Le scénariste et ses 20 bonnes résolutions

Par Nathalielenoir

Début d’année oblige, il est de bon ton de lister tout un tas d’objectifs pour les onze mois à venir, et, croyez le ou non chers lecteurs, le scénariste ne fait pas exception à la règle.

Figurez-vous qu’il a même tendance à en recenser bien plus que le commun des mortels puisqu’elles touchent non seulement à son hygiène de vie qu’à son « travail qui n’en est pas un » aux dires des belles-mères, banquiers, pharmaciennes et poissons rouges.

Bien entendu, les mauvaises langues précédemment citées n’en voient qu’une: trouver un vrai boulot mais en réalité, chaque fois que janvier pointe sournoisement le bout de son nez, le pauvre auteur doit faire face à une MONTAGNE de défis à relever. Si c’est vrai, en voici la preuve en vingt exemples…

Quand début d’année rime pour la plupart d’entre vous avec arrêter de fumer, perdre les trois kilos accumulés pendant les fêtes ou faire plus de sport, le scénariste, véritable héros des temps modernes, fait face, lui, à des défis de plus grande envergure, et bien plus nombreux. Vous ne me croyez pas? Jugez un peu: voici une liste impressionnante et pourtant non exhaustive des challenges à renouveler chaque année quand on voue son existence à l’écriture pour petit ou grand écran:

1. Lutter vaillamment contre la fièvre procrastinatrice. Je peux vous dire qu’elle fait bien plus de ravages que grippe et gastroentérite réunies cette fichue maladie et ce, en raison du cumul de facteurs à risque.

  • Les vacances de fin d’année par exemple qui entrainent immanquablement des questions existentielles: Pourquoi reprendre le 3 janvier plutôt que le 4 ou le 5? Pourquoi reprendre le 6 alors que la semaine est quasiment terminée? J’en passe et de des meilleures… Et puis bon, c’est fatiguant de réveillonner deux fois en sept jours, il faut un temps de récupération!
  • Ces fichus vœux de bonne année qui occupent toute une matinée et à quoi bon se mettre à bosser après déjeuner, je vous le demande, alors que la journée est quasiment terminée?
  • Le manque de luminosité qui entraine des dépressions saisonnières, c’est scientifiquement prouvé, la preuve, ils en causent au JT!

Et là encore, je n’évoque que les risques de tout début d’année, figurez-vous qu’il y en a bien d’autres qui se présenteront vicieusement au cours des semaines et mois suivants!

2. Achever tout le travail laissé en chantier en fin d’année. Vous savez, ce synopsis a demi écrit, cette V2 à rendre « début janvier », cette note d’intention bancale…

3. Respecter, tout au long de l’année TOUS ses deadlines. Parce que, croyez-le ou non, tout scénariste professionnel travaille sur plusieurs projets à la fois et souffre de deadlinite aiguë.

4. Ceci entrainant cela, lutter activement contre l’angoisse de la page blanche ou writer’s block.

5. Terminer ce fameux spec-script qu’il a entamé il y a des mois un jour de blues pour se remotiver. D’accord, il n’a quasiment aucune chance de le vendre, mais ce n’est pas une raison valable pour ne pas essayer!

6. Nouer de nouveaux contacts avec des cinéastes et producteurs afin de le placer, justement, ce fichu spec-script, ou tout du moins se faire embaucher pour une commande.

7. Ceci entrainant cela, bien s’entrainer à pitcher ses projets. Déjà que l’exercice est difficile, il peut se passer toutes sortes de choses au cours d’une séance de pitch. Je dis ça je ne dis rien…

8. Ceci entrainant cela, refuser d’écrire pour des nèfles, des clous, une poignée de main, la gloire éternelle et exiger la signature d’un contrat (et du chèque qui va de paire) dès le début de l’écriture. Ne pas se laisser attendrir par le classique « Non mais tu sais coco, c’est comme ça que ca se passe de nos jours, tout le monde le sait ».

9. Ceci entrainant cela, ne pas céder à la violence, à la rage ou au désespoir lorsqu’on entend cette fameuse phrase. Respirer un grand coup, rester zen en toute occasion. On est des Jedis oui ou merde?!

10. Rappeler ce(s) producteur(s) à qui l’on a proposé le sujet du siècle (« Un savant mélange entre Julie Lescaut et Matrix mais au XVIIème siècle, je te raconte pas comment elle va surkiffer la ménagère! ») il y a deux mois afin de savoir enfin ce qu’il(s) en pense(nt).

11. Ceci entrainant cela, ne pas noyer ses désillusions (« Non parce qu’ils n’y connaissent rien ces fichus producteurs, on ne sait pas reconnaitre le talent dans ce pays de merde! ») dans l’alcool, le chocolat, la trentième rediffusion de Friends sur NRJ12

12. Afin de ne pas aggraver cette situation, ne surtout PAS parler à son entourage de ses projets en cours puisque c’est bien connu, neuf projets sur dix ne verront pas le jour, pour toute une foule de raisons, même si le patron de Bidule Prod trouve ça, « à première vue », génial. Surtout si le patron de Bidule Prod trouve ça, « à première vue », génial! Vous ne lisez jamais cette chronique ou quoi?!

13. Apprendre à mieux gérer ses droits d’auteur et de diffusion. Parce qu’un scénariste n’est pas intermittent du spectacle, voyez-vous, il vit sur des rentrées d’argent très fluctuantes. Ah bien entendu c’est toujours la fête quand arrive enfin un chèque, surtout quand il s’agit des droits de diff’ inhérents à une obscure rediffusion et qu’ils s’avèrent au-dessus de toute espérance. Mais bon, Dieu seul sait quand tombera le prochain chèque, donc méfiance! Je connais par exemple une jeune scénariste dont je ne peux évidemment pas citer le nom dans ces colonnes, disons juste que ses initiales sont NL, qui a une fâcheuse tendance à s’acheter des paires de pompes au moindre virement de la SCAM plutôt que de mettre les sous de côté et qui devrait être remplie de honte en écrivant lisant ces lignes…

14. Ne plus s’acharner à vouloir faire lire sa prose à son entourage. Et lorsque l’on a failli à la règle, accepter avec humilité et surtout zenitude le manque d’enthousiasme des lecteurs. On est des Jedis oui ou merde?!

15. Passer moins de temps sur Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux chronophages. Bon d’accord, cette résolution-là et scientifiquement IMPOSSIBLE à tenir mais bon, comme on dit c’est l’intention qui compte, hein!

16. Ne pas accepter de se rendre sur les tournages, même quand l’invitation est cordiale. Les tournages, pour un scénariste, c’est l’ENFER!!! Vous ne me croyez pas? Tant pis pour vous cher Padawan (non parce qu’il n’y a qu’un Padawan pour être aussi candide), je ne donne pas cher de votre peau…

17. Prendre l’habitude de bien sauvegarder RÉGULIÈREMENT tout son travail.

18. Dans le cas contraire, ne pas blâmer la terre entière, ou ses pauvres co-scénaristes une fois qu’un texte est effacé. Même s’il s’agit de ce fameux « savant mélange entre Julie Lescaut et Matrix mais au XVIIème siècle ». Surtout s’il s’agit de celui-là!

19. Soigner les préliminaires. C’est à dire prendre le temps de faire des recherches AVANT de se lancer dans l’écriture d’un nouveau projet. (Non mais à quoi vous pensiez gros cochons?!)

20. Arrêter de perdre du temps à lister une foule de bonnes résolutions et SE METTRE AU BOULOT, et plus vite que ça!!!

Bon, il faut que je poursuive ou vous êtes enfin convaincus? Ah la la, elle n’est pas rose tous les jours la vie d’un(e) scénariste chers lecteurs, quelle que soit le millésime en cours… C’est bien pour ça qu’il/elle est un(e) véritable maitre Jedi, c’est hyper balèze de réitérer l’exploit chaque année!

Copyright©Nathalie Lenoir 2011