Quatrième volet de cette série qui revisite quelques films dont le protagoniste est… scénariste.
Après nous être penchés sur Adaptation de Spike Jonze, Sunset Boulevard de Billy Wilder, puis sur Le Mépris de Jean-Luc Godard, je vous invite aujourd’hui à découvrir, ou plus vraisemblablement redécouvrir, l’un des films les plus emblématiques en la matière, Barton Fink, des cultissimes cinéastes Joel et Ethan Cohen.
Après nous être penchés sur le très déjanté Adaptation, sur un grand classique de l’âge d’or Hollywoodien, Sunset Boulevard, puis sur l’un des grands chefs d’œuvres du cinéma français, Le Mépris, je vous propose aujourd’hui de nous intéresser à un film qui pourrait à lui tout seul personnifier cette rubrique.
En mai 1991, un petit film indépendant américain crée le buzz à Cannes en remportant trois récompenses: Palme d’or, Prix du Meilleur réalisateur et du Meilleur Acteur. Avec Barton Fink, leur quatrième long-métrage, Joel et Ethan Cohen entrent dans la légende.
Synopsis: 1941. Hollywood s’embrase pour le roman d’un jeune auteur new-yorkais, Barton Fink, et l’attire dans ses filets. Un producteur le charge d’écrire un scénario de série B qui a pour toile de fond l’univers de la lutte. Alors qu’il croit atteindre l’eldorado, Barton va vivre une longue descente aux enfers… et se voir mêlé à une affaire de meurtre!
Rien ne sera épargné au pauvre Barton, qui lutte pour trouver l’inspiration dans un hôtel miteux, entre absence de climatisation, problèmes d’insectes et voisin envahissant. Ceci expliquant cela, dans la scène qui suit, il doit annoncer à son producteur qu’il peine à débuter le script:
Une belle illustration des relations scénariste/ producteur, n’est-ce pas?
Ce chef d’œuvre de cynisme et d’humour décalé n’est pas sans évoquer les premières œuvres de Jean-Luc Godard, c’est en quelque sorte une version sous acide du Mépris, une très fine analyse de l’acte de création littéraire et de sa dichotomie écrire un roman (acte noble) versus écrire un scénario (vendre son âme au diable). Les dessous du monstre hollywoodien sont disséqués sans concession tandis que le héros vit des affres très littéraires, livré tout entier à la fameuse angoisse de la page blanche.
On croise dans ce chef d’œuvre le fantôme de William Faulkner, sous les traits de l’écrivain alcoolique WP Mayhew. Le protagoniste est quant à lui largement inspiré de l’auteur-cinéaste américain Clifford Odets, qui connut son heure de gloire en terres d’Hollywood dans les années quarante et cinquante.
La mise en scène inspirée flirte avec divers genres, passant allégrement de la comédie au thriller, puis au fantastique, baladant le spectateur entre deux niveaux de lecture: l’intrigue principale qui brosse un portrait de l’industrie cinématographique américaine au détour de la seconde guerre mondiale et l’inconscient névrotique du protagoniste qui demeure intrinsèquement tourné vers l’acte d’écriture, luttant pour ne pas être totalement happé par les évènements extérieurs.
Bien évidemment, Barton Fink finira rattrapé par une réalité peu enviable: des enquêteurs le soupçonnent de meurtre et le malmènent, son sympathique voisin s’avère un psychopathe, il manque de périr dans l’incendie de son hôtel et se voit, finalement, refuser son scénario par le producteur!
Comme quoi, preuve en avait déjà été faite, Hollywood malmène ses scénaristes depuis des temps immémoriaux, pas étonnant qu’ils soient aujourd’hui tous syndiqués!
A bientôt pour découvrir un nouveau film dont un scénariste est le héros…
Copyright©Nathalie Lenoir 2010