Drame intimiste ou triste fable de SF ? Never Let Me Go joue habilement sur les deux tableaux pour nous tirer des larmes.
Mark Romanek est un réalisateur étrange. Assez connu pour ses clips, c’est avec le bizarre Photo Obsession qu’il était arrivé sur grand écran en 2002, révélant une nouvelle facette de Robin Williams (comme Chrisopher Nolan avait su le faire dans Insomnia), mais aussi instaurant un univers de SF assez particulier.
En effet, chez ce réalisateur, pas de robots, d’E.T., d’explosions ou de voitures volantes. Le futur est une légère avancée, presque invisible pour nous, mais impliquant tout de même de grands changements de pensée. Il n’est donc pas étonnant qu’il se soit intéressé au roman de Kazuo Ishiguro. En effet, celui-ci s’intéresse à l’histoire de 3 amis qui ont grandi ensemble et sont presque inséparables. Mais ils n’ont été éduqués, clonés, que dans un seul but, donner leurs organes à leur modèle original. Alors se posent évidemment des questions éthiques (identiques à The Island dans Michael Bay … en beaucoup moins explosif et beaucoup plus intimiste) sur l’âme de ces clones. En sont-ils dotés ? peuvent-ils vivre comme des humains normaux ? Doit-on leur accorder le droit d’aimer ? Et en fin de compte, à quoi sert l’existence ? Cela peut choquer mais la manière profondément humaine avec laquelle la problématique est traitée ne peut que nous inciter à réfléchir.
Pourtant ces questions bien représentatives des origines japonaises du livre ne sont pas le point central du film. En effet, ce sont les personnages qui font en sorte de nous attacher et nous poser la question : pourquoi doivent-ils mourir ? Et si ils valaient mieux que leur modèle ? Et après tout, peut-on élever ainsi des personnes qui ont une conscience comme du bétail ?En cela, le jeu des 3 comédiens est très juste.
Si Keira Knigthley se montre égale à elle-même, Andrew Garfield et Carey Mulligan montrent bien qu’ils sont les deux acteurs à suivre de très très près dans les années à venir.
Mais ce qui surprend le plus est en fait, c’est l’atmosphère intimiste et triste du film. Jamais ici nous ne quitterons la grisaille d’un littoral anglais. Le pessimisme est de rigueur et rares seront les rayons de soleil. Et lorsque les personnages pourtant pleins d’espoirs se verrons disparaitre petit à petit, c’est avec une tristesse infinie que nous les quitterons. Alors bien entendus, certains pesteront devant l’usage intempestif de violons et de plans stagnants se confortant dans leur désespoir, mais le film est tout de même emprunt d’une envoutante poésie qui laisse encore songeur après sa vision.