Si je vous dis « briseur de couples », vous allez tout de suite penser à un individu pas très recommandable, voire hautement nocif…
Mais si c’est un professionnel, alors là, ça change la donne…
Car la mission de ces travailleurs d’un genre particulier, ces « arnacoeurs », est souvent de faire admettre à une femme malheureuse, mais sans en avoir conscience, qu’elle se sentirait bien mieux sans ce compagnon macho, volage, paresseux ou insupportablement beauf qu’elle traîne comme un boulet… Le tout en douceur, en charmant la belle délaissée et en lui faisant comprendre qu’elle est unique et qu’elle a droit à un minimum de considération…
Bref, ils ont moins une fonction destructrice que reconstructrice…

Ils méritent le respect, d’autant que leur métier est loin d’être facile.
Figurez-vous qu’il n’est pas évident de séduire quelqu’un sur commande, surtout en seulement quelques jours, voire quelques heures… Cela nécessite une organisation sans faille, une bonne dose de psychologie, du tact, une maîtrise en bobards option mots doux. Il faut s’adapter à toutes les situations, tous les types de terrain. La mission peut même vous mener en terre étrangère, ce qui implique d’être parfaitement polyglotte – français, anglais, espagnol, mais aussi portugais, arabe ou chinois…
Et une fois l’opération séduction menée à bien, il faut savoir résister à l’envie de profiter de la pauvre créature qui s’offre à lui, conquise, l’œil humide et la lèvre tremblante, prête à tout quitter pour qu’ils puissent vivre leur amour naissant au grand jour… Question d’éthique…

Dans son domaine, Alex (Romain Duris) est le meilleur. Il sait comment charmer sa cible, usant de son sourire enjôleur, de son bagou irrésistible, de sa faculté à pleurer sur commande pour jouer les hommes sensibles et délicats – ça marche à tous les coups… Et si sa cible est un peu plus résistante à son charme naturel, il sait s’adapter, n’hésitant pas à encaisser quelques coups pour se donner l’air d’un dur, ou à apprendre à danser comme Patrick Swayze dans Dirty Dancing juste pour en mettre plein la vue à sa conquête potentielle. Et bien sûr, il est fidèle à cette fameuse ligne de conduite morale : ne jamais coucher avec une cible – refuser l’argent du client en cas d’objectif non-atteint (ce qui n’arrive jamais…) – et surtout, ne briser que des couples voués à l’échec…

Sauf que le métier coûte cher en costumes, frais d’hôtel, voyages, accessoires et divers matériels d’espionnage, et rapporte assez peu… Et, alors qu’il est acteur à plein temps, Alex ne peut prétendre au statut d’intermittent du spectacle.
Les dettes s’accumulent et, menacé par un usurier et son âme damnée, un colosse qui mange les noisettes sans en enlever les coques, il n’a d’autre choix que d’accepter un contrat qui va à l’encontre de ses principes.
Il est chargé par un richissime homme d’affaires, un peu louche, d’empêcher le mariage de sa fille, Juliette (Vanessa Paradis), avec un richissime playboy américain.

Problème : le couple semble particulièrement solide et harmonieux. La jeune femme est très amoureuse et le futur époux semble n’avoir aucun défaut. Un prince charmant de conte de fées… Et le mariage doit avoir lieu dans moins d’une semaine !
Pour pimenter les choses, Alex doit composer avec le gros bras précité, qui entend bien lui soutirer au plus vite les sommes dues, et avec la copine nymphomane de sa cible (Helena Noguerra), très sensible, elle, à ses charmes…
Et pour couronner le tout, Alex se rend compte peu à peu qu’il est en train de tomber amoureux de la belle Juliette.

Heureusement, pour se sortir de ces mauvais pas, il peut compter sur son équipe : sa sœur Mélanie (Julie Ferrier, irrésistible) et son beau-frère Marc (François Damiens, énorme). La première est une reine de l’organisation et de la filature discrète, aussi brillante actrice que son frangin. Le second, grand dadais gaffeur, est un cabot moins convaincant (ses prestations en plombier polonais boiteux et en pilote de F1 italo-belge laissent pantois…), mais un petit génie de la surveillance électronique…

Ce sont eux, également, qui, par leur pitreries irrésistibles et leurs répliques assassines, dynamisent L’arnacœur, premier long-métrage de Pascal Chaumeil, et lui apportent ce petit brin de folie qui fait souvent cruellement défaut aux comédies qui parviennent jusqu’à nos écrans.
Le charme de Romain Duris, irrésistible filou Dom Juan, et la grâce de Vanessa Paradis, tour à tour pimbêche autoritaire et petite chose fragile, font le reste et permettent au film de s’élever un bon cran au-dessus de la moyenne des comédies romantiques traditionnelles (comme l’indigeste Valentine’s day, par exemple…).

Alors, même si le rythme s’effiloche un peu en toute fin de parcours, quand la romance prend le pas sur le burlesque, L’arnacoeur réussit son pari : offrir au spectateur un divertissement de qualité, dans l’esprit des comédies hollywoodiennes de la grande époque.
C’est tout ? Oui, et c’est déjà beaucoup.
Déjà parce que l’exercice de la comédie est loin d’être chose facile, et qu’il est ici quasiment maîtrisé. Ensuite parce que ce genre de film fait du bien au moral, et que l’on sort de la projection le sourire aux lèvres. Futile, donc, mais utile en ces temps de marasme généralisé…
Si vous cherchez à vous changer les idées dans les salles obscures et à passer un bon moment devant une comédie pétillante et bien rythmée, pas prise de tête, vous pouvez vous laisser séduire par L’arnacoeur, qui est tout sauf une arnaque…

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L’arnacoeur
L’arnacoeur

Réalisateur : Pascal Chaumeil
Avec : Romain Duris, Vanessa Paradis, Julie Ferrier, François Damiens, Helena Noguerra, Andrew Lincoln
Origine : France
Genre : screwball comedy  
Durée : 1h45
Date de sortie France : 17/03/2010

Note pour ce film : ●●●●○○

contrepoint critique chez : In the mood for cinema
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