce n’est peut-être pas le réalisateur le plus approprié!) aux commande. Qu’en sera-t-il ? Avec les technologies d’aujourd’hui, tout est possible avec un bon réalisateur donc wait and see.
Dune avait tout pour devenir grand chef d’œuvre (un réalisateur de génie, un matériau unique et dense). Mais faute d’un budget à hauteur de l’ambition, la réussite, tant artistique que commerciale n’est pas au rendez-vous. Mais ce n’est pas parce qu’un film n’est pas bon qu’il ne peut pas devenir culte. Il suffit juste qu’il ai suffisamment de personnalité, une vision unique et audacieuse pour devenir une légende, même si c’est une légende maudite.