Sam Raimi peut être fier de lui. 30 ans après être sorti aux Etats-Unis, Evil Dead garde toujours son image de film culte et sa base de fans inconditionnels. Retour sur un phénomène vidéo.
Au tout début des années 80, alors que le slasher règne en maitre sur le genre du cinéma d’horreur et que les séries Z gores sont le principal produit du marché naissant de la VHS, un petit film va changer un peu la donne. Grâce à son court-métrage Within the Woods, Sam Raimi récolte les fonds nécéssaires pour tourner un long-métrage. Le budget cumulé n’est pas faramineux (350000 dollars) mais le jeune réalisateur va le transcender avec une inventivité folle.
Au départ, Evil Dead, ou plutôt Book of the Dead (c’était son titre initial), c’est surtout une blague potache tournée entre potes. Il n’y a qu’à voir le scénario écrit sur un timbre-poste et alignant les clichés : une bande d’amis se rend dans une cabane au fond des bois et dans la nuit, il seront possédés les un après les autres par des démons. Dans le genre, on a vu mieux. Mais la pauvreté du script est largement compensée par le reste. Tout d’abord il y a la mise en scène et le cadrage de Sam Raimi. A 20 ans, le jeune réalisateur fait preuve d’un grand enthousiasme et n’hésite pas à aller très loin dans sa manière de filmer. Des plans subjectifs de la caméra à la place du démon dans les bois aux plans rapprochés des acteurs, ultra dynamiques, Sam Raimi impose d’emblée un style alignant un nombre impressionnant d’idées créatives dans son film. Avec des effets spéciaux fauchés mais efficaces (les maquillages, les arbres, la décomposition image par image des corps) et un ton naviguant à loisir entre horreur, gore et second degré à mourir de rire avec son montage cut, Sam Raimi y va franco et ne baisse jamais le rythme pour garder le spectateur accroché à son fauteuil.
L’autre grand atout du film c’est aussi cet esprit de film tourné entre pote qui nous laisse nous rapprocher du destin des personnages et de Bruce Campbell en particulier. En effet, le pauvre Ash va voir ses amis disparaitre et devoir lutter contre les démons. Les jeunes peuvent facilement s’identifier à ce héros ressemblant à monsieur tout le monde mais qui va s’en prendre plein la tronche pendant tout le film. Peu à peu le charisme du personnage s’étoffe et va porter le film sur ses épaules. Pas étonnant que son personnage soit aujourd’hui culte, surtout après les deux suites et sa greffe de tronçonneuse, en faisant le premier « héros» dans la ligne des figurines « Movie Maniacs» , au milieu de Freddy, Jason, et autres Predators.
Très vite, le film se fait remarquer sur quelques marchés du film. Il faut dire qu’au milieu des produits gores pour gore, Evil Dead se démarque avec une dimension fantastique plus importante, un humour désopilant et une parfaite maîtrise de la caméra. Il sort donc dans quelques petits cinémas sous le nom d’Evil Dead, encouragé par l’intérêt de Stephen King pour le film. Évidemment, l’effusion de sang et de violence attire les foudres des autorités et le film sera censuré dans plusieurs pays. Mais grâce au marché de la vidéo, le film se fera connaitre et c’est ainsi que, passant de main en main pendant toute une décennie, il deviendra culte. Il sera même l’une des plus grosses ventes vidéos l’année de sa sortie, faisant la joie des video-clubs. Forcément, Sam Raimi n’allait pas s’arrêter là et signe donc deux suites qui entretiendront la légende et feront de lui un réalisateur en vue qui, après les plus calmes Un plan simple et Intuitions, nous gratifiera d’un Spider-Man enlevé dans lequel on retrouvera bien son style (en particulier avec Doc Octopus dans le 2e volet).
De son côté Evil Dead a fait son bonhomme de chemin et influencé un paquet de jeunes réalisateurs des années 90 et 2000. En effet, avec Peter Jackson (et son Bad Taste), le style de Sam Raimi se retrouve dans nombre des réalisations gores de nos jours (Eli Roth et son Cabin Fever n’est que le plus évident). Mais Raimi n’a jamais abandonné sa voiture (que l’on retrouve dans tous ses films) ni son style qu’il avait même remis au gout du jour dans le gros train fantôme Jusqu’en Enfer. Et à ce rythme là, c’est bien jusque là qu’on suivrait le réalisateur !