“White lightnin’” de Dominic Murphy

Par Boustoune

N’y avait-il rien de suffisamment remarquable au dernier festival du film britannique de Dinard pour que le jury accorde son grand prix à White lightenin’ de Dominic Murphy ?

En effet, il faut être franchement masochiste pour s’infliger sans rechigner, une heure et demie durant, la vision de ce salmigondis de crasse, de misère, de violences en tout genre – insultes, coups, sévices, automutilations et meurtres -, de trips hallucinatoires cacophoniques et de délire mystique. Le tout enrobé dans une esthétique clipesque tape-à-l’œil, aux images dé-saturées presque grisâtres, histoire de bien accentuer le côté sordide de ce qui nous est présenté à l’écran.

White lightenin’
semble n’avoir été réalisé que dans l’optique d’attirer l’attention sur son jeune réalisateur en choquant, provoquant et en en mettant plein la vue aux spectateurs, dans l’espoir d’obtenir un statut « culte ». Une méthode des plus douteuses…

Le cinéaste s’en défendra probablement, s’abritant derrière l’authenticité de l’histoire racontée, le film s’inspirant en effet de la vie réelle de Jesco White, connu sous le surnom du « Dancing outlaw » (1). La belle affaire… L’argument biographique est surtout un fallacieux prétexte à un déluge de vignettes plus trashs les unes que les autres…

Au début, on adhère plus ou moins au propos, qui s’attache à la jeunesse de Jesco, dans un bled paumé des Appalaches. Pour tromper l’ennui, le gamin se met très vite à sniffer de l’essence à briquet. Et pour le guérir de cette manie qui pourrait lui dézinguer le cerveau, son père D-Ray, un danseur de « Moutain dance » (2) qui jouit d’une petite notoriété, l’envoie régulièrement faire un séjour dans des « centres de rééducation », en fait des camps disciplinaires dont les gamins sortent encore plus sauvages qu’à leur entrée. Alors forcément, c’est la spirale infernale. Dès que Jesco sort de ces centres, il replonge aussitôt, et se lance même dans des trucs de plus en plus dingues. Il continue de sniffer l’essence et se met même aux drogues plus dures et à l’alcool…
Ingérable, il finit par goûter à la prison, puis à la détention en unité psychiatrique. Ce qui, là encore, n’arrange pas les choses…
La façon dont cet environnement violent pèse sur la construction psychologique de l’enfant, puis de l’adolescent, est plutôt bien restituée, même si Dominic Murphy semble plus s’intéresser aux détails sordides et peu ragoûtants qu’au sujet de fond.

Ca commence à se gâter dans la seconde partie du film, lorsque White, alors interné en cellule psychiatrique, apprend que son père a été assassiné par deux marginaux. Le bonhomme décide de retrouver le droit chemin et de rendre hommage à son père en exerçant le même métier que lui, danseur professionnel. Il rencontre alors la femme de sa vie, Cilla, et entame une vie ordinaire, entre deux tournées dans des bars et cabarets locaux, les seuls moments où il se sent bien.
La rédemption par l’exercice d’une profession artistique ? Pourquoi pas… C’était déjà, l’an passé, le sujet du Bronson de Nicolas Winding Refn, lui aussi tiré d’une histoire vraie… La comparaison s’arrête là. Si Winding Refn proposait une mise en scène originale et esthétisante, collant parfaitement à son thème, Murphy, lui, survole son sujet, se concentrant uniquement sur les moments où son personnage pète les plombs. De crises conjugales en altercations avec des spectateurs ivres, le film accumule les séquences déprimantes/violentes/provocatrices.

Et ça ne s’arrange guère avec la dernière partie, qui bascule totalement dans le n’importe quoi, lançant Jesco dans une sorte de croisade meurtrière contre les assassins de son père tout juste sortis de prison. Là, le cinéaste et son scénariste (3) prennent des libertés avec la réalité, puisque, apparemment, le véritable Jesco White n’a pas assouvi son désir de vengeance, est toujours en vie et parfaitement libre.
Certes, la forme adoptée peut laisser à penser qu’il ne s’agit que du fantasme d’un homme au cerveau embrumé, abîmé à force de prises de substances toxiques. Mais quand même, ce déluge de scènes de tortures, de crimes et le propos philosophico-religieux abscond et pour le moins fumeux usent définitivement notre patience et notre endurance.

Peut-être galvanisé par la perspective de voir sortir son film au moment des jeux olympiques d’hiver, Murphy semble avoir voulu chausser ses ‘sky’, comprenez : imiter ses idoles Jodorowsky et Aronofsky. Du premier, il adopte le psychédélisme qui régnait, par exemple, dans La montagne sacrée. Au second, il emprunte les effets de montage et le crescendo horrifique de Requiem for a dream. Le talent en moins, bien sûr.
Cela dit, il n’est pas malhabile avec une caméra, le bonhomme. Même si la plupart des séquences sont sous influence, il y a néanmoins une certaine maîtrise de la mise en scène et une certaine cohérence dans la construction du récit. Dommage que cela soit au service d’idées aussi pauvres…

De tout ce fatras, on sauvera quand même les performances des comédiens. Edward Hogg est une révélation dans le rôle de Jesco. Habité, tourmenté, fiévreux, l’oeil hagard, il livre une performance de premier plan. A ses côtés, on a le plaisir de retrouver la princesse Leia, euh, pardon, Carrie Fisher, dans un rôle assez différent de ce qu’elle joue d’habitude et Muse Watson, charismatique D-Ray.

Mais cela ne suffit pas, hélas, à faire de White lightenin’ un bon film. Et même un Hitchcock d’or n’y changera rien… (4)


(1) : « Dancing outlaw » signifie littéralement, le hors la loi dansant
(2) : La « Moutain dance » ou « clogging » est une danse folklorique de la région des Appalaches, aux Etats-Unis. On pourrait la définir comme un mélange de danse traditionnelle galloise, de claquettes et de danse country.
(3) : Shane Smith, également auteur de la nouvelle qui a inspiré le film, et fondateur de Vice magazine.
(4) : le Hitchcock d’or est la récompense remise lors du festival de Dinard.

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White lightnin’
White lightnin’

Réalisateur : Dominic Murphy
Avec : Edward Hogg, Carrie Fisher, Muse Watson, Matthew Posey, Kirk Bovill, Wallace Merck
Origine : Royaume-Uni
Genre : biographie trash
Durée : 1h24
Date de sortie France : 17/02/2010
Note pour ce film : ○○○○○

contrepoint critique chez : CinéManiac

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