Ce sont les espagnols qui clôturent l’année cinéma et avec Les Yeux de Julia, ils le font en beauté. Pas forcément un film fantastique, ni film d’horreur, il n’en demeure pas moins un excellent thriller auquel on ne s’attendait pas !
Décidément, le cinéma de genre ibérique est sacrément en forme ces derniers temps. Non seulement ils s’en donnent à cœur joie dans le gore (Rec) ou dans huis-clos carcéral (Cellule 211), mais en plus, dès qu’ils touchent au film fantastique ou au thriller on atteint parfois des sommets. Alors forcément, quand le producteur de Les Yeux de Julia est Guillermo Del Toro, on a toute confiance … et on a raison.
Sur un ton proche de l’Orphelinat, le réalisateur Guillem Morales nous narre donc l’enquête de Julia. Celle-ci cherche à comprendre pourquoi sa sœur, aveugle, se serait suicidé. De fil en aiguille, et alors que sa propre vue commence à lui jouer des tours, elle commence à comprendre que celle-ci voyait quelqu’un de pas très net qui est justement sur ses traces. Entre drame sentimental, travail sur le deuil et enquête se dirigeant peu à peu dans le fantastique, on pourrait croire le chemin tout tracé pour nous emmener lentement vers une histoire de fantômes comme seuls les espagnols savent le faire et, si c’est prévisible, c’est fait de main de maître.
Mais voilà qu’arrive la dernière partie du film, qui change complètement de ton pour nous embarquer dans un thriller réaliste qui n’hésite pas à mettre le spectateur mal à l’aise. Car une fois l’héroïne (superbe Belén Rueda) aveugle, le réalisateur adopte son point de vue. La caméra centrée sur elle, nous ne voyons pas plus qu’elle les visages de ses interlocuteurs. Tout devient flou, imprécis, comme une ombre qui pèse sur l’intrigue pour mieux nous surprendre lorsque tout s’éclaire. Morales n’hésite pas à manipuler la caméra, à créer quelques effets choc et à adopter une mise en scène tour à tour posée et nerveuse, nous plaçant au plus proche de l’état d’esprit instable de l’héroïne et du mystérieux meurtrier. Sans détour, il n’hésite pas à citer les meilleurs Dario Argento comme Alfred Hitchcock dans une intrigue qui se dévoile dans toute son ampleur dans les derniers instants.
Aussi, alors qu’on s’attendrait à un film fantastique, cette irruption du thriller nous ramène les pieds sur terre mais nous offre une surprise à laquelle on ne s’attendait vraiment pas. Une direction que l’on découvre alors avec d’autant plus de plaisir que le réalisateur se montre inspiré par le sujet et son actrice principale. Non, vraiment, Les Yeux de Julia méritent d’être scrutés pour y découvrir tout l’univers du cinéma de genre espagnol.