“Red” de Robert Schwentke

Par Boustoune

Il n’y a pas qu’en France que le sujet sensible des retraites est source de conflits…
Tenez, aux Etats-Unis par exemple, on se demande ce qu’on va bien pouvoir faire des agents secrets aujourd’hui jugés trop vieux pour exercer leur profession…
La CIA a son idée sur la question : il n’y a qu’à les éliminer. Plus de bonhomme, plus de problème… Une vue que ne partage pas, mais alors pas du tout, Franck Moses (Bruce Willis). Et pour cause : cet ancien espion de haut vol est aujourd’hui fraîchement retraité, et il compte bien profiter des quelques années qui lui restent pour profiter de la vie et de ses plaisirs. Tomber amoureux, fonder un foyer, des trucs comme ça…
Alors quand des encagoulés envoyés par son ancien employeur viennent transformer son pavillon de banlieue en gigantesque passoire, il voit rouge (1) et se décide de passer à l’action. Il veut identifier l’ennemi et le mettre hors d’état de nuire avant que celui-ci ne puisse l’attraper…

Au début, avouons-le, on craint le pire. Bruce Willis, le visage complètement figé dans une mono-expression depuis les cloneries de Robert Luketic, a l’air à peu près aussi concerné que dans le calamiteux Top Cops de Kevin Smith… Aïe, aïe, aïe….
La réalisation, montage au hachoir et effets pyrotechniques à gogo dès les premières minutes, laissent craindre, au choix, une parodie lourdingue, un film d’action banal ou un mix des deux, dans la lignée des Expendables de Stallone.
Re aïe, aïe, aïe…

Et puis apparaît à l’écran la divine Mary-Louise Parker, trop rare sur grand écran (2). et on se dit que le film ne peut que remonter la pente.
Bon d’accord, il est dommage de recruter une actrice de ce calibre et ne lui offrir qu’un rôle de faire-valoir, à peine plus évolué qu’un rôle de figurante de luxe, mais elle semble malgré tout beaucoup s’amuser à jouer son personnage, Sarah, employée administrative entraînée malgré elle dans la croisade de Franck Moses.
L’espion sait qu’il était sur écoute, et que les nombreuses conversations téléphoniques qu’il a eu avec la belle Sarah, pour qui il a développé un petit béguin, mettent cette dernière en danger de mort. Alors il la kidnappe pour mieux pouvoir la protéger… Le contenu narratif s’enrichit alors de cette romance entre les deux personnages, qui ne commence pas sous les meilleures auspices…

Mais ce n’est que le début de l’aventure… Car quand on a la CIA, le FBI et autres tueurs free-lance à ses trousses, il vaut mieux aller chercher du renfort…
Et comme il ne sait pas vraiment sur qui compter, il va retrouver ses vieux copains de travail, eux aussi rangés des voitures et avides de retrouver des sensations fortes : Joe, Marvin, Victoria, mais aussi Ivan, l’ancien ennemi du KGB…

C’est là que le film démarre vraiment, et trouve tout son sel. Peu importe la mise en scène assez plate de Robert Schwentke, peu importe l’intrigue, des plus basiques et prévisible en diable… Ce qui compte ici, ce sont les enthousiasmants numéros de cabotinage de quelques acteurs de génie.

On commence par Morgan Freeman, assez irrésistible en vieil espion fatigué, en bout de course, mais toujours assez vert (et assez filou) pour reluquer les fesses des aides-soignantes de la maison de retraite dans laquelle il a été placé. Le voir se déguiser en dignitaire africain – façon Mobutu ou Bokassa – pour pénétrer chez un richissime trafiquant d’armes est un des grands moments du film…

Brian Cox est également très bien en ex-agent russe, aussi prompt à écluser des vodkas qu’à servir de sauveur providentiel, toujours là quand on a besoin de lui…
Le tout, évidemment, avec élégance et nonchalance. Savoureux…

Et que dire d’Helen Mirren, qui illumine le film de sa classe et de son flegme britannique ? Qui d’autre pourrait arranger avec bon goût une composition florale tout en tenant un uzi à la main ? Qui d’autre pourrait dézinguer un malabar pas commode d’un seul coup de sac à main ? Qui pourrait assister à un gala caritatif en robe de soirée et… rangers, et y distribuer des pruneaux à coups de mitrailleuse ?
Ah ça, il faut se méfier des grand-mères à priori inoffensives… Elles ont souvent des ressources insoupçonnées…

Et puis il y a John Malkovich, en grande forme, qui apporte à son personnage une bienvenue démesure comique.
Il incarne un ancien agent ayant un peu trop subi d’expériences psychologiques et devenu, depuis, totalement paranoïaque. Disons que s’il faisait partie de l’Agence tous risques, il serait le Looping du groupe : complètement frappadingue, asocial, dangereux…
Il faut le voir, un cochon en peluche à la main et un pistolet dans l’autre, terroriser les passants qui ont le malheur de marcher derrière lui, ou gagner un duel pistolet contre bazooka face à une jeune espionne arrogante. Culte en puissance…

Ajoutons la présence de deux “vieux de la vieille”, Richard Dreyfuss et Ernest Borgnine, celle de la trop rare Rebecca Pidgeon en agent de la CIA véreuse et de Karl Urban, également très bien en agent de la CIA chargé de neutraliser Moses, et vous comprendrez sans peine que le film peut compter sur un casting de haute qualité…. Et là, contrairement à Stallone dans Expendables, ni Willis ni ses collègues ne cherchent à voler la vedette aux autres…

Au final, Red constitue un divertissement séduisant, fidèle à l’humour et à l’action déjantée de la BD dont il est tiré (3).
Bon évidemment, cela va donner des arguments à tous ceux qui militent pour l’allongement de la durée des cotisations et le report de l’âge légal à la retraite…
Mais, avouons-le, on ne serait pas contre le fait de voir ces Retraités Extrêmement Dangereux rempiler pour un nouvel épisode, à condition qu’il soit aussi jubilatoire.

(1) : Vous noterez le subtil jeu de mot avec le titre du film… Hum… OK, désolé…
(2) : Note de Scaramouche : Il faut que je vous précise que mon maître a un petit faible pour cette actrice, certes charmante. Un béguin comparable à celui qu’il éprouve, doit-on le rappeler, pour Géraldine Pailhas ou Michelle Pfeiffer. C’est dire…
(3) : “Red” de Cully Hamner & Warren Ellis – éd. Panini Comics

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Red
Red

Réalisateur : Robert Schwentke
Avec : Bruce Willis, Helen Mirren, Mary-Louise Parker, John Malkovich, Morgan Freeman, Karl Urban, Brian Cox, Origine : Etats-Unis
Genre : Bazooka & vieilles dentelles
Durée : 1h51
Date de sortie France : 17/11/2010
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Excessif

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