Breathless, le ciné coréen à bout de souffle

Par Fredp @FredMyscreens

Il y a quelques semaines, j’ai reçu le DVD de Breathless à tester. Mais voilà, n’arrivant pas du tout à plonger dans le film, impossible alors d’écrire une ligne dessus. C’est donc @alexandremathis de Plan-C, beaucoup plus adepte et connaisseur de ce type de films, qui vous en parlera à ma place.

Que s’est-il passé en Corée pour que la violence y soit si souvent présente ? Thème incroyablement récurent, la violence transpire de partout dans Breathless. Une crudité des mots et des actes incommensurable se dégage de ce premier film de l’autodidacte Yank Ik-June. Le réalisateur-acteur principal de ce film portraitise de manière unique un pays aux obsessions sombres. Véritable catharsis avouée, Breathless métaphorise les plaies d’un pays qui ne cesse de ressasser sa défiance envers les autorités, son rapport au crime et à la famille délicat, ses bisbilles au langage fleuri. Souvent cela prend la forme du polar (Old Boy, No Mercy, Memories of Murder, Mother).

On peut aussi penser à du Kitano en plus sérieux. Ici, pas moyen de sourire de la cruauté, au contraire. Le personnage principal construit par l’acteur-réalisateur n’est en rien sympathique. La violence dégoute dès la première scène. Les mots durs fusent, le machisme dégouline tout de suite. Breathless voudrait-il se faire détester ? Passé le choc, on se rend compte que c’est tout un portrait de société qui transparait. A travers la figure du père, la violence se transmet. D’où ces femmes rebelles de l’autorité dans le cinéma coréen (The Housemaid, Mother). Car il leur faut sortir d’un machisme prégnant. Dans Breathless, la jeune lycéenne qui tient tête au caïd qu’est le (anti)-héros Sang-hoo fait figure de mauvaise élève, de mauvaise femme au foyer. Son frère, sale con absolu, refuse son argent par fierté si ça l’arrange.

La violence en générale devient un véritable langage, comme l’expression de rancœur enfouie dans le pays. La violence si souvent illustrée trouve ici un réceptacle tout à fait unique. Celui d’un homme qui reproduit les dérives paternelles. Elles sont comme un cancer transgénérationelle, elles empêchent le pays de se bercer dans un bonheur illusoire. Mais le rapport au père s’avère bien plus complexe encore. Rejeté en bloc dans un premier temps, il devient peu à peu indispensable. En témoigne cette très belle scène en restaurant où Sang-hoon préconise à sa sœur de retrouver un père pour son neveu. Quelques minutes plus tard, c’est son propre géniteur qu’il tabasse sous les yeux effaré du neveu. L’ambiguïté latente de Breathless permet de tutoyer pas mal de sujets de société. Il dépasse le cadre linéaire d’une rencontre de deux opposés (lycéenne, caïd) pour croiser à volonté leurs expériences de (sur)vie tout en pudeur. Jamais le film ne sombre dans le tire larme putassier.

Il tient même par son exubérance assumée nivelée au fil de l’histoire. Yank Ik-June, survolté, est toujours à la limite d’en faire trop. Les autres rôles, tous magnifiques, trouvent leur propre tonalité en fonction du personnage échu. Si le parcours semble malgré tout un peu longuet, et que la mise en situation n’est pas des plus aisées, le travail de naturalisme permet au spectateur de rentrer de plein pied dans le film. Jamais la caméra ne se pose, même quand l’intrigue respire. Comme si le cheminement terrestre de ces personnages fusait à tout vitesse, sans se rendre compte de l’aspect précieux de leur existence. Les sourires ne sont que plus beaux, sincères, mais tellement annonciateurs de moment plus sombres. La relation oncle/neveu est à ce titre émouvante, avec cet enfant qui le fait passer pour un père ingrat histoire d’avoir un papa près de lui et de ne pas trop perdre la face avec ses copains. Au même titre que le Corée, coupée en son sein, définitivement obligée de se montrer en publique plus belle qu’elle se l’est intérieurement. Il faudra un jour qu’un psychiatre s’occupe des fêlures de cet appendice géographique de l’Asie, il en a bien besoin.

Un petit mot du dvd, qui profite d’un choix de piste son 2.0 ou 5.1 et d’une image tout à fait correcte. On signalera aussi la présence d’une analyse de Charles Tesson, critique cinéma et historien qui parle très bien du film.