En cette semaine glorifiant la réalité virtuelle et le monde de la cybernétique, avec ses avancées résultant en une dimension astrale, univers parallèle se trouvant à l’intérieur des ordinateurs, quoi de mieux que de redécouvrir un sous-Matrix post-tron : Johnny Mnemonic.
Johnny Mnemonic est sorti en 1994, année faste pour Keanu Reeves car il obtenait son immense succès commercial avec le blockbuster d’action Speed, la consécration pour cet acteur qui s’est alors déjà illustré dans pas mal de productions indépendantes et multi genres. Et pour Johnny Mnemonic, on avait mis le paquet : outre Keanu Reeves, Dolph Lundgren, Takeshi Kitano, Dina Meyer, Udo Kier et Ice-T composaient le casting. Certes pas tous issu du grand cinéma mais en tous cas des figures renommées pour 1H38 d’action SF pure et simple. Oui mais voilà, le réalisateur Robert Longo sort de nulle part (réalisateur de quelques clips, d’un épisode des Contes de la Crypte mais surtout sculpteur et photographe…) et la nouvelle de William Gibson ne survivra pas à ce tourbillon série B avec quelques explosions et une action qui va on ne sait où. Saupoudré en plus de dialogues débiles et de costumes ridicules, le film viendra compléter la longue liste de navets de Keanu Reeves. Alors ode aux films de yakusas à la sauce cyberpunk ou bêtise d’anticipation pas assez poussée ?
L’histoire : est plutôt incompréhensible. Dans un futur proche (le XXIe siècle), une sorte d’interface informatique virtuelle poussée à son extrême permet aux gens de communiquer plus facilement (oui bon ça, ça va on arrive à comprendre). Toutes les applications de la vie sont désormais reliées à cette immense ensemble qui permet d’accéder à tout à distance. Le piratage faisant rage, les grosses entreprises multinationales utilisent des Mnemonic, des livreurs de data qui stockent les informations dans leur cerveau pour passer inaperçu. Le héros, Johnny, souhaite donc réaliser un dernier gros coup et ingère des données plutôt dangereuses car forcément, il va se retrouver au centre d’une course-poursuite des plus bizarres. C’est donc une bande de yakusas protégeant une grande entreprise pharmaceutique qui va le prendre en chasse et il sera aidé dans sa course par une humaine physiquement boostée par drogue cybernétique (oui oui !) et par une bande de gentils anarchistes clochards tentant de stopper au mieux les puissants. Et au milieu de tout ça se promène un prophète des rues qui tentent de stopper un peu tout le monde et un virus neural qui détériore le cerveau de ce qu’il infecte.
Voilà pour l’histoire, pour ce que j’ai réussi à en comprendre. Johnny Mnemonic exploite donc la peur virale (ahah) qu’a l’homme face à la montée de l’hégémonie des réseaux accessibles à distance, et donc d’Internet, comme moyen de communication omnipotent entre les humains !! Tant redouté, le réseau Internet est comme dans toutes ses représentations 90’s, un moyen superbe de centraliser toutes les demandes de chacun (souvent mercantile sois-dit en passant) en utilisant une seule interface. Evidemment, qui dit un réseau où tout est possible, dit que forcément des petits génies pourraient tout surveiller voire contrôler !!
Au croisement des films de science fiction ringards mais amusants (types Total Recall, Demolition Man) mélangés avec des films de yakusas, tendant vers les ambiances de civilisations désespérées à la Blade Runner, Strange Days ou Matrix, Johnny Mnemonic est tout simplement une banale histoire capitaliste où un grand magnant (un Takeshi Kitano fatigué, apportant sa caution asiatique à un film qui aurait aimé l’être) essaye coute que coute de récupérer son bien. Donnée qui bien sûr peut renverser l’ordre établit mais ne parviendra qu’à sortir dans les mains des rebelles que pour mettre un terme à l’omnipotence de l’entreprise vaniteuse. Une bataille sans mercis gagne les rues avec son cortège d’hommes de mains anonymes en costards se faisant butés à tout va… (comme dans… euh tous les films de yakusas). Johnny Mnemonic est un léger film de science fiction qui ne va pas assez au fond des choses et donc qui lasse terriblement, surtout une fois que l’action démarrée sur les chapeaux de roues dans la première demi-heure retombe.
Faut-il mentionner que les rebelles de cette société visuelle sont des sortes de morlocks des temps modernes, qui déboulent comme les goonies ou les enfants perdus de Peter Pan au milieu des poubelles ou que les connections avec l’interface virtuelle sont tous simplement criardes et clichés (les autoroutes de l’information !!). Et puis l’entité au nexus des informations est un dauphin… Keanu Reeves alors en pleine gloire fait ici un très mauvais choix de carrière. Son charme atypique du fait de ses origines n’opèrent pas du tout : plutôt colérique, réagissant au quart de tour, il est ici complètement inexpressif et s’énerve en moins de 2 secondes passant d’un état passif/agressif à un état survolté de façon comique. Au contraire, Dolph Lundgren est une sorte de Demi-dieu taré se prenant pour jésus christ, quasi indestructible, errant dans les rues sans trop d’intérêt, mais plutôt à l’extrême de ce qu’il incarne habituellement. En tout cas, si Johnny Mnemonic est un ratage total, un nanar bien savoureux et fatiguant, il annonce la voie des Matrix où un budget un peu plus gonflé et un scénario plus riche fera la différence. Par contre, les effets visuels ôteront tout le charme série B de ce nanar.