Le nouveau long-métrage de M. Night Shyamalan aurait dû s’appeler “Avatar”, du nom de l’oeuvre dont il est tiré, mais James Cameron et ses schtroumpfs géants sont passés par là, et le film a donc a été rebaptisé Le Dernier maître de l’air.
Il s’agit de l’adaptation grand écran, live et 3D relief de la série d’animation “Avatar”, qui a fait le bonheur de la chaîne Nickelodeon en attirant un assez large public dans tous les pays où elle a été diffusée.
Les fans attendaient sans doute avec impatience cette version cinématographique. Nous, pas vraiment… Et encore moins depuis que nous avons découvert la bande-annonce, laissant présager un truc kitsch et criard, plein de bruit et de fureur, et que nous avons eu vent – c’est le cas de le dire – des premiers échos, assez unanimes quant à la piètre qualité artistique du produit.
Nous avons donc aiguisé notre plume, prêts à pourfendre le vilain film à coups de jeux de mots assassins, préparés à l’avance : “Shyamalan nous a coulé un bonze”, “Tout nul et tout bonzé”, “un bonze et une bouse », »Mieux vaut jamais qu’Avatar”…
Bon, rassurez-vous, après avoir vu le film, nous vous épargnerons tous ces traits d’esprits pourtant très bonzes (oups…) car Le Dernier maître de l’air n’est pas aussi calamiteux que ce qui était annoncé…
Mais attention, hein, il n’est certainement pas bon pour autant…
L’histoire racontée colle apparemment de très près à l’intrigue de la série télévisée. Elle se déroule dans un univers fantastique où cohabitent humains, esprits et créatures merveilleuses. Les humains y sont divisés en quatre ethnies distinctes, chacune étant capable de maîtriser un des quatre éléments : eau, terre, air et feu. Normalement, ceci est supposé garantir l’équilibre de ce monde, mais, depuis une centaine d’années, la nation du feu a pris le pouvoir, semant la destruction et la mort, et asseyant chaque jour leur domination sur les autres tribus en conquérant villes et villages et en éliminant toute personne capable de maîtriser les autres éléments.
Le seul capable de rétablir l’équilibre est l’avatar, un être “élu” des Dieux ayant reçu le don de pouvoir maîtriser les quatre éléments à la fois. Mais celui-ci a mystérieusement disparu, peu de temps avant l’attaque du peuple du feu.
Un jour, Katara et Sokka, une adolescente et son frère, membres de la tribu de l’eau du Pole Sud, découvrent Aang, un jeune garçon prisonnier d’une épaisse couche de glace.
Ils le ramènent à la vie, lui offrent protection et hospitalité. Très vite, ils comprennent que Aang est l’avatar. Problème : le garçon n’a pas pu aller au bout de son enseignement. Il maîtrise l’air, mais doit encore apprendre à dompter, dans l’ordre : l’eau, la terre et le feu. Et vite ! Déjà parce que la Nation du Feu a lancé son offensive finale sur le royaume de l’Eau, après avoir anéanti complètement le peuple de l’Air et asservi celui de la Terre. Ensuite parce que plusieurs ennemis sont désormais au courant de sa nature et sont lancés à ses trousses, dont le prince Zuko, le fils banni du roi du Feu…
Même si cette trame narrative n’a rien d’original, empruntant toutes ses idées à droite à gauche – un peu à “Dragonball”, un peu à “A la croisée des mondes”, “Le monde de Narnia” et autres récits pour enfants, beaucoup aux films d’arts martiaux et aux religions orientales… – et même si on devine assez facilement les rebondissements qui devraient l’émailler, elle était suffisamment fournie pour donner quelque chose de valable à l’écran
Le problème, c’est que Shyamalan et ses scénaristes ont tenté de caser l’intégralité de la première saison de la série animée, soit près de 400 minutes, en un film d’un peu plus d’une heure et demie… Mission impossible…
Les scènes s’enchaînent donc de façon très mécanique, et à un tempo bien trop rapide pour nous permettre de prendre le temps de découvrir l’univers du film et de rentrer dans le récit. Oh, le montage tente bien de grappiller ça et là quelques précieuses secondes, mais cela ne fait qu’empirer les choses. Déjà parce que les rares scènes intéressantes se retrouvent totalement charcutées, ou laissées en plan pour passer aux séquences suivantes. Ensuite parce que le rythme global du film s’en ressent, semblant confondre vitesse et précipitation…
Résultat, c’est confus et il est quasiment impossible de s’attacher aux personnages.
D’autant que le casting n’aide pas, mais alors pas du tout.
Le jeune Noah Ringer est peut-être doué pour les gesticulations kung-fu-esques mais son jeu d’acteur, lui, laisse vraiment à désirer. Il semble par ailleurs constamment crispé, paralysé par le poids de ce rôle principal sur ses jeunes épaules. Vu qu’il est censé incarner un héros charismatique que tout le monde a envie de suivre, c’est plutôt dommage…
Mais bon, il n’est pas acteur à la base, et il est encore jeune. Donc des circonstances atténuantes que n’ont pas ses collègues.
Les deux jeunes comparses de l’Avatar, “joués” par Nicola Peltz et Jackson Rathbone rivalisent de fadeur et d’inexpressivité.
Dev Patel, échappé des taudis de Bombay ne devrait pas vraiment gagner des millions avec ce film : il n’est pas crédible un seul instant dans son rôle de méchant obsédé par la capture de l’Avatar. Pas plus que ne le sont Aasif Mandvi, fourbe de pacotille, ou Cliff Curtis, roi du cabotinage…
A la limite, on aurait préféré que le méchant soit incarné par le charismatique Shaun Toub, le seul qui tire à peu près son épingle du jeu dans le rôle de l’aide de camp de Zuko, homme sage, avisé et puissant…
A la décharge des acteurs, ils n’ont pas grand chose à défendre, Shyamalan préférant se concentrer sur les innombrables scènes de combats et de batailles plutôt que de consacrer un peu de temps à ses personnages.
C’est un choix… Sans doute a-t-il cru pouvoir noyer les failles de sa narration dans un déluge d’effets visuels et de combats épiques.
Il est vrai que les effets spéciaux sont assez soignés et des plus convaincants, mais ils s’avèrent aussi assez répétitifs à la longue. A vrai dire, on finit même par s’ennuyer ferme devant ce spectacle pyrotechnique beau mais sans âme…
Quant aux duels opposants les personnages principaux, ils sont assez risibles. Eux manquent singulièrement de rythme. Un comble !
Il faut dire qu’avant toute activation de leur pouvoir, les maîtres des éléments sont obligés d’exécuter d’interminables chorégraphies, à mi-chemin entre mouvements de Tai-chi et danse de l’été. Est-ce pour cela qu’un personnage s’appelle Sokka?
En tout cas, à l’écran, c’est ridicule…
Non, décidemment, Le Dernier maître de l’air n’est vraiment pas transcendant, alors qu’il y aurait probablement eu possibilité de faire quelque chose d’un peu plus excitant. On a la désagréable impression d’un film-baudruche boursouflé d’effets visuels, mais qui se dégonfle dès que l’on gratte un peu pour voir ce qu’il a dans le ventre…
Les plus jeunes y trouveront peut-être leur compte. Et les fans de la série animée originale, qui connaissent déjà par coeur l’intrigue et les personnages, seront eux-aussi mieux armés pour apprécier le film et les suites qui devraient logiquement être mises en chantier, si le public suit (apparemment, l’idée est de suivre les trois saisons de la série, chacune centrée sur l’apprentissage d’un élément).
Pour les amateurs de cinéma un peu plus évolué, il faudra aller voir ailleurs…
C’était prévisible… Après tout, Le Dernier maître de l’air n’est rien d’autre qu’un blockbuster estival paresseux, ni meilleur ni pire que certains films d’action bêtas et autres aventures formatées pour public familial. Et si l’oeuvre n’avait été signée par M. Night Shyamalan, personne n’en aurait parlé.
C’est de là que vient la déception éprouvée à la vision du film. On s’attendait à mieux de la part de ce cinéaste jadis considéré comme le “nouveau Spielberg” et qui depuis, accumule les échecs.
Mais là encore, il convient de relativiser cette déception. Car si Shyamalan avait fait illusion avec ses deux premiers longs-métrages, Sixième sens et Incassable, (qui reposaient quand même beaucoup sur leurs twists finaux), il n’a rien signé de vraiment bon depuis. D’accord, Le Village était loin d’être une purge, mais Signes (aïe), La jeune fille de l’eau (aïe aïe…), Phénomènes (aïe aïe aïe…).
Peut-être est-il temps d’arrêter de le considérer comme un grand réalisateur, et ne plus rien attendre de bon de sa part. Qui sait, peut-être parviendra-t-il ainsi à nous surprendre à nouveau ?
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The last airbender
Réalisateur : M. Night Shyamalan
Avec : Noah Ringer, Nicola Peltz, Jackson Rathbone, Dev Patel, Aasif Mandvi, Cliff Curtis, Shaun Toub
Origine : Etats-Unis
Genre : baudruche
Durée : 1h43
Date de sortie France : 28/07/2010
Note pour ce film : ●●○○○○
contrepoint critique chez : CinéphilME
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