Gaspard Noé nous invite dans un trip, une expérience intrigante, parfois fascinante et à coup sûr éreintante. Un coup de poing dont on ne se remet pas. Enter the Void.
Pendant 2h30, j’ai vécu la mort. Oui, je suis mort et mon âme a erré dans un Tokyo sous acides. Vous aviez envie de savoir ce qui vous attend après votre trépas, Gaspard Noé vous en offre une vision viscérale dans Enter the Void.
Dès le début du film le décor est planté par un générique agressif avant d’entrer dans la tête d’Oscar. Un jeune dealer qui verra son existence basculer de l’autre côté. En effet, après un trip à la DMT dans son petit appart’ à Tokyo, Oscar est tué par balle. Un choc violent, en particulier quand c’est le spectateur qui prend ça en plein coeur. Car c’est là la force du film. Gaspard Noé nous place en vue subjective. On est littéralement dans l’esprit d’Oscar et même plus, à la place de son âme. Durant cette première partie, on vit déjà l’existence du héros, de son délire rappelant le trip chamanique de Blueberry à sa mort brutale dans un bar mal fréquenté. Puis, on aperçoit une grande lumière blanche. La lumière blanche. Celle-là même qui nous fait prendre conscience que l’on n’est plus. Alors, comme on dit, on voit toute notre vie défiler. En l’occurrence une existence qui n’a pas été facile après un accident de la route fracassant. Et après, on erre. Notre âme voit ce que nos proches vivent, le déséspoir d’une soeur qui a tout perdu, la solitude d’un ami abandonné … avant … le vide.
Pour comprendre cette oeuvre, il suffit d’entrer dedans et de saisir la portée du Livre des Morts Tibétains dont s’inspire le réalisateur franco-argentin, responsable du sulfureux Irréversible. Cette fois, pas d’ultra violence mais une vision choc. Par sa manière de filmer totalement hallucinante, Gaspard Noé nous fait vivre cette expérience viscérale de la mort. Après le trip, tout est possible et les 2h30 qui peuvent parfois (souvent?) sembler longues mais sont totalement légitimes dans ce qu’il veut nous faire comprendre (et là, plusieurs interprétations possibles).
Bien évidemment on pourrait parler de l’extraordinaire travail sur la technique, en phase complète avec le discours. Que ce soit le son, lourd et pesant, ou l’image et ses plans séquence aériens extrêmement bien choisis et en même temps d‘une fluidité naturelle telle qu’on ne peut qu’être embarqué dans ce voyage dans l’au-delà sous acides japonais. Mais en fait, peu de mots peuvent raconter le film. Tout ce qu’il y a à savoir, c’est qu’il s’agit d‘une pure experience de cinéma qu’il faut vivre en ayant le cœur bien accroché. Car il n’est pas donné à tout le monde d’apprécier et de comprendre l’intérêt d’un film tel qu’Enter the Void qui propose bien plus qu’une démonstration technique ou une simple histoire quotidienne mais un voyage presque sans issue. Oui c’est dur, parfois choquant. Oui, on a le tournis et on a l’impression que ça ne finira jamais. Mais au final, après 2h30 de projection, la satisfaction est là. Non pas celle d’avoir aimé un film ou d’être enfin sorti de la salle. Mais la satisfaction d’avoir appris, d’avoir vécu, d’avoir compris un message portant aussi bien sur la mort que sur la vie. Car la mort n’est qu’une étape intermédiaire et après y être entré, il faut bien sortir de ce vide.
Reste maintenant à savoir si vous serez prêt à en faire l’expérience difficilement soutenable. Car même plusieurs jours après sa vision, il est impossible de sortir cet OFNI (Objet Filmé Non Identifié) de son esprit. C’est bien là la marque d’une œuvre qui se révélera incontournable. Enter the Void est un trip sensoriel à ranger entre les deux claques cinématographique de Darren Aronofsky (Requiem for a Dream) ou Stanley Kubrick (2001).