Culte du dimanche : Apocalypse Now

Par Fredp @FredMyscreens

Actu Cannes oblige, parlons cette semaine de l’une des palmes d’or du festival. Et pas des moindres avec le plus grand film sur la guerre du Viet-Nam, Apocalypse Now.

Nous voilà en 1979 et un film va marquer Cannes à deux reprises. La première fois, Apocalypse Now de Francis Ford Coppola y est présenté alors que le film n’est même pas terminé. Puis il reviendra en 2001 dans une version Redux, plus longue et plus intense. A partir de là, un mythe s’est construit.

Il faut dire que dès le début, le projet était assez « apocalyptique»  justement. Un tournage cauchemardesque entre un ouragan venu tout détruire, les problèmes cardiaques de Martin Sheen, le perfectionnisme littéralement suicidaire de Coppola, l’égo sur-dimensionné de Marlon Brando, les problèmes de drogues… Ce ne fut pas de tout repos, surtout sur 16 mois ! Puis c’est en salle de montage que le film a pris le temps de se construire pendant 3 ans.

Mais, comme pour beaucoup de projets assez maudits, le résultat à l’écran est devenu vraiment impressionnant. Francis Ford Coppola propose avec avec Apocalypse Now une œuvre forte, hypnotique, saisissante sur le résultat de la guerre du Viet-Nam. Il faut dire que jusque là, Hollywood avait plutôt l’habitude de promouvoir les guerres. Mais pour celle du Viet-Nam c’est autre chose. Et avec Voyage au Bout de l’Enfer, Apocalypse Now marque une prise de position forte des artisans du spectacle contre une guerre qui n’a pas lieu d’être. Le conflit vietnamien (comme le conflit irakien aujourd’hui) fait l’objet de multiples critiques et Apocalypse Now en montrera l’aspect le plus noir.

Inspiré dans les grandes lignes par le roman Au Cœur des Ténèbres de Robert Conrad, Coppola va l’adapter à la guerre du Viet-Nam pour faire passer son message qui lui tient plus qu’à cœur. C’est un peu le film dont sa vie dépend. Pour nous donner sa vision de la guerre, de la colonisation et son impact sur la vie d’un soldat, il nous raconte le voyage du capitaine Willard (Martin Sheen). Un voyage autant physique, sur le fleuve dont le but est de supprimer le Colonel Kurtz (impérial Marlon Brando) au méthode malsaines, que psychologique.

Le film évoque clairement le parcours de soldats brisés par la guerre, les détruisant psychologiquement et les faisant retourner à un état de sauvagerie primaire. Ainsi, Kurtz, dont l’ombre plane sur l’équipage de Willard pendant tout le film, est devenu le chef craint d’un village au cœur de la jungle cambodgienne au méthodes sanglantes et expéditives alors qu’il avait un parcours pourtant exemplaire. Au fur et mesure, Willard, lui aussi détruit à petit feu depuis le début de la guerre, et encore plus depuis qu’il a débuter ce voyage vers les ténèbres se demande alors si finalement il n’aurait pas plus en commun avec Kurtz qu’il ne le pense. Et chaque étape de la remontée du fleuve de Saïgon (de l’impressionnante et mémorable attaque aérienne sur le village rythmée par Wagner à la colonie française à découvrir dans la version Redux), forgeront sa position et le prépareront au face à face attendu.

Un récit intense duquel on ne peut décrocher, mit en scène par un Francis Ford Coppola à l’apogée de son talent. Il faut dire que malgré le tournage aux conditions impossible, le réalisateur est plus inspiré que jamais et chaque tableau du film reste en mémoire. Il n’y a qu’à voir « l’attaque des Walkyries»  pour se rendre compte de la puissance de sa réalisation. Et puis le final dans le village de Kurtz est une experience intense dominée par un Brando au sommet de son art (il ne pourra ensuite qu’en redescendre).

Le résultat à l’écran est un film fou, un film de fou ! Un film qui devait être fait mais que peu de personnes auraient pu mener à terme. Une expérience physique dure, une réflexion psychologique marquante, pour un spectateur qui, comme les soldats, n’en sortira pas indemne (et ce, pour les 2 versions du film). Un trip cauchemardesque réaliste au cœur de l’horreur de la guerre. Entre violence et lyrisme, réflexion et action, Francis Ford Coppola offre le plus grand film sur la guerre du Viet-Nam et même sur la guerre tout court.

Et les spectateurs comme les critiques ne s’y sont pas trompé en le faisant entrer directement au panthéon du 7e art et faisant de Coppola un réalisateur quelque peu vénéré. Le film a reçu la palme d’or au festival de Cannes (ex-aequo avec Le Tambour, mais c’est tout de même exceptionnel puisque le film n’était même pas terminé !), 2 Oscars, 3 Golden Globes dont meilleur réalisateur et le César du meilleur film étranger. Il n’est donc pas étonnant que ce soit l’un des films les plus cultes qui soient.