“The Green hornet” de Michel Gondry

Par Boustoune

Trentenaire immature et oisif, Britt Reid (Seth Rogen) vit aux crochets de son père, propriétaire de l’un des derniers quotidiens indépendants des Etats-Unis. Sa principale occupation ? Organiser des fêtes bien alcoolisées et épater ses potentielles conquêtes féminines en leur faisant admirer son impressionnante collection de voitures (enfin, celles de Papa…). Et il compterait bien continuer cette petite vie “tranquille” pendant encore quelques années. Mais quand son père passe subitement l’arme à gauche, Britt se retrouve à la tête de l’empire familial, avec des centaines de personnes à gérer et un quotidien à faire tourner… Aïe, le mal de crâne… Il aurait bien besoin d’un bon café avant de s’attaquer à une tâche aussi insurmontable, mais manque de chance, il a licencié Kato (Jay Chou),  le seul employé de son père capable de servir un breuvage digne de ce nom.
Il le réengage illico, et découvre au passage que le bonhomme a bien d’autres talents cachés, notamment celui d’être un génie du bricolage et un expert en arts martiaux doté d’une faculté d’analyse des situations hors pair…
La présence à ses côtés d’un assistant aussi génial va lui donner l’idée de réaliser un de ses rêves d’enfants : devenir super-héros et combattre le crime.
Pour tromper l’ennemi – ici incarné par un mafieux d’origine russe nommé Chudnofky (Christoph Waltz)- et l’obliger à dévoiler son jeu, Britt se fait passer pour un criminel masqué, sous le pseudonyme du Frelon Vert…

Les super-héros étant à la mode depuis quelques années – et probablement pour quelques années encore – on se doutait bien qu’un studio hollywoodien s’intéresserait à l’adaptation du “Frelon vert”. A l’origine créé pour être un feuilleton radiophonique, qui fit le bonheur de nombreux auditeurs de WXYZ en 1936, l’intrigue avait été transposée sur petit écran, à la fin des années 1960, avec pour résultat une série-culte, connue pour avoir lancé la carrière de Bruce Lee aux Etats-Unis.
Pour être francs, on appréhendait un peu ce qu’allait donner cette nouvelle version, accommodée pour plaire au public moderne – comprenez, gavé de films d’actions surexcités. Mais à l’arrivée, c’est plutôt une bonne surprise.

Déjà, le film évite les écueils habituels des épisodes introductifs, qui sacrifient trop souvent le rythme au profit de scènes détaillant la genèse des héros. Ici, cela est vite expédié et on entre très vite dans le vif du sujet – comédie et action. Evidemment, cela nuit un peu au développement de la psychologie du personnage principal, mais dans le cas présent, cela n’a pas grande importance, vu que le “héros” n’est pas franchement intéressant. Britt Reid n’est pas aussi tourmenté qu’un Bruce Wayne ou un Peter Parker, il ne possède pas la classe d’un Tony Stark, c’est juste un grand dadais sans talent qui profite de sa fortune pour jouer au super-héros.

Le vrai héros est – et a toujours été – Kato, l’homme à tout faire qui sait vraiment tout faire. Tout le sel du film réside dans la relation qui se noue entre les deux hommes. Une relation compliquée, faite d’affection, d’admiration mutuelle, de rivalité et de jalousie. Une relation tumultueuse et souvent prétexte à des scènes drolatiques, comme cette bagarre dantesque entre les deux complices, digne des combats entre un Cato homonyme, celui de la série des Panthère rose, et l’inspecteur Clouseau…
Cela fonctionne bien grâce à la belle entente de Seth Rogen et Jay Chou, tous deux très à l’aise dans leurs rôles respectifs de grande gigue immature et tête à claques et de domestique énigmatique et taiseux, mais fidèle et diablement efficace dans les situations délicates.

Cette collaboration fonctionne un peu comme le duo Seth Rogen/Michel Gondry, aux commandes du film.
Le premier est à l’origine du projet, qu’il a conçu comme un grand divertissement populaire, un grand spectacle. Il en est à la fois producteur et acteur principal. A Hollywood, cela revient à dire qu’il possède le pouvoir… Mais tout seul, il n’est rien. Juste un lourdaud qui a un projet à réaliser mais ne possède pas le talent pour y arriver… Comme Britt Reid.
C’est là qu’intervient Michel Gondry qui, lui, ressemble plus à Kato : un bricoleur de génie, capable de transformer un banal café en nectar divin… Un poète et un esthète amoureux du travail bien fait…

Gondry aime bidouiller les images, essayer de nouvelles techniques, de nouveaux effets. Ici, il a le loisir d’expérimenter le cinéma en relief et s’en sort honorablement, avec quelques effets réussis et une belle profondeur d’image. Cela dit, on n’est toujours pas convaincus de l’utilité du procédé. Malgré son talent et son envie, Gondry  ne fait pas de miracles avec la 3D, qui reste encore un gadget assez encombrant et assez dispensable, d’autant qu’elle impacte la luminosité et l’intensité des couleurs. Par ailleurs, les contraintes de tournage en 3D mobilisent du temps et de l’énergie, qui peuvent obliger les cinéastes à bâcler d’autres aspects de leurs oeuvres…

Là encore, Gondry s’en sort bien. Il peut même essayer de nouvelles trouvailles visuelles, lors des combats entre le Frelon Vert, Kato et leurs ennemis, comme ce mélange de ralentis et d’accélérés qui réinvente le “bullet-time” façon Matrix (un trucage que Gondry a d’ailleurs utilisé avant les frères Wachowski , dans un clip).
Le cinéaste n’a plus grand chose à prouver, mais il continue encore et encore d’innover, de chercher de nouveaux tours de magie à nous proposer, et cela fait vraiment plaisir à voir.

En fait, il est toujours comme un petit garçon désireux de réaliser ses rêves, et qui se donne tous les moyens pour y réussir, misant surtout sur sa capacité de travail et son inventivité. On imagine que Michel Gondry a été marqué par la série télévisée et les exploits de Bruce Lee, icône du film d’action des années 1960/1970 (il lui rend d’ailleurs hommage via les dessins du carnet de Kato…). En réalisant ce film, il assouvit probablement un vieux fantasme…
Réaliser des rêves, des fantasmes d’enfant ou d’adolescent, c’est exactement ce que fait le duo Reid/Kato. Et ce que faisaient les personnages de Soyez sympa, rembobinez avec leur films “suédés”, Gael Garcia Bernal dans La Science des rêves… Thématiquement, The Green Hornet s’inscrit dans la droite ligne des oeuvres précédentes  du cinéaste.

On admire la façon dont Gondry transforme ce blockbuster basique en spectacle rondement mené, enthousiasmant par ses trouvailles visuelles, et surtout en une oeuvre assez personnelle, dans la logique du reste de sa filmographie.

Bon, évidemment, The Green hornet est l’oeuvre la plus consensuelle, la plus “grand public” du cinéaste. Elle reste avant tout un pur divertissement conçu essentiellement pour mettre en valeur l’humour de Seth Rogen – c’est du moins ce qu’espérait le comique en produisant le film.
Son côté bouffon outrancier – et pas très fin, de notre point de vue – plombe d’ailleurs un peu le film, même s’il colle assez bien au personnage de Britt Reid.
Mais pour du film d’exploitation, c’est nettement supérieur à la moyenne, et bien plus amusant que bien des nanars hollywoodiens pré-formatés…

Le succès annoncé de ce film devrait permettre à Gondry d’empocher un petit pactole qu’il pourra réinvestir dans des productions plus intimistes, plus personnelles, à l’instar de son documentaire L’épine dans le coeur.
En tout cas, nous sommes rassurés de voir ce cinéaste, l’un de nos chouchous ici à Angle[s] de vue,  résister au rouleau-compresseur des studios américains et continuer, au coeur du système, de faire des films qui lui ressemblent : inventifs, gentiment loufoques, énergiques…
Vivement le prochain !

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The Green hornet
The Green hornet

Réalisateur : Michel Gondry
Avec : Seth Rogen, Jay Chou, Cameron Diaz, Christoph Waltz, Tom Wilkinson, Edward James Olmos,
Origine : Etats-Unis
Genre : adaptation de série télé culte
Durée : 1h57

Date de sortie France : 12/01/2011
Note pour ce film :

contrepoint critique chez :  Films Actu

(et puis tiens, une critique semblable à la nôtre, celle de Nicolinux. Parce que comme on est souvent du même avis, on le cite rarement dans nos colonnes. Et pourtant, on aime beaucoup ses textes… Voilà, c’est dit)

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