Pour une fois, on va parler d’un film ancien, vraiment très ancien. Du noir et blanc, les années 50 … mais quel film ! Douze Hommes en Colère est l’un des films à suspens les plus diaboliques du cinéma !
Sa carrière, Sidney Lumet ne la doit qu’à son premier film. Un film noir, huis-clos complexe abordant de nombreux thèmes chers au réalisateur, et mené de main de maître.
A l’origine, il y avait bien une pièce de théâtre écrite par Reginald Rose qui a remporté un succès certain, mais pour la mettre en scène pour le grand écran, Lumet a apporté quelques changement au scénario. Ce qui ne fera qu’accentuer la pression pendant tout le film. Douze Hommes en Colère parle donc de la décision que doit prendre un jury à l’issue d’un procès. Nous ne savons rien de l’affaire qui vient d’être présentée par les avocats si ce n’est que l’accusé est là pour homicide et nous retrouvons directement dans la pièce de délibération du jury. Démarre alors un huis-clos infernal car nous ne sortirons pas de la pièce avant que tous les jurés aient un vote unanime.
Tout aurait pu être très vite réglé dès le premier vote puisque la grande majorité vote d’emblée coupable. Mais c’est sans compter sur l’un d’eux, seul contre tous, qui vote « non coupable» , juste pour discuter de l’affaire. Dès lors, il va s’acharner à démontrer aux autres jurés que tout n’est pas clair dans l’affaire et qu’il n’y a des zones d’ombre qui font que l’on ne peut pas être certain de la culpabilité de l’accusé (comme on ne peut pas non plus être certain de son innocence d’ailleurs). Le scénario va alors amener chaque juré à revoir sa position au fur et à mesure que les faits énoncés lors du procès seront démontés et analysés avec un peu de recul.
Toute la force du film est présente dans ce scénario impeccable et machiavélique, remettant constamment en perspective l’affaire et les opinions des protagonistes. Alors que nous sommes enfermés dans une seule pièce, le récit nous tient en haleine à chaque instant et on ne décroche pas. Il faut dire que Sidney Lumet, pour un premier film (et c’est remarquable), accentue toute la tension du scénario avec une mise en scène au cordeau. Plaçant le film dans un cadre étouffant (une pièce, une chaleur étouffante, des personnages sans nom, la vie d’un homme en jeu), il se rapproche des personnage au fur et à mesure que le récit avance, accentuant la pression jusqu’à la décision finale. Même encore aujourd’hui, le film est d’une efficacité redoutable.
On trouvera peut-être à redire sur la représentation des juré assez cliché, chacun étant issu d’un milieu social et professionnel différent, mais il s’agit là de représenter les États-Unis dans leur ensemble, de montrer à tous que la vie d’un homme n’est pas un jeu et qu’il faut prendre des décision lourde de conséquence alors que la peine de mort est toujours dans les mœurs (nous sommes en 1957). Ici, le récit montre clairement, à travers certains des personnages que l’on ne peut combattre ni les préjugés ni les expériences personnelles passées, même lorsque l’on doit juger des faits objectifs. Ces personnage sont d’ailleurs campés à la perfection par un casting rodé et mené par un Henry Fonda bon samaritain charismatique.
Le film est incontestablement une grande réussite artistique et la critique ne s’y est pas trompée en le nommant 3 fois aux oscars et en lui délivrant l‘ours d’or à Berlin. Le public non plus d’ailleurs puisqu’il est aujourd’hui toujours présent dans le top10 imbd. Il s’en suivra bien sûr ensuite un succès pour la pièce qui parcourra le monde et de nombreuses références (notamment dans quelques séries US comme les Simpson). Le film traverse le temps sans une ride, avec une mise en scène qui fait école et un rapport à l’actualité toujours présent. Sans aucun doute valable, Douze Hommes en Colère est culte.