Euh, amis distributeurs, ce n’est pas parce qu’il y a les mots “Conte” ou “Noël” dans un titre de film qu’il faut forcément le sortir à cette période de l’année…
L’année dernière, vous nous aviez proposé le bien déprimant Conte finlandais de Mika Kaurismäki, le genre de long-métrage capable de plomber de façon radicale un réveillon – dépressif, mari violent, malade incurable, waouh…
Cette année, voilà que débarque Mardi, après Noël un film roumain qui n’a rien des comédies familiales hyper-sucrées que l’on nous sert habituellement en cette période d’avant-fêtes.
Il s’agit au contraire d’une oeuvre amère et grave. L’histoire d’une famille sur le point de voler en éclats, d’un couple qui va se séparer…

Ca commence pourtant dans le calme et même une certaine douceur : un homme et une femme font l’amour et partagent des moments complices. Mais on ressent une certaine tension, un malaise. On comprend assez vite que la relation entre les deux personnages est illégitime, que la situation va se compliquer, fatalement…
Paul est marié depuis dix ans à Adriana. Ils se sont bâti une vie commune et sont parents d’une petite fille. Ils n’ont pas connu de crise conjugale et formaient jusque-là un couple uni et heureux. Mais voilà, la passion a peu à peu cédé sa place à la routine, et quand Paul a rencontré Raluca, une jeune dentiste de 27 ans, il en est tombé follement amoureux.
Au point de vouloir quitter sa femme pour elle.
Il l’a décidé, il va tout avouer à sa femme et quitter le domicile familial, mais après Noël, afin de ne pas gâcher le bonheur de la fête à leur enfant.

Le film montre les jours précédents cette rupture programmée. Les moments de complicité du couple adultère, les moments du quotidien, entre recherche des cadeaux et repas de famille, et puis, le petit grain de sable, la rencontre fortuite d’Adriana et Raluca, qui force Paul à avouer plus tôt que prévu son infidélité…

Bon, cette histoire de couple qui se délite n’est pas spécialement novatrice, le sujet ayant été maintes fois traité à l’écran. On pense notamment à Ingmar Bergman et ses Scènes de la vie conjugales, film-fleuve faisant office de référence en terme de dissection d’un couple et d’une crise conjugale.
La comparaison pourrait être écrasante pour le jeune cinéaste Radu Muntean, mais s’il n’est évidemment pas au niveau de Bergman, il ne s’en sort pas si mal, livrant une mise en scène épurée, faite de longs plans fixes, cadrés à bonne distance.

Il évite ainsi de prendre parti pour l’un ou l’autre de ses personnages. Ce n’est pas une fable morale, juste un constat froid, clinique, l’autopsie d’une histoire d’amour défunte. Le cinéaste se met et met le spectateur dans l’inconfortable position d’un voyeur, suscitant un certain malaise.
Force est de constater que Radu Muntean a affiné son style depuis sa précédente réalisation, Boogie, qui nous avait moyennement emballés. Il utilise le même style minimaliste, la même méthode : Des personnages enfermés dans une pièce, beaucoup de dialogues et quelques silences éloquents. Mais cette fois, il parvient à instaurer une réelle tension dramatique qui porte le film.

Cela dit, soyons francs, on s’ennuierait ferme si le film n’était interprété par d’excellents comédiens : Mimi Branescu (vu dans Boogie et La mort de Dante Lazarescu), Maria Popistasu (aperçue dans le téléfilm Sex Trafic de David Yates) et Mirela Oprisor. Grâce à eux, ce triangle amoureux acquiert suffisamment d’ambiguïté et de densité psychologique pour nous tenir en haleine jusqu’au dénouement, aussi sobre et froid que le film tout entier.

Bref, si Mardi, après Noël n’a absolument rien de joyeux ou de festif, il peut cependant constituer un joli petit cadeau de Noël pour les cinéphiles exigeants. Et si certains doutent de l’existence du vieux bonhomme à barbe blanche, tout de rouge vêtu, ce film confirme qu’il ne fait plus guère de doutes quant à la qualité de la Nouvelle Vague roumaine qui déferle sur nos écrans depuis une dizaine d’années…
Un Crăciun fericit !

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Mardi, après Noël
Marti, Dupa Craciun

Réalisateur : Radu Muntean
Avec :  Mimi Branescu, Maria Popistasu, Mirela Oprisor, Dragos Bucur, Victor Rebengiuc, Sylvia Nastase
Origine : Roumanie
Genre : scènes de la vie conjugale
Durée : 1h39
Date de sortie France : 08/12/2010
Note pour ce film : ●●●●○○

contrepoint critique chez :  Abus de Ciné

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