Au départ, on a pensé qu’il s’agissait d’une bien curieuse idée que de donner une suite, plus de vingt ans après, à Wall Street, gros succès au box-office en 1987, mais un peu oublié depuis…
Puis on s’est dit : pourquoi pas ? Après tout, le projet, initié en plein pendant la panique boursière liée à la crise des subprimes, n’était pas inintéressant. En partant de cette crise, symbolique des dérives de l’ultralibéralisme, Oliver Stone, cinéaste dont on connaît l’engagement politique et les idées de gauche, avait un matériau de premier choix pour dresser un portrait féroce de son pays, livré aux requins des affaires et aux politiciens corrompus, ou pour livrer une critique sans tabou du monde de la finances et des magouilles bancaires… Le décalage temporel entre les deux films pouvait aussi montrer l’évolution de l’économie du pays, depuis la fin de l’ère Reagan jusqu’à la fin de l’ère Bush Jr, et en dresser le bilan, pas des plus reluisants…
Et puis, on a vu le film et on a conclu que non, finalement, ce n’était définitivement pas une bonne idée de sortir du placard Gordon Gekko, le golden boy manipulateur et sans scrupules incarné par Michael Douglas, car ce mélo familial cheap sur fond de crise économique et de boursicotages s’avère particulièrement mollasson et conformiste, dénué du cynisme, de la méchanceté et de la pointe de noirceur désabusée qu’il aurait fallu lui insuffler.
Certes, nos lecteurs de plus de trente ans nous rappelleront probablement que le premier épisode n’était guère plus transcendant au niveau du scénario ou de la mise en scène, qu’il reposait surtout sur l’affrontement entre un Michael Douglas ravi de jouer les salauds finis et un Charlie Sheen annoncé – à tort – comme l’un des jeunes acteurs les plus prometteurs d’Hollywood. Grâce à leurs joutes verbales, leurs petites magouilles et leurs coups tordus, on suivait le film sans trop s’ennuyer, à défaut d’être éblouis par le propos ou la mise en scène assez balourde d’Oliver Stone (1).
Ce second volet est exactement conçu sur le même moule : Wall Street : l’argent ne dort jamais est surtout prétexte à un show Michael Douglas, tout en sourires carnassiers et clins d’oeil charmeurs. Et face à lui, un acteur annoncé – à tort ? (2) – comme l’un des jeunes acteurs les plus prometteurs d’Hollywood…
Sauf que là, ça fonctionne nettement moins bien. La description du milieu des finances et de la haute-voltige boursière laisse place, le plus souvent, à un méli-mélo familial entre Gekko, qui vient de purger sa peine de prison, suite aux malversations du premier volet, sa fille, qui ne lui adresse plus la parole depuis des années, et son futur gendre, un jeune arriviste qui veut réussir un peut trop vite et en mettre plein la vue à tout le monde…
Tout est terriblement prévisible. On devine dès le début que le jeune homme va tomber dans le piège tendu par le vieil escroc, que son couple va s’en retrouver en péril, et qu’in fine, tout s’arrangera… Donc, on trouve vite le temps long…
D’autant qu’on ne peut guère s’accrocher à la mise en scène platounette de Stone (3), ni au héros fadasse aux yeux de cocker, incarné par LaBeouf, et encore moins à Carey Mulligan, si brillante dans Une éducation et totalement sous-exploitée ici…
Reste Michael Douglas, très à l’aise dans ce rôle de pourri intégral n’hésitant pas à sacrifier ses propres enfants pour assurer sa propre réussite. Un personnage fascinant, finalement assez symptomatique de la mentalité dominante : égocentrique, ambitieux, plus obsédé par le profit que par le bonheur, plus porté sur l’avoir que sur l’être…
Mais, sans vouloir trop dévoiler ce qui reste d’intérêt à l’intrigue, même ce personnage délicieusement sans foi ni loi (sauf vis à vis du Dieu Dollar) finira écrasé par le passage du rouleau-compresseur moralisateur chargé de lisser tout scénario un peu trop déviant ou politiquement incorrect… Las…
Le rêve américain n’est plus ce qu’il était – dans tous les sens du terme…
(1) : Bon, j’avoue que je ne suis pas un inconditionnel du cinéaste. J’ai apprécié Salvador et Platoon d’accord… Et un peu U-turn, mais pour le reste, ça oscille entre le moyen et le franchement pas bon…
(2) : Bon, j’avoue, je ne suis pas fan non plus de Shia LaBeouf, que je ne trouve ni charismatique, ni très bon acteur. Ce n’est pas parce que le garçon est le petit protégé de Spielberg qu’il a du talent…
(3) : mauvais jeu de mot inside… Désolé…
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Wall Street : l’argent ne dort jamais
Wall Street : money never sleeps
Réalisateur : Oliver Stone
Avec : Michael Douglas, Shia LaBeouf, Carey Mulligan, Josh Brolin, Franck Langella, Susan Sarandon
Origine : Etats-Unis
Genre : opérette de quatre sous
Durée : 2h16
Date de sortie France : 29/09/2010
Note pour ce film : ●●○○○○
contrepoint critique chez : Filmosphère
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