Si il y a bien un film qui marque dans l’étrange carrière de Terry Gilliam, c’est bien Brazil, absurde, poétique et visionnaire, culte parmis les cultes. Retour sur le film dystopique le plus fou.
A l’origine de l’inspiration de Terry Gilliam pour cette dystopie, il y a bien entendu le 1984 de George Orwell (Brazil devait d’ailleurs au départ se nommer 1984 1/2). Nous nous retrouvons donc dans un système totalitaire gouverné non pas par un grand despote mais par une bureaucratie extrême où chaque fait et geste donne lieu à une montagne de paperasse difficile à surmonter et où la seule possibilité d’échapper à ce cauchemar ambiant pour Sam Lowry est de se rêver en héros ailé, au secours d’une princesse en détresse.
On connait bien aujourd’hui l’univers complètement barré de Terry Gilliam qu’il avait commencé à introduire au sein des Monty Python mais c’est bien Brazil représente la quintessence de son imaginaire et de son cinéma. Le film représente un monde dominé par l’administration, reflet de notre monde mais aussi du combat permanent du réalisateur contre ses producteurs. Tous les ingrédients de Gilliam sont là (le rêve, les personnages étranges, l’absurde, les personnages étranges, la fantaisie, l’échappatoire à la grisaille du monde) et se retrouveront ensuite dans son œuvre, du Baron de Münchhausen au Dr Parnassus en passant par l’Armée des 12 Singes.
Il faut dire que le film est tout ce qu’il y a de plus riche. Gilliam imagine vraiment un monde sombre où la musique latino Brazil semble être le seul rayon de lumière au milieu de la grisaille de la bureaucratie absurde qui règne. Tuyauterie apparente devenue la norme esthétique de l’habitat, bureaux impersonnels que doivent même se partager 2 employés, lourdeur de la paperasse, ne serait-ce que pour appeler un plombier. Finalement, il n’est pas étonnant que le héros plonge dans ses rêves où il s’imagine comme un guerrier volant, devant combattre monstres et samouraïs pour secourir la belle et sortir de cet enfer. Naviguant entre le un monde sombre, cruel et impersonnel et folie visuelle absurde et poétique, Gilliam trouve le ton juste pour parler des problèmes de notre société en 1985 et nous offre une vision sous influences (1984, Metropolis, Kafka, Kurosawa, Kubrick) mais aussi terriblement personnelle qui fait de Brazil une œuvre singulière.
Une œuvre d’ailleurs tellement personnelle et pessimiste sur notre système que les producteurs ont eu beaucoup de mal à la « vendre» . Pris par la peur d’un échec monumental, ils rechignent à sortir le film et commandent alors à Gilliam une fin positive. Ce que l’ex-Monty Python fera dans un premier temps, avant de proposer sa version aux journalistes qu’il sortira peu de temps après avec la fin originale, beaucoup plus sombre mais donnant pleinement son sens à l’histoire et à sa vision onirique et rendant Brazil tout simplement culte.
Dans cette vision, Gilliam est évidemment aidé par des acteurs talentueux avec ne premier lieu un Jonathan Pryce excellent en agent de l’administration prit dans cette spirale infernale et Robert DeNiro complètement barré en plombier terroriste, sans oublier Bob Hoskins très à cheval sur la paperasse qui à se mettre complètement dans la merde (au sens littéral !) ou Ian Holm en supérieur hiérarchique absurde. Il faut également saluer la qualité des effets visuels de George Gibbs qui donne vie aux rêves de Terry Gilliam et nous font plonger dans cet enfer futuriste de manière surréaliste.
Aujourd’hui, ce visionnaire Brazil est encore visionnaire, dénonçant les excès absurdes de l’administration et une période sombre dont (presque) seul le rêve peut nous permettre de nous évader. Plus d’actualité que jamais, le film ne vieilli que très peu et permet toujours de multiples interprétations, confirmant son statut de film culte et nous rappelant sans cesse que Terry Gilliam est un cinéaste maudit mais exceptionnel.