Culte du dimanche : A.I. Intelligence Artificielle

Par Fredp @FredMyscreens

Le fruit du souci de perfection de Stanley Kubrick et du cœur de Steven Spielberg se nomme A.I. Intelligence Artificielle, le conte de Pinocchio à la sauce futuriste est un film culte bien que controversé.

Alors que le XXe siècle prend fin, Stanley Kubrick s’éteint, léguant son dernier projet inabouti à la seule personne qu’il pense capable de le mener à bien : Steven Spielberg. Ce projet, c’est l’adaptation de la nouvelle de Brian Aldiss, les Supertoys durent tout l’été. L’histoire d’un enfant-robot qui cherchera jusqu’au bout l’amour d’une mère.

Dans un monde futuriste, une famille adopte donc un robot aux traits d’enfant pour remplacer leur fils dans le coma. Sauf que lorsque ce dernier en sortira, le fils artificiel devra suivre sa propre route dans un monde qu’il ne connait pas et se révèle plutôt hostile. S’en suit un parcours initiatique pour le jeune robot qui évoquera immanquablement les aventures de Pinocchio.

A la vision du film, on comprend tout de suite pourquoi Kubrick a légué ce projet à Spielberg. On y retrouve des thèmes importants du réalisateur de 2001 (la partie centrale du film, sombre, reflet de l’intolérance des hommes pour ce qu’ils ont créé), et la vision très aboutie, froide et pessimiste du futur (cette ville de luxure robotique dominée par les néons, ce New-York sous les eaux) et son esprit de toujours chercher de nouvelles techniques pour raconter son histoire (de ce côté, manière de créer les mécas est bluffante et que dire de la photo parfaite de Kaminski). Et si Spielberg a changé quelques éléments pour les adapter à sa personnalité et au coût du film (Gigolo Joe est moins sombre que prévu par Kubrick, David sera un comédien et non un robot), il retrouve tout de même l’esprit du maître tout au long du film.

Mais Spielberg a réussi à implanter toute sa personnalité, sa sensibilité (que l’on avait rarement vu depuis E.T.) dans ce récit qui touche un de ses thèmes de prédilection : la famille décomposée. Et c’est pour cette raison que Kubrick devait estimer que le créateur de Rencontres du 3e Type devait faire le film à sa place. En effet, Spielberg réussi a retranscrire toutes les émotions indispensables à ce récit proche du conte de fée futuriste que Kubrick a peu intégré à son cinéma généralement assez froid.

Le film marque aussi le retour de Spielberg à la science-fiction, genre qu’il n’avait pas abordé depuis les années 80 (les Jurassic Park étant plus des films d’aventure que de la SF). Un retour qu’il poursuivra dans une veine bien plus sombre que Rencontres du 3e Type et E.T. avec Minority Report et La Guerre des Mondes. Et après Peter Pan dans Hook, le film lui permet d’adapter à sa manière Pinocchio avec un Haley Joel Osment qui confirme tout le bien qu’on pensait de lui dans le rôle du robot David. Jude Law robotisé est parfait en méca gigolo en fuite. Quand à la mère de David, Monica, elle est interprétée par Frances O’Connor toute en tendresse et compassion .

Au final, le mélange des deux personnalités fortes des créateurs se retrouve dans ce film parfois hybride, comme tiraillé entre deux visions à la fois opposées et complémentaires. Le film sera assez décrié de ce côté. Trop d’émotions pour un Kubrick, trop de froideur pour un Spielberg, le public et les critiques ne savent pas trop sur quel pied danser et le succès ne sera pas au rendez-vous. Ce A.I. Intelligence Artificielle sera un film incompris et mésestimé mais pourtant tellement personnel pour Spielberg. Et lorsqu’un film ne créé pas l’unanimité, en étant à la fois personnel et techniquement en avance sur son temps, ça peut devenir un film culte.