Ça a été, outre-Atlantique, le gros buzz/coup de gueule de la semaine dernière: la franchise Buffy the vampire slayer devrait prochainement donner naissance à un nouveau long-métrage… sans l’aval ni la participation de son créateur, Joss Whedon!
Un nouvel et triste exemple de la place du scénariste dans l’industrie hollywoodienne…
La nouvelle est tombée en fin de semaine dernière. La Warner Bros a confirmé les rumeurs qui couraient depuis quelques mois: oui la franchise Buffy the vampire slayer va bien renaitre sous forme de long-métrage. Il sera produit par Charles Roven et Steve Alexander, en partenariat avec la société Vertigo Entertainment, et le script sera signé par…Whit Anderson, un scénariste quasi inconnu!
Aussitôt interrogé sur l’affaire, Joss Whedon, créateur du show, a déversé sa légitime colère dans les colonnes de divers webzines et revues papier. Les nombreux fans du buffyverse, dont je fais partie, partagent son indignation. Ce n’est pas la première fois que les studios hollywoodiens commettent ce genre d’impair, loin s’en faut, mais cette fois-ci, les réactions sont proportionnelles avec la cote d’amour du défunt show. Revenons brièvement sur sa genèse.
Dans la famille Whedon, on est scénariste de père en fils. Dans les années cinquante, John Whedon, le grand-père, a officié sur des sitcoms à succès. Tom Whedon, le père, s’est illustré à ce jour sur une douzaine de séries, il est toujours en activité.
Joss Whedon, le petit-fils, a fait ses début à la télévision comme il se doit (notamment sur la série Roseanne), mais rêvait surtout de cinéma.
En 1992, il écrit une comédie-horrifico-adolescente intitulée Buffy, the Vampire Slayer, elle met en scène une frêle et blonde lycéenne de quinze ans qui porte la lourde tâche de devoir éliminer les vampires et autres créatures démoniaques. Le film, passé à la moulinette des studios et réalisé par Fran Rubel Kuzui, fait un flop. Joss Whedon se sent trahi dans son écriture, il demeure persuadé du potentiel de son concept.
Loin de se laisser abattre, il enchaîne avec les scripts: Toy Story (1995), Alien: Resurrection (1997), Titan A.E. (2000)… Désormais « bankable », il propose à la chaîne WB une série intitulée… Buffy, the Vampire Slayer qui fera les beaux jours de la chaîne de 1997 à 2003. Ce véritable bijou qui mêle horreur, humour et émotion, remporte un succès phénoménal dans divers pays (notamment sur notre sol). Moult fois rediffusé, le show devient une véritable référence et donne naissance, en 1999, à un spin-off destiné à un public plus âgé, Angel (1999-2004).
L’infatigable Joss Whedon rêve toujours de grand écran, il écrit et réalise en 2005 le très oubliable Serenity. Le film fait un flop, ce qui pousse le cinéaste à se replonger dans le Buffyverse. A la grande joie de leurs nombreux fans, il décide de ressusciter Buffy et Angel sous forme de comics books (éditions Dark Horse Comics), conçus comme de nouvelles saisons à part entière des séries télévisées éponymes.
En 2008, Joss Whedon signe une nouvelle série, la décevante Dollhouse, qui, après maintes guerres intestines avec la Fox, sera finalement annulée au bout de deux saisons. Le scénariste ayant à l’époque largement épanché son amertume envers l’industrie télévisuelle, il n’a plus vraiment la cote auprès des grands studios, ce qui explique sans doute le coup de poignard qu’ils viennent de lui asséner en l’excluant du reboot buffesque…
On ne parle que de ça ces jours-ci et le moins que l’on puisse dire, c’est que la presse penche plutôt du côté du scénariste tant il est indissociable de sa cultissime héroïne. La nouvelle agite également la blogosphère, notamment chez les scénaristes.
Dans les colonnes d’E! Online, le créateur a déclaré que cette décision n’est que « le triste reflet d’une époque à laquelle les gens doivent se nourrir des carcasses d’histoires qu’ils aimaient dans leur jeunesse, simplement parce qu’ils ne sont pas capables de trouver une idée originale ». Il ajoute qu’il avait imaginé que la franchise pourrait renaitre, mais seulement après sa mort et qu’il déteste l’idée de savoir sa création dans les mains d’un autre auteur.
Whit Anderson, propulsé scénariste du moment, tente de défendre sa délicate position en se déclarant un fan inconditionnel de Buffy mais personne n’est vraiment dupe. Nouvel auteur, nouveau casting (ce qui pour les fans est tout aussi difficile à concevoir), la seule bonne nouvelle concernant ce reboot est qu’il pourrait, selon la rumeur, se voir mis en images par… Christopher Nolan.
Cette vilaine publicité nuira t-elle à la carrière du film, et d’ailleurs verra t-il vraiment le jour? Ce buzz boostera t-il son audience au contraire? En ce qui me concerne, je me demande surtout pourquoi Hollywood ne laisse pas reposer cette chère tueuse de vampires en paix plutôt que de trahir sa mémoire…
Copyright©Nathalie Lenoir 2010