Ceux qui ont vu les six premiers volets cinématographiques de la Saga Harry Potter n’auront certainement pas attendu cette critique tardive pour aller découvrir son septième et avant-dernier chapitre, Harry Potter et les Reliques de la Mort – partie 1.
Parce que franchement, même sans être un inconditionnel de cet apprenti sorcier binoclard, il eût été dommage de craquer si près du dénouement, surtout après avoir supporté les trois derniers épisodes, “de transition”, dans lesquels il ne se passait pas grand chose, hormis la lente mise en place des rapports de force entre le Bien et le Mal, appelés à s’affronter dans un ultime combat épique. D’un côté, Harry et ses amis, plus quelques sorciers-démocrates pro-Gryffondor, pro-Dumbledore ; de l’autre les robes noires des sorciers néo-fascistes oeuvrant pour le retour du redoutable Voldem… euh, celui dont on ne peut prononcer le nom sous peine de se faire démantibuler par des mangemorts.
Si vous ne comprenez rien à ce que je raconte, vous n’avez rien à faire ici. Zou, vous pouvez retourner illico à la case départ et voir dans l’ordre les six premiers volets de la série ou mieux, de lire les bouquins (1)…
Ca y est, les moldus sont partis ? Bon, reprenons…
Je disais donc qu’après un troisième volet amorçant un beau virage au noir, les trois films suivants ont cruellement manqué d’intensité dramatique, bloqués par des intrigues assez plates et des choix narratifs hasardeux.
Il faut dire que la tâche des scénaristes n’était pas des plus simples.
Déjà parce que le matériau original est dense. Il a fallu éliminer des personnages et des intrigues secondaires, et recentrer la narration autour du trio Harry/Hermione/Ron et de l’intrigue principale, sans trop savoir, au début de la production, comment elle allait se terminer…
Ensuite parce que J.K.Rowling a pris un malin plaisir à faire traîner les choses, à repousser l’échéance du dénouement pour, au choix, faire durer le plaisir ou engranger des bénéfices supplémentaires…
D’où des romans avares en action et en rebondissements, plus orientés vers le passé des personnages, leur psychologie, leurs relations les uns avec les autres, exploitant au maximum l’ambiance pittoresque de l’école de Poudlard.
Des choses agréables à lire, mais pas très simples à restituer à l’écran…
Il n’empêche qu’en prenant un peu de recul lors du cinquième épisode, Steve Kloves, scénariste des quatre premiers films, et appelé à adapter les deux derniers bouquins, s’est bien compliqué l’existence…
Son successeur Michael Goldenberg a en effet effectué des choix malhabiles, sacrifiant presque des personnages appelés à jouer un rôle important par la suite et délaissant complètement l’évolution des personnages principaux en faveur d’un contexte politique insuffisamment explicité.
Quand il est revenu aux affaires pour Harry Potter et le prince de sang-mêlé, Kloves a dû d’abord réparer les dégâts pour tenter de retrouver l’équilibre entre les différents aspects de l’oeuvre et n’a pu retrouver qu’in-extremis une intensité dramatique digne de ce nom, avec la trahison de Severus Rogue et la mort de Dumbledore.
Sans cela, ce sixième épisode aurait été bien peu passionnant…
Avec l’adaptation du dernier roman de la saga, scindé en deux parties non pas pour engranger les dollars, mais parce que la densité de l’intrigue et l’abondance de péripéties, révélations et tragédies l’exigent, les choses sérieuses commencent enfin. Le décès de Dumbledore a porté un sérieux coup au moral des forces du Bien. Lord Voldemort peut tranquillement s’emparer du pouvoir, mais il doit encore se débarrasser du seul être capable de le battre, Harry Potter…
Du coup, le jeune héros est en danger, poursuivi par des cohortes de mangemorts et les psychopathes ralliés à la cause du seigneur des ténèbres. Ceci permet d’entamer le film avec un peu d’action, pour bien mettre tout le monde dans l’ambiance. Grâce à une ruse, les amis du jeune sorcier protègent sa fuite jusqu’à ce qu’il puisse regagner un lieu un peu plus sûr, mais ils sont pris dans une embuscade. Deux alliés d’Harry Potter, fidèles parmi les fidèles, trouvent la mort dans la bataille…
D’emblée, le ton est donné. De l’action, du drame…
Finie la magie gentillette, finies les bluettes adolescentes, les personnages sont entrés de plain pied dans l’âge adulte, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la perte de l’innocence est plutôt brutale.
Harry, Ron et Hermione se retrouvent seuls, loin de leurs proches, ne pouvant compter sur personne d’autre qu’eux-mêmes pour atteindre leur objectif, crucial pour l’avenir de l’humanité : retrouver les six horcruxes renfermant des fragments de l’âme de Voldemort et les détruire, afin d’affaiblir le seigneur des ténèbres avant de l’affronter.
Mais la route est longue et semée d’embûches. Les horcruxes ne sont pas évidents à trouver, et encore moins à détruire. Les attaques ennemies sont de plus en plus fréquentes, mettant les nerfs des personnages à rude épreuve. La belle complicité du trio menace de voler en éclats au fur et à mesure que le danger grandit et que s’affirment les caractères héroïques de chacun…
La décision de cliver le récit en deux films-fleuves de deux heures et demie s’avère des plus judicieuses . Elle permet au scénariste de coller au plus près au matériau original et au cinéaste de prendre son temps pour installer l’ambiance et donner de l’ampleur au récit.
Pour la première fois depuis longtemps, le script parvient à trouver l’équilibre entre les différents aspects de l’oeuvre. En premier lieu, il y a de l’aventure et de l’action. Quelques combats, quelques moments de suspense et un petit souffle épique qui commence à se faire sentir, laissant augurer de belles choses pour l’ultime chapitre, une partie fantastique intéressante. Il y a aussi une partie fantastique soignée. Evidemment, les effets sont techniquement toujours aussi parfaits, mais le passage de l’intrigue du côté obscur permet de jolies scènes que n’aurait pas renié le Tim Burton de Sleepy Hollow… Ceci n’exclut ni l’humour, ni la romance, instillés à petites doses pour données des bouffées d’oxygène au public qui, ne l’oublions pas, est supposé être un public familial (2).
L’allégorie politique, qui évoque assez clairement la montée du nazisme et autres régimes totalitaires, est des plus efficaces. On peut véritablement parler d’un gouvernement qui pratique “la chasse aux sorcières” puisque l’infâme Dorothy Ombrage, promue en haut lieu, s’occupe de traquer et d’éliminer tous les sorciers n’étant pas issus d’une lignée pure. Les opposants sont tués ou réduits au silence… Des milices sillonnent le monde pour faire régner “l’ordre”.
Toute ressemblance avec des personnes ayant existé – ou existant aujourd’hui, d’ailleurs – n’est absolument pas fortuite…
En tout cas, c’est l’occasion d’une virée dangereuse dans ce monde des sorciers transformé en univers bureaucratique glacial, digne du Brazil de Terry Gilliam…
Voldemort lui-même est présenté comme un despote sanguinaire, terrorisant tout le monde, jusqu’à ses sujets les plus fidèles. Là-aussi, toute ressemblance avec des personnes ayant existé…
Enfin, il y a la description symbolique de l’adolescence, âge chaotique reposant sur des changements profonds.
Les jeunes héros ont beaucoup appris à l’école des sorciers et, comme tout le monde, doivent aujourd’hui mettre ce savoir en application. Ils doivent faire preuve de responsabilité, prendre leur destin en main, voler de leurs propres ailes.
Ceci passe par une remise en cause de leur univers enfantin. Leur amitié est soumise à l’épreuve des sentiments, de la rivalité, de la jalousie, ou tout simplement, des chemins qui sont appelés à se séparer.
Cela passe aussi par le fait de couper le cordon avec les parents. Ici, la méthode employée est plutôt radicale, mais fait l’objet d’une des plus belles scènes du film : Hermione, pour protéger ses parents de Voldemort, efface complètement son existence de leur mémoire. Un sacrifice énorme, douloureux, poignant, qui intervient dans la première scène du film, et dont l’amertume imprègne toute cette première partie du dernier épisode.
Plus tard, quand Hermione tentera de protéger ses amis des attaques des mangemorts, elle les emmènera dans un un endroit “sûr”, issu de ses souvenirs d’enfant heureux, une forêt où elle allait, petite, avec ses parents, mais l’endroit sera évidemment contaminé par la tristesse ambiante, recouvert par une couche de glace…
Décidément, il est loin le temps où nos apprentis sorciers expérimentaient des sorts inoffensifs tout juste bons à chatouiller les orteils de leurs professeurs, volaient innocemment sur leurs balais au-dessus d’un Poudlard verdoyant et baigné de lumière. Ici, c’est glacial, sombre, déprimant, plein de folie et de haine.
Et à vrai dire, tant mieux, parce qu’il s’agit probablement du meilleur épisode de la série, après Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Oh bien sûr, la mise en scène de David Yates n’arrive toujours pas à atteindre le niveau de celle d’Alfonso Cuaron, seul cinéaste qui a vraiment réussi à apporter une patte personnelle à un des films de la Saga Harry Potter, et on déplore ça et là, quelques légères baisses de régime, mais il faut bien reconnaître que ce septième volet est une franche réussite. Les acteurs sont toujours aussi bons (et pour cause ! Il y a là la fine fleur des comédiens britanniques, étoffée par Rhys Ifans en père de Luna Lovegood et Bill Nighy en ministre de la magie) et l’ensemble est suffisamment prenant pour nous permettre d’attendre avec impatience le dénouement, qui se doit d’être grandiose.
Il n’y aurait pas un sort permettant d’accélérer le temps jusqu’au 13 juillet 2011 ? Acceleratum tempus ? garden partytus avantus ? vacancum ététum ? Mince, ça ne fonctionne pas… Il va falloir attendre, alors…
(1) : “Harry Potter” – de J.K.Rowlling – 7 romans – éd. Gallimard
(2) : Attention, le film n’est pas interdit aux moins de douze ans, mais comme on dit, certaines scènes risquent de heurter la sensibilité des plus jeunes… L’ambiance est sombre, crépusculaire, malsaine…
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Harry Potter et les Reliques de la Mort – Partie 1
Harry Potter and the deathly hallows – part 1
Réalisateur : David Yates
Avec : Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grin, Ralph Fiennes, Helena Bonham Carter, Imelda Staunton
Origine : Royaume-Uni, Etats-Unis
Genre : stupéfix! Une adaptation réussie…
Durée : 2h25
Date de sortie France : 24/11/2010
Note pour ce film : ●●●●●○
contrepoint critique chez : Télérama
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