Un flic est retrouvé mort dans une décharge, après avoir été torturé par une bande de gangsters. Quatre de ses collègues décident de le venger et partent à l’assaut du repaire du gang en question, situé dans un immeuble quasi-désaffecté. L’affrontement tourne court, interrompu par une cohorte de zombis affamés et bien décidés à les croquer au petit-déjeuner… S’ils veulent sortir vivants de cette « tour infernale » où ils sont bloqués, flics et voyous n’ont pas d’autre choix que de collaborer pour se frayer un chemin dans les couloirs obscurs et les cages d’escalier squattées par quelques beaux spécimens de morts-vivants…
A la lecture de ce résumé, vous allez penser à une série B américaine ou à un de ces petits films d’horreur dont les espagnols ont le secret depuis quelques années. Eh bien, non, raté ! La Horde est un film français !
Le cinéma d’horreur made in France existe donc encore, malgré la frilosité des producteurs, et les échecs commerciaux relatifs des derniers représentants du genre. Il faut dire que la qualité n’est pas souvent au rendez-vous : scénarii simplistes (A l’intérieur, Martyrs) ou sombrant dans le ridicule le plus total (Bloody Mallory, Frontière(s), Humains,…), outrance dans le jeu et les quantités d’hémoglobine, ou au contraire, extrême indigence des effets visuels…
Et à chaque fois, une façon maladroite d’aborder le genre, soit trop sérieuse, trop premier degré, avec l’idée utopique de révolutionner un domaine cinématographique déjà bien exploité et ultra-balisé, soit trop peu sérieuse, avec des cinéastes enthousiastes qui se lâchent sur les effets gore et assouvissent leurs vieux fantasmes de geeks en mettant en scène leurs délires personnels… Bref, à quelques exceptions près, et malgré tout le respect qu’on peut avoir pour certaines tentatives sympathiques mais inabouties, les films d’horreurs frenchy souffrent de la comparaison avec leurs homologues étrangers.
Un peu mieux équilibré, fort d’un scénario à quatre plumes écrit par des amoureux fous du genre, les deux cinéastes Yannick Dahan et Benjamin Rocher, mais aussi leurs potes critiques chez Mad Movies, Stéphane Moïssakis et Arnaud Bordas (1), La Horde relève sensiblement le niveau, même si tout n’est pas parfait, loin de là…
Au rayon des défauts, il y a déjà un début laborieux. L’intrigue se met en place trop lentement et assez pataude, avec cette histoire policière (2) trop austère par rapport au jeu forcé de certains acteurs, ce qui donne la fâcheuse impression de voir un épisode d’une mauvaise série télévisée – Commissaire Moulin chez les zombis…
Apparemment cette ouverture a posé des problèmes aux cinéastes puisqu’ils l’avaient déjà remaniée après les échos pas forcément flatteurs d’une première projection presse.
Ont-ils été victimes de la sempiternelle incapacité des réalisateurs de cinéma bis français à faire un choix entre le film d’action nerveux et réaliste, avec poussées d’adrénaline bien amenées, et l’hommage parodique complètement délirant, reposant sur gags potaches et références pour geeks ?
Même pas… Cette absence de choix est ici revendiquée. Dahan et Rocher ont souhaité démarrer leur long-métrage sur la base d’un polar estampillé « seventies » avant de basculer vers le zombi-movie ultra-gore. Pourquoi pas… L’idée n’était pas mauvaise, mais encore aurait-il fallu bien séparer les deux parties. Ici, la première partie « sérieuse » est polluée par quelques personnages grotesques (le concierge ou le truand incarné par Jo Prestia, bouffon du début à la fin…) et des situations très mal exploitées (la zombification du prisonnier du gang). La seconde, plus fun, est plombée par la psychologie de bazar collée sur le personnage de Claude Perron et son désir de vengeance. Bref, la cohabitation est loin d’être toujours heureuse et cela se ressent même sur certains petits détails.
La progression du groupe au sein de l’immeuble manque singulièrement de rigueur. On ne sait même pas combien de zombis il peut y avoir dans le bâtiment. A priori, pas des tonnes, vu que la bâtisse était censée être vide – et complètement verrouillée… – pas de quoi faire peur à ce commando de fines gâchettes armées jusqu’aux dents… Peut-être sont-ils prudents parce qu’ils ne savent pas sur quoi ils vont tomber. C’est vrai, ça, les cinéastes eux-mêmes semblent ne pas le savoir. Au début, ils nous montrent des zombis véloces, très rapides, un peu comme dans 28 jours plus tard, puis ils nous montrent les zombis du dehors, qui déambulent pépères, tels les morts-vivants de Romero – et encore, ceux-ci avaient plus la niaque… Un peu plus loin, ils ne sont même plus fichus de monter sur le toit d’une voiture. Ah, les cons… Ils ne sont pas prêts de bouffer…
Même comportement aléatoire chez les protagonistes qui ont eu l’infortune de se faire mordre par les monstres. Chez certains, la transformation prend quelques secondes. Chez d’autres, plus de trois quarts d’heure… Un peu n’importe quoi, messieurs les (ex-)critiques… On vous a vu vilipender des films pour moins que ça…
La première moitié de La Horde fait peur, mais pas à cause des effets de surprises, inexistants. Non, à cause de toutes ces incongruités et de la greffe imparfaite des deux genres… On craint même un moment s’acheminer tout droit vers le ratage complet et la grosse déception.
Et puis, petit miracle, le film redresse la barre en assumant enfin pleinement son côté délirant avec l’irruption d’un personnage assez irrésistible, joué par Yves Pignot. Un vétéran d’Indochine, vieillard encore vert qui manie aussi bien la hache et la sulfateuse que la réplique cinglante à la Audiard. Un phénomène à lui tout seul, tellement outrancier, tellement hénaurme qu’il fait basculer le film du bon côté de la force (ou de la farce, selon les goûts).
Dès qu’il s’associe avec les jeunes des banlieues pour botter le cul des « jaunes » qui cernent l’immeuble, le film vire à l’humour noir et au carnage gore des plus réjouissants – pour qui n’est pas sensible à la vue du sang et des cervelles éclatées, bien sûr.
C’est que ça flingue, ça ampute, ça fracasse dans tous les sens : Jean-Pierre Martins joue de son imposante musculature pour tenir en respect quelques dizaines de créatures féroces. Eriq Ebouaney, lui, n’a qu’à rouler des yeux pour imposer le respect – il fait peur, hein ? Claude Perron, déjà initiée aux coups de pelle ravageurs chez Bernie et Dupontel, découvre ici qu’une hache et une machette sont aussi efficaces, mais préfère atomiser du zombi à coup de réfrigérateur (grand moment…).
Grâce à ce délire cartoonesque total, les cinéastes parviennent in fine à tenir leur pari : offrir au public un spectacle à la fois fun, jouissif et trash, mené sans temps mort et plein d’effets gore.
Evidemment, cela empêche le film de développer une quelconque réflexion sociale ou philosophique, hormis un message balourd sur la banlieue. On n’est pas encore au niveau d’un George Romero, qui sait comment allier horreur et message politique subversif… Cela dit, les deux cinéastes, humblement, n’avaient rien promis d’autre qu’un divertissement efficace.
Alors profitons de ce qui nous est offert, même imparfait. Le cinéma fantastique français est suffisamment rare – ou raté – pour que l’on fasse trop la fine bouche devant La Horde, pelloche sympathique à l’humour gore parfaitement assumé, qui marque une étape dans l’évolution du cinéma de genre français.
Le niveau n’est pas encore digne de celui des maîtres de l’horreur, mais La Horde n’a rien à envier à la plupart des œuvres horrifiques hollywoodiennes actuelles. Ca progresse lentement, mais sûrement…
(1) : Yannick Dahan a également été critique chez « Mad Movies ». Un critique saignant, d’ailleurs…
(2) : L’intrigue est le prolongement de leur première œuvre commune : Rivoallan. Un court-métrage musclé où un flic infiltré est démasqué par des trafiquants de drogue. Rivollan est le nom du flic assassiné au début de La Horde…
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La Horde
La Horde
Réalisateurs : Yannick Dahan et Benjamin Rocher
Avec : Jean-Pierre Martins, Eriq Ebouaney, Claude Perron, Yves Pignot, Doudou Masta, Jo Prestia
Origine : France
Genre : Thriller avec des zombis
Durée : 1h35
Date de sortie France : 10/02/2010
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Geek Culture
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