“Tout ce qui brille” de G.Nakache & H.Mimran

Ely et Lila sont deux amies inséparables, presque des sœurs. Elles vivent en banlieue parisienne, dans une cité de Puteaux. Seulement à dix petites minutes de Paris, en RER ou en métro…
Mais dix minutes de trop pour les deux jeunes femmes, qui rêvent d’une vie meilleure et sont attirées par les feux de la ville-lumière. Elles ne veulent plus rester dans la marge, de l’autre côté du périphérique, avec pour seul horizon le béton de la cité, les voisins forts en gueule ou trop curieux, une petite vie laborieuse de caissière ou de serveuse.
Elles ont envie de paillettes et de glamour, de fêtes et de princes charmants…

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Un soir, Ely et Lila parviennent à s’incruster à une soirée privée dans un bar branché de la capitale. Au cours de celle-ci, elles sympathisent avec un couple de bourgeoises, Agathe et Joan, et Lila s’entiche de Maxx un beau garçon friqué. Désormais, elles ont un pied dans cet « autre monde » rutilant, mais, elles l’apprendront à leurs dépends, tout ce qui brille n’est pas or…

Premier film de Géraldine Nakache et Hervé Mimran, Tout ce qui brille est une jolie comédie, doublée d’une subtile variation sur l’être et le paraître.
Les auteurs y traitent des différences de classes sociales, sans jamais tomber dans le piège du cliché facile.

Le regard porté sur la banlieue et la vie dans les cités ne donne ni dans le misérabilisme, ni dans l’exaltation démagogique. On y voit des gens simples, pas forcément malheureux, mais qui, c’est humain, jalousent la vie des autres, qui a l’air si parfaite, si idéale.
Les deux jeunes héroïnes fantasment sur ce qui se passe de l’autre côté du périphérique – pour elles, une frontière symbolique séparant les classes sociales, un ailleurs inconnu, eldorado où tout est encore possible. Ce rêve s’accompagne aussi d’un sentiment de rejet et de honte vis-à-vis de tout ce qui constitue leur vie : ces parents satisfaits de leur vie médiocre, ces amis envahissants et pas très raffinés, cet environnement pas très glamour…

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Aussi, quand elles sont confrontées pour la première fois au regard de tous ces bobos parisiens, les jeunes femmes mentent sur leurs origines, leurs lieu d’habitation, leurs métiers…
Ely en nourrira quelques remords, surtout quand, pour ne pas perdre la face devant ses nouvelles amies, elle se verra contrainte de snober son père, un brave chauffeur de taxi qui était venu l’attendre pour la ramener au bercail.
Lila, elle, a moins de scrupules. Elle se laisse aveugler par le côté clinquant de ces nuits parisiennes, par ses rêves d’amour et de richesses, et est prête à tous les sacrifices pour les réaliser. Y compris ceux de sa relation avec Eric, un pauvre typa amoureux d’elle, et de son amitié avec Ely.

Et tout cela pour quoi ? Pour des relations superficielles avec des personnes superficielles, mais qu’elle trouve géniales juste parce qu’elles sont différentes. Waouh ! Les riches organisent des fêtes dans des supermarchés de hard-discount (histoire de jouer aux pauvres ?). Trop dingue ! Ils mangent des pâtes au citron. (quelle drôle d’idée !) Non mais regarde un peu cette fille qui danse en mini-jupe et en moon boots ! Trop terrible ! Mais ça ne doit pas être très confortable pour danser, elle doit transpirer, là-dedans, fait remarquer le père d’Ely, plein de bon sens…
De toute façon, elles ont beau adopter les codes vestimentaires ou verbaux de ce microcosme huppé, mentir sur leur condition, elles sont rattrapées par leurs origines, qui se lisent sur leur visage, sur leur peau un peu trop hâlée. Comme dans cette belle séquence où Ely, invitée par Agathe et Joan, est prise pour la domestique par des invités…
Et sont-ils seulement heureux, ces jeunes bourgeois parisiens ? Pas sûr… Guère plus, en tout cas, qu’Ely et Lila. C’est bien connu, l’argent ne fait pas le bonheur. Maxx ne sait plus où il en est en amour ; Agathe et Joan semblent blasées, traînent leur ennui de boîte de nuit en soirée privée et ne semblent pas trop s’intéresser à ce petit garçon dont elles ont la charge.

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Or justement, qu’y-a-t-il de plus essentiel que l’affection des personnes qui nous sont proches, les parents, les amis ?
Plus que la confrontation Paris/Banlieue, plus que les rapports de classes et de castes, c’est bien là le véritable sujet du film,
On peut chercher sa propre voie, tenter de s’élever socialement, désirer changer de vie, mais il ne faut jamais oublier l’endroit d’où on vient, les personnes qui comptent vraiment et les valeurs essentielles – la fidélité, l’honnêteté, la solidarité.
Telle est la morale de cette histoire, que les protagonistes apprendront après quelques désillusions et des clashs salutaires.

Loin de la simple comédie « communautaire » à laquelle on aurait pu s’attendre, Tout ce qui brille se veut plus intimiste, plus sensible et baigne donc dans une ambiance douce-amère qui recèle de beaux moments d’émotion, telle cette jolie séquence où Ely et son père, réconciliés, entament une danse pleine de tendresse sur le parking de la cité.
Mais attention, le film de Géraldine Nakache et Hervé Mimran reste malgré tout très drôle, essentiellement grâce à ses dialogues ciselés, et à l’énergie déployée par les comédiens du film.

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Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même – et que cette histoire comporte une petite part autobiographique – Géraldine Nakache incarne Ely, la plus raisonnable des deux filles. Elle se montre aussi convaincante dans ses imitations du « paon qui a trop mangé » et de Céline Dion que dans les moments de doute du personnage.
Leïla Bekhti est également formidable dans le rôle de Lila, dont l’assurance et le culot cachent une grande fragilité émotionnelle. Belles, émouvantes et souvent drôles, elles sont aussi attachantes l’une que l’autre.
Et le reste du casting est au diapason. Virginie Ledoyen et Lin-Dan Pham, chic et glamour, sont parfaites en oiseaux de nuit parisiens.
Côté garçons, Daniel Cohen est touchant en père de famille prêt à tout sacrifier au bonheur de sa fille, Nader Boussandel confirme le talent comique entrevu, entre autres, dans Les Barons, et Manu Payet et Simon Buret incarnent, dans des styles opposés, les options amoureuses qui se présentent à la belle Lila.
Mais celle qui vole presque la vedette aux autres, c’est la pétillante Audrey Lamy, irrésistible en copine grande gueule et perpétuellement surexcitée. Au vu de sa performance, il ne serait pas étonnant de revoir très vite sur grand écran la sœur cadette d’Alexandra Lamy.

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Evidemment, il se trouvera toujours des mauvaises langues pour dire que les acteurs ne font pas tout et que, niveau réalisation, le film n’a rien d’étincelant.
Alors certes, Nakache et Mimran ne sont pas encore des ténors de la mise en scène, et peut-être resteront-ils éternellement « à dix minutes » des génies du septième art. Mais peut-être n’ont-ils pas la prétention de le devenir…
Si Jacques Demy est volontiers cité en exemple par Géraldine Nakache, la jeune cinéaste a conscience du chemin qui lui reste encore à parcourir et ne cherche pas à rivaliser avec lui. Sa mise en scène lorgne plutôt, sagement, du côté de Lisa Azuelos, sous la direction de laquelle elle a tourné Comme t’y es belle ! en 2006. Comprenez sobre, mais rythmée et efficace.
L’énergie imprimée au récit, l’utilisation de la musique à bon escient et la sincérité de l’ensemble compensent largement les lacunes techniques et le manque d’originalité de la réalisation.

De toute façon, les bonnes comédies sont suffisamment rares pour que l’on snobe un film aussi drôle et touchant que Tout ce qui brille. Le festival de comédie de l’Alpe d’Huez ne s’y est pas trompé et a fait un triomphe à ce premier film attachant et sympathique, qui y a glané le prix du public et le coup de cœur du jury…
Finalement, son principal défaut est peut-être d’être trop court : la complicité de toute cette petite troupe est si manifeste que c’est à regret qu’on la quitte, lorsque défile le générique de fin…

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Tout ce qui brille Tout ce qui brille
Tout ce qui brille

Réalisateurs : Géraldine Nakache, Hervé Mimran
Avec : Géraldine Nakache, Leïla Bekhti, Audrey Lamy, Virginie Ledoyen, Linh-Dan Pham, Daniel Cohen
Origine : France
Genre :  Comédie
Durée : 1h40
Date de sortie France : 24/03/2010

Note pour ce film : ●●●●○○

contrepoint critique chez : Abus de ciné (2ème avis)
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