Darren Aronofsky revisite le Lac des Cygnes, entrainant dans sa folie une Natalie Portman incandescente. A coup sûr Black Swan est l’un des films les plus étranges et marquants de l’année !
Après avoir raconté l’histoire d’un catcheur au bout du rouleau, Darren Aronofsky va chercher la grâce de la danse pour mettre en lumière une femme qui s’éveille. En substance c’est ce qu’il se passe dans Black Swan. Natalie Portman y incarne une jeune danseuse, choisie pour incarner les deux facettes du premier rôle du Lac des Cygnes. Mais plus elle se plonge dans le personnage pour trouver la rage du côté sombre, plus elle va se détruire.
Il serait bien simple de cantonner ce nouveau Black Swan à un vulgaire croisement de ses précédents Westler et Requiem For a Dream. Tout d’abord car là où Wrestler parlait du retour d’une star déchue, Black Swan en prend le contrepied en racontant l’histoire d’une étoile en pleine ascencion. D’un autre côté, si le film est difficile et sombre, emprunt à la folie, il ne s’agit pas d’échapper à une addiction comme dans Requiem, mais de se révéler et être soi-même. Même si certains thèmes comme la folie et l’impression d’étouffement sont là, Black Swan a sa propre identité. Et quelle personnalité !
Pendant 2 heures nous suivons Natalie Portman portant sur ses épaules un lourd fardeau, celui d’avoir été choisie pour reine, celui devoir atteindre la perfection tout en se lâchant complètement. Car Nina est une jeune fille qui n’a finalement que peu grandi, étouffée par une mère possessive, vivant la danse à travers sa fille. Au fur et à mesure qu’elle va se rapprocher de sa rivale (Mila Kunis, seul rayon de soleil du film) et de son chorégraphe (Vincent Cassel, frisson assuré), torturée, elle va alors laisser sa place à une femme libre de ses choix. Un rôle en diamant brut pour Natalie Portman ici transformée autant physiquement (amaigrie comme toute danseuse de ballet) que mentalement (fini la jeune fille avec qui nous avons grandit, Natalie est maintenant une femme). Un véritable tournant dans sa carrière, un changement d’image brut mais nécessaire pour l’actrice qui montre à ceux qui l’ignoraient qu’il va clairement falloir compter sur elle.
Natalie peut évidemment remercier Darren Aronofsky, réalisateur déjà culte, qui garde ici pleinement sa patte. Il filme l’émancipation de cette femme, cette lutte intérieure, de manière brute et hypnotisante. Comme souvent il mettra plus d’un spectateur mal à l’aise dans cette ambiance dépressive et schizophrène (appuyé par d’étranges et inquiétants jeux de miroirs) portée par la sombre partition d’un Clint Mansell toujours étourdissant (et ici déclinant ici le thème de Tchaïkovski). Sous sa caméra, la perte de repère de l’héroïne est aussi une désorientation du spectateur qui voit dans ce film sur la danse, art ô combien noble et dur, un thriller autant qu’un drame où l’irruption du fantastique fait mal. Jusque dans un final grandiose dans lequel toute la folie créatrice de l’auteur et de l’héroïne explose comme jamais, trouvant le juste milieu parfait entre réalité et fantastique, pour laisser la place à une sombre poésie qui nous laisse pantois.
En bref, Darren Aronofsky nous présente ici une œuvre personnelle et magnétique portant les cicatrices d’une Natalie Portman impressionnante et largement digne d’un oscar.