“Les Petits mouchoirs” de Guillaume Canet

La première scène est très réussie : La caméra ne quitte pas d’une semelle Ludovic (Jean Dujardin) dans une boîte de nuit. On le voit danser, draguer les filles et abuser de substances alcoolisées ou illicites. Au petit matin, un brin fatigué, il enfourche son scooter pour rentrer chez lui et récupérer un peu de cette orgie nocturne. La routine du fêtard invétéré, quoi…
Sauf qu’au fil des secondes, a tension monte imperceptiblement. On pressent un drame imminent… De fait, Ludo est heurté de plein fouet par un camion, à un carrefour désert en cette heure matinale. Il se retrouve à l’hôpital, salement amoché…

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Ses potes accourent à son chevet. Il y a là Marie (Marion Cotillard), Antoine (Laurent Lafitte), Vincent (Benoît Magimel)  et Isabelle (Pascale Arbillot), Max (François Cluzet) et Véronique (Valérie Bonneton), Eric (Gilles Lellouche) et Léa (Louise Monot)… Tous sont là pour le réconforter, lui témoigner soutien et amitié.
Mais à peine sortis de sa chambre, ils doivent régler un épineux dilemme. Leur copain étant immobilisé dans un lit d’hôpital, doivent-ils maintenir ou annuler les vacances qu’ils ont prévues de passer ensemble, comme chaque année, dans la maison de Max, sur la côte Atlantique ? Comme son état n’inspire pas l’inquiétude mais qu’il a besoin de repos, ils décident de partir pour seulement deux semaines et de revenir lui rendre visite à leur retour…

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A partir de là, le film quitte le registre dramatique que laissait présager cette brutale introduction pour emprunter les chemins de la comédie et de l’étude de moeurs, s’intéressant aux petites histoires d’amour et d’amitié de cette bande de trentenaires/quadragénaires un peu torturés psychologiquement.
Outre les problèmes que fait immanquablement naître cette cohabitation de caractères radicalement opposés, le film s’attache aux états d’âmes des protagonistes, de nature très variée, mais souvent liés à des tourments sentimentaux. On n’en dira pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de la découvertes à nos lecteurs qui voudront aller voir le film – cela dit, tout est dit dans la bande-annonce…
Le film avance par une succession de sorties entre amis, d’engueulades et de réconciliations, de tensions et de moments de complicité…

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On devine ce qu’a voulu faire Guillaume Canet, cinéaste éclectique et cinéphile éclairé : un film de groupe dans l’esprit des films de Lawrence Kasdan  (Les Copains d’abord) de Denys Arcand (Le déclin de l’empire américain, Les invasions barbares) ou de Claude Sautet (Les choses de la vie, Vincent, François, Paul et les autres…). Des films mêlant comédie de moeurs, étude sociale et mélodrame.
Le problème, c’est que malgré ses évidentes bonnes intentions, Guillaume Canet ne possède ni la rigueur du premier, ni l’impertinence corrosive du second. Et il ne maîtrise pas – pas encore – la direction d’acteurs comme le troisième.
Du coup, on aperçoit un peu trop les grosses ficelles de l’ensemble : situations convenues et trop prévisibles, répliques un peu téléphonées, personnages stéréotypés en diable, …
Soyons francs, si Canet ne pouvait s’appuyer sur sa troupe d’excellents comédiens, les protagonistes de son film paraîtraient franchement ridicules.
Notez qu’ils le sont un peu, par intermittence. La médiocrité du script oblige les acteurs à en faire des tonnes pour donner de l’ampleur à leurs personnages, à l’extrême limite du cabotinage. Alors, évidemment, malgré tout leur talent, il leur arrive par moments de franchir cette limite et d’être moins bons que d’ordinaire. Même si François Cluzet et Marion Cotillard tirent leur épingle du jeu, ils ont chacun au moins une scène où ils sont moins convaincants.

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Et encore, eux ont au moins quelque chose à défendre. Car comme dans tout film choral, on déplore un certain déséquilibre entre les personnages.
Les rôles féminins sont ici un peu sacrifiés au profit de personnages masculins pourtant pas toujours très intéressants. (Antoine, par exemple, est assez horripilant. D’autant que son interprète, Laurent Lafitte semble un cran en-dessous des autres, un peu trop figé et peu crédible)
Il y avait mieux à faire avec le personnage de Marion Cotillard et de ses amours confuses. Et il y avait mieux à faire avec celui de Pascale Arbillot en épouse frustrée, en mal de tendresse…
Evidemment, si Guillaume Canet avait dû développer chaque rôle, le film aurait duré des heures et des heures, et aurait peut-être lassé les spectateurs.

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D’autant que le principal défaut du film réside justement dans son rythme, inégal, et dans le déséquilibre entre gravité et légèreté.
Au lieu d’entremêler les deux, le cinéaste a choisi de les asséner par blocs compacts pour jouer sur la rupture de ton franche. D’abord le drame (l’introduction choc), puis la comédie (l’essentiel du métrage), et enfin, de nouveau le drame…
Du coup, on a la désagréable impression d’une emphase, d’outrance, tant au niveau comique que dramatique.
Voir François Cluzet chasser les fouines qui squattent sa maison ou Gilles Lellouche dire des insanités à un bol de riz (si, si, vous verrez…), c’est rigolo une fois ou deux, mais répété plusieurs fois sur deux heures et demie, ça devient lourd…
Même chose pour la scène finale, avec les interventions larmoyantes des personnages. Trop de pathos, trop d’émotion facile condensés en peu de temps… En même temps, avec un titre pareil, on était prévenus : préparez vos (petits) mouchoirs !

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Mais bon, trêve de critiques. car si Les Petits mouchoirs n’est pas franchement réussi, il n’est pas mauvais pour autant.
Les comédiens, même s’ils sont parfois dans l’excès, sont globalement convaincants et parviennent souvent à compenser par leur jeu les faiblesses du script. Certains arrivent même encore à nous surprendre, comme Marion Cotillard  ou Valérie Bonneton, dont les réparties excellentes figurent parmi les meilleures répliques du film. (“Max! Va coucher les enfants! Et prends un lexomil avant!”)
La bande-son est soignée, mêlant titres jazzy et soul. Et  la mise en scène de Guillaume Canet, à défaut d’être transcendante, reste assez  efficace pour nous tenir en haleine pendant plus de deux heures.

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On ne s’ennuie pas, on rit parfois, on est ému, forcément… certains se reconnaîtront même un peu dans les personnages ou les situations. Globalement, c’est de la belle ouvrage, mais on en sort un peu frustré.
Avec autant de talent déployé, on s’attendait à mieux, à plus de drôlerie, plus d’émotion… Evidemment, le film choral est un exercice difficile et on peut toujours se consoler en se disant que Les Petits mouchoirs n’est pas, et de loin, la pire des tentatives françaises en la matière. Mais Guillaume Canet, auréolé du succès de son deuxième long-métrage, Ne le dis à personne et proclamé (malgré lui) chef de file du nouveau cinéma populaire français, a désormais un rang à tenir…
Là, il peut manifestement mieux faire… A quand le prochain ?

(1) : oui, on sait, elle agace beaucoup de monde, mais nous on apprécie son jeu d’actrice et sa capacité à faire passer les émotions…

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Les petits mouchoirsLes Petits mouchoirs
Les Petits mouchoirs

Réalisateur : Guillaume Canet
Avec : François Cluzet, Marion Cotillard, Benoît Magimel, Gilles Lellouche, Pascale Arbillot, Valérie Bonneton
Origine : France
Genre : film de groupe, “les copains d’abord”
Durée : 2h34
Date de sortie France : 20/10/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  My Screens

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