[Note de l’administrateur Angle[s] de vue :]
Le premier billet d’humeur ci-après ne colle pas vraiment à l’actualité, vu qu’il traite d’une polémique ayant rapport à la sortie du Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar.
Mais d’une part, il reste toujours valable, la loi n’ayant pas été modifiée malgré l’imbécillité évidente de son application.
Et d’autre part, il marque l’arrivée d’un nouveau collaborateur ponctuel sur ce site : Marc-Georges Boulenger. Un véritable passionné de cinéma, encyclopédie vivante du septième art, mais aussi du polar. Il est le bienvenue ici, et il est libre d’y signer quelques textes ou billets d’humeur, au gré des envies et des disponibilités, dans un emploi du temps très chargé…
Le second billet est signé par Boustoune, qui rebondit sur le premier texte pour parler de l’autorisation, accordée par le CSA, du “placement de produits” dans les fictions télévisées. Les premiers programmes “bénéficiant” de ce procédé devraient débarquer bientôt sur vos petits écrans. Doit-on s’en réjouir?
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Censure : Une cigarette en trop…
Après la pipe de Jacques Tati, la censure où l’autocensure des distributeurs continue de frapper.
La loi Evin (contre le tabagisme) produit des effets pervers sur les campagnes publicitaires. Si la pipe de Mon Oncle s’est transformée en un ridicule Moulin à vent jaune, c’est au tour d’Alain Delon de nous faire croire qu’il a cessé de fumer.
La campagne d’affiches concernant « Eau Sauvage» de « Dior », est une réédition d’une photo de l’acteur, due à Jean-Marie Périer, prise à Saint-Tropez en 1966, nous montrant le jeune premier sans la cigarette qu’il arborait pourtant fièrement sur le cliché original. Si sur la photo complète, la cigarette litigieuse été gommée, certains recadrages ont carrément coupés un morceau de la main d’Alain Delon, ne suggérant même plus ce qu’il avait entre les doigts.
Depuis, la fumée sortant des lèvres de Gainsbourg pour le film du même nom, a disparue, mais en revanche la cigarette de Coco avant Chanel, tenue par Audrey Tautou est resté grâce à la ténacité du distributeur, Warner France, qui toutefois à du se passer d’un certain nombre de supports dont le métro parisien, celle d’Anna Mouglalis pour Igor Stravinsky et Coco Chanel, également.
Ce n’est, bien sûr, pas la première fois qu’une affiche de cinéma est retouchée, on se souvient du carré noir sur le cigare de Victor Lanoux d’ Une Sale Affaire ou la cigarette amputée des doigts d’Uma Thurman sur Pulp Fiction.
Mais il n’y a pas que le cinéma qui est touché, une campagne pour la Bibliothèque de France avait retiré la pipe des lèvres Jean-Paul Sartre et le timbre d’André Malraux avait rendu l’ex-ministre-écrivain-cinéaste non fumeur.
A quand le retrait de la pipe de Georges Simenon ou de Maigret sur les couvertures des romans policiers !!!
Quand une pipe ou une cigarette fait partie de l’image d’une personnalité, l’intelligence serait de ne pas l’effacer au nom d’une pseudo incitation à fumer. Cette démarche mutile les images et affadie ceux qui sont représentés.
Marc-Georges
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« Placement de produits » dans les téléfilms ou comment faire de la publicité clandestinement…
Pour rebondir sur le texte de Marc-Georges, on vit quand même une époque formidable !
D’un côté, on censure des affiches en cachant ces cigarettes qu’on ne saurait voir, sous prétexte qu’elles seraient des crypto-publicités incitant le bon peuple à s’empoisonner les poumons à la nicotine.
De l’autre, on encourage la publicité déguisée via le « placement de produits » dans les œuvres audiovisuelles. Le CSA vient en effet de donner l’autorisation aux sociétés françaises de « sponsoriser » des tournages de téléfilms en échange de la visibilité de leurs marques via des objets ou des affiches apparaissant dans le métrage en question.
Juste un échange de bons procédés argueront les défenseurs de ce système qui, il est vrai devrait permettre de relancer une création audiovisuelle moribonde depuis la crise financière. Et pas de quoi hurler au scandale, vu que le procédé est utilisé au cinéma depuis plusieurs années…
Eh bien justement, parlons-en… Le « placement de produit » est de plus en plus utilisé pour les œuvres cinématographiques et ne prend même plus la peine de faire dans la subtilité.
Quand, dans Les visiteurs, Jacquouille la fripouille vidait un parfum de Chanel n°5 dans la baignoire de « Dame » Béatrice, c’était assez drôle – même si citer la marque n’apporte rien au gag en question.
Quand le vampire débile des Dents de la nuit se protège des rayons du soleil avec sa crème solaire Clarins, ça passe déjà moins bien…
Et quand James Bond, surtout dans les derniers opus de la saga –avec Brosnan ou Craig – semble utiliser le métier d’espion comme couverture à son métier réel de commercial multicartes – pour Ford, Oméga, Heineken, j’en passe et des meilleures, le procédé est bien trop ostensible et cela tourne un peu au grand n’importe quoi.
Certes, les marques sont bien implantées dans le paysage et on ne sera guère choqués de l’apparition d’un logo connu sur un objet ou un élément du décor, pas plus que d’entendre un personnage commander un « coca » ou un « McDo » dans un restaurant. Ca en devient presque naturel…
Mais si cela ne choque pas, pourquoi en faire tout un foin, me direz-vous ?
Simplement parce qu’il ne faut pas perdre de vue que le placement de produit, aussi discret soit-il, reste quand même une action obéissant à un impératif très clair : attirer l’attention du spectateur pour le forcer, imperceptiblement, à acheter le produit mis en avant.
Même si cette technique n’est pas considérée comme telle, il s’agit bien d’une forme de publicité particulièrement sournoise, une sorte de bourrage de crâne qui opère de façon plus ou moins inconsciente…
En gros, vous croyez voir tranquillement, par exemple, un film de Steven Spielberg, histoire de vous détendre un peu de votre journée de travail et de tout le stress accumulé, mais vous êtes en train de subir un matraquage publicitaire subtilement invasif… Pas très agréable, n’est-ce-pas ?
Avec ce système de partenariat, les sponsors exercent un certain pouvoir sur les auteurs et tendent à s’incruster dans le paysage cinématographique français. Le risque est grand, alors, de voir des œuvres à vocation artistique ou culturelle transformées en de vulgaires plateformes publicitaires, ou ne pas pouvoir se monter du tout, faute de financement suffisant… En revanche, les entreprises françaises seront – sont déjà, tout comme les chaînes de télévision – plus enclines à financer des films grand public, des comédies ou des films de genre, proprettes et formatées au goût du plus grand nombre, qui seront de meilleurs supports pour placer leurs produits…
Voilà comment un système de financement sauvage débouche sur une vulgarisation des œuvres… Tout le contraire des valeurs que nous défendons à Angle[s] de vue.
Le cinéma est avant tout un art et doit le rester, loin de toute pression commerciale…
Et maintenant, le procédé va s’étendre aux téléfilms, avec la bénédiction des hautes instances de l’audiovisuel français. On savait déjà que certains patrons de chaîne, comme l’ex-directeur de TF1, Patrick Le Lay ne considéraient leurs programmes que comme des outils servant à conditionner psychologiquement le spectateur pour le préparer à la prochaine page de publicité. Par une phrase restée célèbre, il avait avoué que son métier consistait à vendre du « temps de cerveau humain disponible » – celui du spectateur – à ses annonceurs.
A présent, les infortunés téléspectateurs devront subir, en plus des spots publicitaires et des jingles de sponsors précédant les émissions, en plus des programmes courts parrainés par bidule ou tartempion et des jeux-concours en partenariat avec trucmuche, des séries ou des téléfilms dissimulant de nouvelles publicités. Y compris sur le service public…
A quoi cela a-t-il servi, alors, de supprimer la pub sur France télévision après 20h, si c’est pour proposer des œuvres citant les marques à tire-larigot ?
Notez que cette politique de « placement de produit » ne concerne pas les marques de cigarettes, interdites d’antenne comme elles le sont sur les affiches dans le métro…
Ah ! On respire mieux !
Vraiment ? Et si au contraire, on étouffait à petit feu ?…
Boustoune