Parfois, c’est dur, la vie…
Regardez ce “pauvre” François-Marie Banier que l’on empêche de profiter des cadeaux de sa généreuse vieille amie Liliane (1) et qui se retrouve traité comme un paria par ses anciens employeurs, également fort généreux avec lui. Ah! Voilà un homme dont les malheurs feraient le bonheur du site vdm (2) et dont les émoluments annuels feraient le bonheur de plusieurs foyers défavorisés …
Bon OK, ce n’est peut-être pas un bon exemple… Pouf, pouf…
Regardez la “pauvre” Liz Gilbert : un emploi de journaliste et d’écrivain qui l’emmenait un peu partout sur la planète, un grand appartement, un mari attentionné. Elle avait tout pour être heureuse, épanouie, bien dans sa peau de trentenaire… Et pourtant, elle passait son temps à pleurer sur son sort.
Elle ne supportait plus cet appart trop froid, ce mari trop conformiste, manquant cruellement de passion. Elle n’avait plus goût à rien… La déprime totale !
Et ni son divorce, ni sa liaison avec un acteur beau gosse, mais trop égocentrique n’ont réussi à lui redonner le sourire. Au contraire…
Alors, pour se remettre de tous ses malheurs, elle a pris la décision de prendre une année sabbatique, consacrée à la recherche de son équilibre. Un voyage épicurien et spirituel où elle a pu se recentrer sur elle-même et ses besoins fondamentaux.
De cette expérience, elle a tiré un livre (3), devenu un best-seller. Comme quoi, le proverbe a raison, “A toute chose, malheur est bon”…
Evidemment, le cinéma hollywoodien ne pouvait pas passer à côté de cette belle histoire. Et le livre est devenue un film portant le même titre : Mange Prie Aime.
A la place de la blonde trentenaire Liz, une brunette quadragénaire, puisque c’est Julia Roberts qui s’est emparée du rôle dans ce long-métrage de Ryan Murphy.
L’auteure faisait une pause, la Pretty Woman prend la pose dans des paysages forcément idylliques, histoire de faire rêver le spectateur.
On la voit donc découvrir les joies du “dolce farniente” à l’italienne au cours de courtes vacances romaines pendant lesquelles elle s’empiffre de spaghettis, raviolis, antipasti, gelati et tutti quanti. [au passage, il faudrait signaler au réalisateur que dans les pâtes à la carbonara, il n’y a pas de sauce tomate… Le gourmet masqué]
Pas de complexes! Oublié le ventre plat, vive le petit bidon ! (Cela dit, elle a de la marge, la Julia Roberts… On ne peut pas dire qu’elle soit obèse…)
Elle parvient même à faire une B.A. en déculpabilisant sa copine, une bombasse suédoise blonde comme les blés, angoissée à l’idée de passer de la taille XXS à XS en mangeant sa part de pizza napolitaine. Parfois, c’est dur, la vie (bis…)
Ensuite, on la suit en Inde, où elle tente d’apprendre la pratique de la méditation chez un gourou réputé, dans un temple tout confort. Ben oui, on ne va pas trop montrer les bidonvilles de Calcutta, ce n’est pas trop photogénique, ça, coco… Enfin bref… Sur place, elle applaudit à un mariage forcé et fait sa B.A. en dédiant sa séance de méditation à la jeune mariée, angoissée par sa nouvelle vie. Ca c’est un beau cadeau…
Elle rencontre aussi un compatriote texan (Richard Jenkins), cowboy sacrément vache – en Inde, c’est logique – qui s’avère finalement doux comme un agneau. Un Gandhi de la crise de couple et de l’acceptation de soi…
Enfin, elle hésite entre tomber dans les bras d’un mââle latino renversant (Javier Bardem) qui tient absolument à lui montrer son petit oiseau (4) et méditer pendant des heures auprès d’un vieillard édenté… Cruel dilemme… Parfois, c’est dur la vie (ter).
Avec ses images de carte postale, ses musiques relaxantes soigneusement sélectionnées, ses personnages pittoresques et tous les petits plats appétissants qui défilent devant nos yeux, on comprend bien que le film entend bien flatter les cinq sens et inviter au voyage.
Le trajet n’est certes pas déplaisant, mais il est mené à un rythme un peu trop rapide pour que l’on puisse profiter du paysage… On a un peu l’impression d’être un touriste a qui le guide se sent obligé de montrer un maximum de chose en un temps record, histoire de rentabiliser son bref séjour…On visite des dizaines de lieux en un peu de temps, sans les apprécier vraiment. Non, franchement, les plans qui ne durent pas plus de deux secondes et la multiplication des angles de vue (5) ne sont pas franchement adaptés à un film qui parle de zenitude, de détente et de voyage. Non seulement on n’est pas émerveillé, mais en plus, on finit par avoir le mal des transports…
Quand la caméra se pose, en de rares occasions, cela donne les meilleures scènes du film, mais – c’est le revers de la médaille – le cinéaste, incapable de doser ses effets, fait alors un peu trop traîner l’intrigue… Parfois, c’est dur, la vie…
Puisque le personnage principal passe une bonne partie de son temps à s’empiffrer, versons dans l’allégorie “culinaire” pour parler du film…
Mange Aime Prie évoque une barre chocolatée dont la publicité vantait justement les vertus de la pause-détente : “Have a break, have a… [BLIP]” (5) :
Un packaging flamboyant qui attire l’attention, un biscuit croustillant enrobé de chocolat qui invite à croquer dedans pour satisfaire les petites faims.
Sur le coup, c’est satisfaisant pour les papilles, mais après le cortex cérébral se manifeste et on réalise que cet encas n’est en fait pas très sain, hypercalorique et trop sucré, et au final, assez écoeurant…
Oui le film de Ryan Murphy est exactement pareil : un petit truc léger et croustillant, une comédie qu’on est bien content de découvrir quand on n’a rien d’autre à se mettre sous la dent, mais qui, à cause d’un enrobage trop doucereux, s’avère vite assez indigeste…
Bon, ce n’est pas totalement mauvais. Ca peut même se laisser voir à condition de ne pas être trop exigeant. et de supporter les sempiternels clichés que les américains ont des pays étrangers [au passage, il faudrait dire au réalisateur qu’en Europe, les gens ne roulent plus vraiment en 2CV. Et que d’ailleurs, ce stéréotype archaïque est à accoler aux français plutôt qu’aux italiens qui, c’est bien connu, ne se déplacent qu’en vespa… - Le garagiste masqué].
On peu se laisser porter par le charme des comédiens, qui assurent le métier en semblant s’amuser comme des petits fous, et on peut apprécier quelques répliques amusantes, à défaut d’être mémorables.
Mais le résultat est bien en deçà de ce que l’on pouvait espérer d’un tel sujet. On aurait aimé rêver, éprouver de la sérénité, saliver devant cet abondance de mets italiens savoureux, sentir le parfum des fleurs balinaises, ressentir la spiritualité indienne… Rien de tout cela, le film manquant singulièrement de ce petit supplément d’âme qui aurait pu le transcender – et nous avec…
On ne vibre pas, on s’ennuie un peu, on regrette d’avoir perdu son temps au cinéma plutôt que d’avoir profité des derniers rayons de soleil de l’été…
Parfois, c’est dur, la vie…
(1) : Si vous n’êtes pas au courant de l’affaire de l’été 2010, on ne peut pas grand chose pour vous, si ce n’est vous conseiller de lire un peu plus la presse…
(2) : www.viedemerde.com
(3) : “Mange Prie Aime” d’Elizabeth Gilbert – éd. Calmann Lévy
(4) : Hé, pas de mauvaises pensées! Il veut juste l’emmener découvrir la faune d’une petite île à proximité de Bali…
(5) : ça me rappelle un petit site cinéma, ça…
(6) : Hé, on ne va pas faire de pub pour cette grande marque, quand même !
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Mange Prie Aime
Eat pray love
Réalisateur : Ryan Murphy
Avec : Julia Roberts, Javier Bardem, Richard Jenkins, Viola Davis, Billy Crudup, James Franco, Tuva Novotny
Origine : Etats-Unis
Genre : invitation au voyage/attrape touristes
Durée : 2h20
Date de sortie France : 22/09/2010
Note pour ce film : ●●○○○○
contrepoint critique chez : Blog d’une ciné-geekette
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