“Angèle et Tony” d’Alix Delaporte

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Traiter du sentiment amoureux n’est jamais une chose aisée, surtout en matière d’art cinématographique. La littérature permet une large palette de mots pour exprimer l’état d’esprit des protagonistes, raconter l’éveil du désir, la naissance d’une complicité affective. Au cinéma, impossible de faire de même, à moins de recourir à une voix-off qui s’avérerait vite trop envahissante. Certains cinéastes, au sommet de leur art, parviennent bien à créer, de par leur découpage, la composition de leurs cadres, un univers qui retranscrit l’état d’esprit des personnages, mais ils sont assez rares.
Non, la seule façon efficace de retranscrire avec justesse le sentiment amoureux est de s’appuyer sur des acteurs intelligents et subtils, et de les filmer à bonne distance, avec pudeur et sensibilité.

Alix Delaporte l’a bien compris et signe, avec Angèle et Tony, un très joli premier film, chronique intimiste toute simple – dans le sens positif du terme – sur l’amour naissant entre un homme et une femme.

Angèle et Tony - 4

Elle, Angèle, est une ex-détenue. On ne saura jamais vraiment quel crime elle a commis, mais on imagine sans peine un drame passionnel. Elle a fait des erreurs, qu’elle a payé le prix fort. Cela fait deux ans qu’elle n’a pas vu son petit garçon, et ses beaux-parents font tout pour l’empêcher de récupérer sa garde… Elle est en quête de rédemption et en pleine reconstruction…
Lui, Tony, est marin-pêcheur. Un métier physique, dur, éprouvant. Et qui est aujourd’hui compliqué par la bureaucratie européenne, à travers ces quotas de pêche qui le pénalisent… Tony doit se battre pour que sa profession reste rentable, et participe avec son jeune frère Ryan aux actions menées par les pêcheurs en colère.
Il doit aussi assumer un rôle nouveau de chef de famille depuis que son père a disparu en mer.
C’est un homme massif, bourru, mutique, qui n’exprime que peu ses sentiments.
Un jour, Angèle fait irruption dans la vie de Tony avec la ferme intention de le prendre dans ses filets. Comme elle n’a rien d’un thon, l’homme devrait se laisser charmer. Mais il refuse de mordre si aisément à l’hameçon…La relation devra se construire petit à petit, chacun apprenant à apprivoiser l’autre…  (fin de la métaphore halieutique, un peu facile, j’avoue…).

Angèle et Tony - 3

La grande force du film, ce sont d’abord ses comédiens : Clotilde Hesme hérite enfin d’un grand rôle, après avoir été remarquée comme second rôle dans bon nombre de films d’art & essai français, chez Christophe Honoré, Philippe Garrel, Bertrand Bonello, entre autres. Et après avoir joué dans Le fils de l’épicier, un joli film d’Eric Guirado, passé relativement inaperçu – hélas.
Grégory Gadebois – de la Comédie Française, s’il-vous-plaît – est absolument magnifique, totalement investi dans ce rôle de marin rugueux et difficile d’accès de prime abord, mais généreux et sensible quand on le connaît mieux. A tel point que l’on se demande pourquoi les cinéastes français n’ont jamais songé à mieux l’employer avant ce film.

Les seconds rôles sont au diapason. Ce ne sont pas des acteurs très connus, mais ils campent tous leurs personnages avec beaucoup de justesse : Evelyne Didi, Jérôme Huguet, Patrick Descamps, Patrick Ligardes, Lola Dueñas et le jeune Antoine Couleau… Tous sont parfaits.
On ne pourra pas dire qu’Alix Delaporte ne sait pas choisir ses acteurs…

Angèle et Tony - 5

Forte de cette distribution intelligemment pensée, la cinéaste peut se concentrer sur sa mise en scène, sur ces gros plans qui traquent les émotions sur les visages des comédiens, sur ces éclairages qui embellissent des personnages abîmés par la vie, sur ces mouvements de caméra qui traduisent une envie de liberté… Il y a assurément un gros travail derrière chaque plan, même si le résultat semble improvisé, spontané. Il faut du talent pour réussir cela. A fortiori pour une première réalisation de long-métrage…
Certains reprocheront au scénario de trop charger la barque et à la mise en scène d’appuyer un peu trop certains effets. Sans doute y-a-t-il encore quelques petits défauts de jeunesse, mais globalement, cela tient parfaitement la route. On croit à cette improbable histoire d’amour, on se satisfait du “happy end” proposé, on ne s’ennuie pas une seconde…

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Difficile de rester insensible au charme de ce film prometteur qui, de par son humilité, son authenticité, sa petite musique cinématographique discrète, tranche à la fois avec les grosses productions formatées pleine de bruit et de fureur et avec les films d’auteurs prétentieux.
Nous vous conseillons donc de vous rendre dans votre salle de cinéma pour faire connaissance avec Angèle et Tony.
C’est l’assurance d’un bon bol d’air marin et d’une belle bouffée d’oxygène au sein du jeune cinéma français…

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Angèle et Tony Angèle et Tony
Angèle et Tony

Réalisatrice :  Alix Delaporte
Avec : Clotilde Hesme, Grégory Gadebois, Evelyne Didi, Antoine Couleau,  Jérôme Huguet, Patrick Descamps
Origine : France
Genre : conte de fées moderne
Durée : 1h27
Date de sortie France : 26/01/2011
Note pour ce film :
contrepoint critique chez :  Critikat

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