“Top cops” de Kevin Smith

Par Boustoune

On le sait depuis Clerks, son premier long-métrage, Kevin Smith est un véritable geek cinéphile (2). Un de ces types un peu illuminés qui connaissent par cœur tous les détails de la trilogie Star Wars (l’originale avec Mark Hamill et Harrison Ford), qui vénèrent Chow Yun-Fat et le cinéma d’action hongkongais, qui aiment les comédies potaches comme Porky’s ou American College, les films adolescents façon John Hughes, qui rêveraient d’être un super-héros, un Batman ou un Superman, et qui se gavent de BD et de comics books. Bref, un adepte de la contre-culture, un chantre du cinéma de genre et du mauvais goût assumé…
On n’a donc guère été étonnés de le voir s’attaquer, avec Top cops,  à un “buddy-cop movie”, (3) une de ces comédies policières reposant  sur la difficile collaboration d’un duo de policiers aux tempéraments diamétralement opposés.

Smith a été adolescent pendant les années 1980 et a donc été abondamment nourri de ce genre de blockbusters gonflés à l’humour et à la testostérone, comme la saga L’arme fatale, avec Mel Gibson et Danny Glover, 48 heures, avec Nick Nolte et Eddie Murphy, Tango & Cash, et par quelques séries-télé cultes comme “Starsky & Hutch”…
Il n’a donc pas dû réfléchir très longtemps avant d’accepter la proposition de la Warner de porter à l’écran le scénario de Rob & Mark Cullen, hommage aux comédies d’action précitées… Il a embarqué dans l’aventure Bruce Willis, une des icônes du genre – Tracy Morgan, un comique jusque-là cantonné à des shows télévisés et Sean William Scott, le Stifler d’American Pie.

Le cinéaste étant doté d’un humour politiquement incorrect, très cru et irrévérencieux, on attendait le résultat avec une certaine curiosité et non sans une pointe d’impatience, frustrés par la non-distribution de son précédent long-métrage (4). Malheureusement…

… On le sait depuis Jersey Girls, Kevin Smith est aussi capable de tourner de gros nanars sans âme, ultra-conformistes et pas drôles. 
Et son Top cops appartient hélas à cette catégorie.
Le personnage joué par Tracy Morgan annonce la couleur dès les premiers plans : il s’agit moins d’un hommage que d’un “haut-mage” (“how mage”, en anglais…). Comprenez une parodie lourdingue qui assène ses références plutôt que de les distiller avec finesse et parcimonie.

Principal défaut de cette comédie pachydermique : reposer quasi-exclusivement sur l’insupportable Tracy Morgan, son visage poupin vaguement ahuri, son cabotinage éhonté, son jeu constamment outrancier. son incontinence verbale et ses vannes foireuses…
Pour ce qui est son premier grand rôle au cinéma (et dernier, espérons-le), le bonhomme a choisi de mettre le paquet et semble prendre un malin plaisir à voler la vedette à ses partenaires, dépassés par les évènements. Mais que fait la police ?

Bruce Willis à l’air de se demander très sérieusement ce qu’il fait là, sans doute un peu inquiet de rajouter un nouveau nanar à sa collection, lui qui n’a pas toujours fait que des choix de carrière très heureux et dont certains affirment à présent qu’il est un peu has-been… Totalement absent dans les phases de comédie, il n’a guère l’occasion de briller dans des scènes d’action d’une indigence rare, où il se contente de faire acte de présence… 

Sean William Scott, peut-être un peu jaloux de la performance de top niveau de son collègue Morgan, ne trouve rien d’autre à faire que de répéter les mêmes phrases que lui, juste pour l’agacer… Raté : n’est pas Joe Pesci qui veut… Morgan est toujours atteint de diarrhée verbale et c’est le spectateur qui s’agace…

Trois acteurs très différents (et pas du tout assortis), trois prestations pitoyables. Auxquelles il faut ajouter celle de Guillermo Diaz, le méchant du film, l’un des bad guys les plus ridicules et caricaturaux qu’il nous ait été donné de voir dans un film d’action – et pourtant, il y en a eu des gratinés…

Si encore le scénario et les dialogues étaient à la hauteur, on pourrait à la rigueur être indulgent. Mais là aussi, on est très loin du compte.
Figurez-vous que l’intrigue tourne autour… d’une carte  de baseball.
Non, vous ne rêvez pas, le duo de flics est à la recherche d’une simple carte de collection – certes rare et d’une certaine valeur – volée par un cambrioleur loufoque et tombée entre les mains d’un parrain latino, genre Tony Montana du pauvre, qui de son côté, cherche à récupérer sa voiture, volée par un cinquième larron…
Du grand n’importe quoi, hein ? Vous vous dites que ce n’est pas possible, qu’ils se fichent de nous Smith et ses scénaristes ? Que nenni ! Vous seriez surpris d’apprendre que le scénario faisait partie d’une liste des scripts les plus prometteurs en attente à Hollywood… On n’ose imaginer la qualité de tous les autres…

La mise en scène confine elle aussi au foutage de gueule. Certes Kevin Smith n’a jamais véritablement brillé par la finesse de sa mise en scène, mais ici, tout est affligeant de mollesse. Les moments d’action ne sont pas légion, mais à la limite, tant mieux car ils sont très mal rythmés et baignent dans la confusion la plus totale.
(Non mais franchement, un flic déguisé en téléphone mobile géant qui enfourche un vélo pour poursuivre un gangster, il faut le voir pour le croire…)  

Le tempo des scènes de comédie n’est guère meilleur, et là, c’est presque une faute professionnelle… Si une ou deux scènes parviennent très péniblement à nous arracher un sourire, les autres traînent en longueur, les gags tombent à plat et les rares vannes un peu drôles sont noyées dans le flot de paroles de Morgan…
Le plus impardonnable est que l’on ne retrouve jamais dans ce film  l’humour trash et politiquement incorrect qui a fait la réputation de Kevin Smith. Ah si, à un moment, Tracy Morgan atomise les coucougnettes d’un gamin de dix ans aussi insupportable que lui. Mouais… On va dire que c’est mieux que rien…  
Filmé de façon paresseuse, monté avec les pieds, reposant sur les pitreries d’une bande de bouffons en roue libre et un script d’une indigence rare, Top cops est, vous l’aurez compris, loin, très loin d’être un top film…
A éviter, donc…

(1) : home run = terme désignant un coup gagnant au baseball
(2) : Comme mon comparse PaKa, comme mes amis de Geek Culture – qui ont eux aussi démoli le film dans les grandes largeurs – comme la très sympathique ciné-geekette Nivrae, comme bien d’autres… Et comme moi aussi, j’avoue…
(3) : Sous genre de » buddy movie » : film de copains reposant souvent sur un duo aux caractères très tranchés. Un procédé classique de narration.
(4) :
Zack & Miri tournent un porno  avec Seth Rogen et Elisabeth Banks, tourné en 2008 et jamais sorti en France… Sniff…

 

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Top cops
Cop out

Réalisateur : Kevin Smith 
Avec : Bruce Willis, Tracy Morgan, Sean William Scott, Kevin Pollak, Guillermo Diaz, Anna de la Reguera
Origine : Etats-Unis
Genre : nanar déguisé en buddy cop movie  
Durée : 1h40
Date de sortie France : 23/06/2010

Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Filmosphère
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