S’il n’est pas monnaie courante, sur notre sol, qu’un scénariste parvienne à vendre un spec-script quand aucun réalisateur n’est attaché au projet, ce genre de démarche est, bien au contraire, le pain quotidien des auteurs hollywoodiens, quand bien même la concurrence est féroce.
Non seulement ces scénarios se vendent, mais ils peuvent atteindre, à coup de buzz, des sommes record, même si leur auteur est un parfait inconnu. Voici la liste des dix spec-scripts les plus chers de l’histoire d’Hollywood.
Petite piqure de rappel. Un spec-script est un scénario initié par son seul auteur, qui démarche ensuite les studios, via son agent, dans l’espoir de le vendre. Si en France cette démarche est généralement vaine, les scénaristes travaillant essentiellement sur commandes, les choses sont quelque peu différentes outre-Atlantique, en vertu de la concurrence féroce que se livrent les grands studios, toujours avides de dénicher le perle rare avant leur voisin.
Voici dix spec-scripts qui se sont plus que bien vendus. Force est de constater qu’ils n’ont pas tous donné naissance à un chef d’œuvre, loin s’en faut…
1. Déjà vu (2006): 5 millions de dollars. Ce script mêlant polar et science-fiction a été signé par Terry Rossio, un scénariste hautement bankable à qui l’on doit notamment les franchises Shrek et Pirats of the Caribbean, et Bill Marsilii, un ancien comédien qui n’avait encore signé que quelques épisodes de séries TV. Budgété pour 75 millions de dollars, le film n’en a rapporté « que » 64 sur le territoire américain, malgré son casting mené par Denzel Washington et Val Kilmer.
Synopsis : Alors qu’il enquête sur l’explosion d’une bombe sur un ferry à la Nouvelle Orléans, l’agent Doug Carlin se voit enrôlé au sein d’une nouvelle cellule du FBI ayant accès à un appareil gouvernemental top secret permettant d’ouvrir une « fenêtre sur le temps », et ainsi de retrouver les preuves nécessaires à l’arrestation d’importants criminels. Cette fenêtre permet d’observer des évènements dans le passé s’étant déroulés quatre jours, six heures et quelques minutes auparavant… pas une de plus, pas une de moins.
Durant son investigation, Doug va découvrir que ce que la plupart des gens pensent n’être qu’un effet de leur mémoire est en fait un don bien plus précieux, une force qui le mènera vers une course contre la montre pour sauver des centaines d’innocents. Source: Allociné
2. The Long Kiss Goodnight (1996, Au revoir à jamais en VF): 4 millions de dollars. Écrit par Shane Black, une valeur sure du film d’action (franchise Lethal Weapon, Last Action Hero…), ce scénario a donné naissance à un bon gros flop retentissant, coulant la carrière cinématographique de son interprète principale, Geena Davis. Budgété pour 65 millions de dollars, le film n’en a rapporté que 33 sur le sol américain.
Synopsis : Samantha Caine, paisible institutrice dans une petite ville, souffre d’amnésie. Un accident vient réveiller en elle un passé mystérieux et pour le moins agité. Épaulée par un détective privé à la morale douteuse, elle se lance dans la quête de sa véritable identité et découvre qu’elle est aussi un agent surentrainé, impliqué dans les activités les plus inavouables du gouvernement américain. Source: Allociné
3. Panic Room (2002) : 4 millions de dollars. On doit ce script au very bankable David Koepp, qui avait déjà signé à l’époque quelques block-busters comme Jurrasic Park, Bad Influence ou Mission Impossible. Ces cent-vingt pages ont donné naissance au film le plus attendu de 2002 mais aussi à l’un des pires flop de l’histoire d’Hollywood. Malgré la mise en scène de David Fincher et la présence au générique de Jodie Foster (dont la carrière ne s’est jamais relevée) et de la très jeune et déjà remarquée Kirsten Stewart, star de la saga Twilight, malgré la rentabilité du film (budget de 48 millions, recette USA de 96 millions), le film a énormément déçu. Ça n’a pas pour autant freiné la carrière de son auteur, qui signera par la suite la franchise Spider man et le quatrième volet des aventures d‘Indiana Jones, tout en passant à la réalisation…
Synopsis : Meg Altman, la trentaine, a très mal vécu la séparation avec son mari et angoisse à l’idée de devoir élever seule sa fille Sarah. Afin de commencer une nouvelle vie loin de ses craintes, Meg achète une immense et splendide maison située dans un quartier huppé à l’ouest de New York. Son ancien propriétaire y a fait construire au dernier étage une pièce de sûreté dans laquelle on peut se réfugier en cas de menace extérieure et rester enfermé de nombreux jours grâce aux provisions qu’elle contient.
Cependant, Meg n’aurait jamais pensé s’en servir dès le premier soir. En effet, trois cambrioleurs, Burnham, Raoul et Junior, ont pénétré dans la maison avec la ferme intention de dérober une somme de quatorze millions de dollars cachée par l’ancien maître des lieux. Tout porte à croire que ce butin est dissimulé dans la pièce de sûreté, là où se sont réfugiées Meg et Sarah. Source: Allociné
4. Talladega Nights: The Ballad of Ricky Bobby (Ricky Bobby : roi du circuit en VF; 2006): 4 millions de dollars. Un scénario co-écrit par le comédien vedette Will Ferrell et Adam McKay, un scénariste qui s’est notamment illustré sur le Saturday Night Live. Cette comédie budgétée pour 72,5 millions de dollars en a rapporté plus de 148 sur le seul continent américain mais elle est restée plus que confidentielle sur notre sol…
Synopsis : Ricky Bobby est devenu un héros national grâce à ses nombreuses victoires dans la course automobile. Avec Cal, son ami d’enfance, ils se partagent, en toute loyauté, la première et la deuxième places du podium. L’arrivée d’un Français réputé dans le monde de la formule 1 va venir troubler la compétition et remettre en cause leur suprématie. Source: Allociné
5. Eurotrip (Sex Trip en VF; 2004): 4 millions de dollars (!) Un véritable nanar en or massif qui tente de surfer sur la vague American Pie en déclinant le concept à la sauce « voyage en Europe ». Commis par le trio Alec Berg, David Mandel & Jeff Schaffer, des auteurs de séries TV s’étant illustrés sur Senfield ou encore Curb Your Enthusiasm, ce consternant teen movie a fait un flop (budget de 25 millions, recette US de 18).
Synopsis : Scotty correspond par mail avec une charmante Allemande. Lorsqu’il découvre qu’elle a une plastique parfaite, il décide de se rendre en Europe avec trois amis pour la rencontrer. Leur périple ne se fera pas sans de nombreux rebondissements… Source: Allociné
6. Basic Instinct (1992): 3 millions de dollars. Une sacrée référence en matière de spec puisqu’il a propulsé à la fois les carrières de son auteur, Joe Eszterhas, mais aussi du cinéaste qui l’a mis en images, Paul Verhoeven, et de ses interprètes principaux: Sharon Stone, alors quasi inconnue, et Michael Douglas, en perte de vitesse à cette époque. Un raz-de -marée médiatique lors de sa sortie et un énorme carton au box-office (budget de 49 millions, recette de 118 millions aux USA). Un tel phénomène que ses producteurs ont voulu le ressusciter en 2006 avec un consternant sequel…
Synopsis : Nick Curran, inspecteur de police à San Francisco, enquête sur le meurtre d’une star du rock, Johnny Boz, tué de trente et un coups de pic à glace par une inconnue alors qu’il faisait l’amour. Nick apprend que le chanteur fréquentait Catherine Tramell, riche et brillante romancière. Au cours de son enquête, il s’aperçoit que les parents de Catherine sont morts dans un accident suspect, que son professeur de psychologie a été assassiné dix ans plus tôt à coups de pic à glace et qu’enfin, une de ses meilleures amies a, en 1956, tué ses trois enfants et son mari. Source: Allociné
7. Medicine Man (1992): 3 millions de dollars. Un film mou du genou écrit par Tom Schulman, un scénariste à qui l’on doit notamment Dead Poets Society (Le cercle des poètes disparus en VF). Le cinéaste John McTiernan et la star Sean Connery ne sont pas parvenus à pimenter cette très fade recette. Budgété pour 45,5 millions de dollars, le film en a tout juste rapporté 40 sur le sol américain.
Synopsis : Le docteur Rae Crane est envoyée par une société pharmaceutique au cœur de la forêt amazonienne à la recherche du scientifique Robert Campbell qui prétend avoir trouvé dans les arbres de la forêt vierge une substance capable de guérir le cancer. Mais la construction d’une route au cœur de la forêt menace l’équilibre écologique et par la même occasion le produit miracle que n’arrive plus à reconstituer le docteur Campbell. Source: Allociné
8. The Pink Panther (2006): 3 millions de dollars. Bizarre d’écrire un remake en matière de spec-script, non? Et culotté de s’attaquer au monument de Blake Edwards! Il faut dire que l’initiative en revient au comédien Steve Martin, qui espérait sans doute se frotter à l’immense Peter Sellers pour rebooter une carrière moribonde. Il s’est entouré à cet effet des scénaristes Len Blum et Michael Saltzman et, si le film a été tout juste rentable (80 millions de budget, 82 de recettes USA), on ne peut pas dire qu’il ait marqué les esprits…
Synopsis : Un célèbre entraîneur de football est assassiné et une bague, ornée du fameux diamant La Panthère Rose, lui a été dérobée. Le gouvernement français a besoin d’un détective de génie pour résoudre le mystère mais personne n’est libre. L’inspecteur Jacques Clouseau arrive alors à la rescousse.
Une pop star, un joueur de foot, un assassin chinois… tous sont suspects mais qui est le coupable ? Clouseau et son acolyte Ponton vont devoir résoudre ce cas épineux et empêcher leur chef Dreyfus de récolter les lauriers de l’enquête. Source: Allociné
9. Mozart and the Whale (Crazy in love en VF; 2006): 2,75 millions de dollars. Un obscur mélo signé Ron Bass, un habitué du genre, qui a fait un flop retentissant: 36 000 dollars de recettes sur le sol américain pour un budget de… 12 millions, ouch!
Synopsis : Un savant en mathématiques tombe amoureux d’une experte en art en et musique. Leur amour est toutefois mis à rude épreuve par le syndrome d’Asperger, une maladie qui les enferme tous deux dans l’autisme… Source: Allociné
10. A Knight’s Tale (Chevalier en VF; 2001): 2,5 millions de dollars. Un petit joyau signé Brian Helgeland qui mêle action, comédie et romantisme un poil punk et a propulsé le très regretté Heath Ledger au firmament des vedettes, marchant plutôt bien en salles: budget de 56,5 millions de dollars et 65 millions de recettes sur le seul sol américain. De très loin, mon favori de cette liste!
Synopsis : En Europe, au XIVe siècle, William Thatcher est un modeste écuyer qui a un don inné pour l’équitation et les combats de joute, un talent qu’il décide d’exploiter après la mort de son maître Sir Ulrich von Lichtenstein. Mais ne concoure pas qui veut dans les tournois, il faut être un noble. Il prend alors l’identité de son défunt seigneur et part sur les routes de France avec ses compagnons Roland et Wat.
En chemin, William rencontre Geoffrey Chaucer, un écrivain errant qui lui fabrique de faux papiers. Ces documents falsifiés lui permettent de participer aux tournois disputés par les plus grands chevaliers.
En peu de temps, il se fait remarquer par son agilité et multiplie les victoires. Il attire également l’attention de la belle Jocelyn et, malheureusement, du redoutable comte Adhemar. Ce dernier est jaloux de son succès et compte bien y mettre un terme. Source: Allociné
Quel enseignement tirer de ce top ten? Il est un peu amer en ce qui me concerne mais il prouve qu’il ne faut pas confondre spéculation et talent, ni succès au box-office. Pour ma part, les plus géniaux spec-scripts que je connaisse seraient American Beauty d’Alan Ball, Boogie Nights de Paul Thomas Anderson ou encore Little Miss Sunshine de Michael Arndt… Et vous, lesquels choisiriez-vous?
Preuve en tout cas que les spec-scripts font saliver les studios, ceux qui créent le plus le buzz sont référencés chaque année au sein d’une Black List très influente dont je vous ai déjà parlé dans ces colonnes.
Copyright©Nathalie Lenoir 2011