Avant l’Exorciste, le rageur William Friedkin avait déjà fait preuve d’une maitrise impeccable de l’action dans The French Connection. Un film à redécouvrir quand on s’aperçoit qu’il a finalement bien marqué le style des scènes d’action d’aujourd’hui !
On a du mal à s’en rappeler aujourd’hui, mais dans les années 60, la Corse et Marseille étaient une plaque tournante du trafic d’héroïne partant de Turquie pour arriver aux États-Unis. Ce trafic était alors appelé la French Connection et était la principale source des américains drogués, jusqu’à sa chute à la fin des 70’s. Si le nom de French Connection est toujours dans nos esprits aujourd’hui, c’est en fait grâce au film de William Friedkin qui, avant d’imposer l’Exorciste comme l’un des plus grands films d’horreur de tous les temps, a rencontré le succès avec cette histoire de stups.
Avec French Connection, nous allons donc suivre deux flics expérimentés et aux méthodes assez houleuses qui on l’intuition qu’une livraison de drogue à New-York est imminente. En menant l’enquête, à travers de nombreuses filatures à suspens, ils vont peu à peu s’approcher des trafiquants français et ritals. Pour les besoins de l’histoire, les noms et quelques faits ont été changés mais il n’en demeure pas moins que Friedkin s’est extrêmement documenté pour apporter une touche de réalisme assez inédite pour l’époque.
En effet, rares étaient les films de gangsters et polars qui collaient si près à l’enquête et à l’action. Dans French Connection, Friedkin adopte la caméra à l’épaule. Rien de tel pour suivre les événements en étant accroché au fauteuil, bien avant que Greengrass en abuse dans les Jason Bourne. Ici chaque filature est prenante, chaque dispute est violente et surtout la course-poursuite est sacrément éreintante. 3 ans après le mètre-étalon imposé par Bullitt, Friedkin s’affranchit complètement de la préparation au millimètre près pour nous offrir une course-poursuite haletante, entre maitrise et spontanéité, lorsque Gene Hackman doit retrouver un sniper qui fuit par le métro. Rarement une telle chasse aura été vue et celle-ci devient alors un nouveau standard.
Mais il ne faudrait pas pour autant réduire ce French Connection à une simple course-poursuite, car Friedkin, non content de saisir avec un réalisme impeccable l’impulsion de l’action, décrit aussi des personnages loin des stéréotypes. Ici le méchants et gentil flic ne sont pas si simples à comprendre et leurs manières violentes, ne les rendent pas forcément plus sages que les trafiquants, d’autant plus qu’ils sont toujours à deux doigts de dépasser les limites de leurs fonctions. Aux côtés d’un Roy Scheider sobre, Gene Hackman est en particulier remarquable dans ce registre et cela lui vaudra un oscar bien mérité. Son personnages fera tout pour retrouver ces hors la loi et nous sentons vraiment qu’il ne lâchera pas prise, peu importent les obstacles. Il faut dire que la direction d’acteurs de William Friedkin a sûrement aidé l’acteur dans sa composition. On sait le réalisateur sans compromis vis à vis de ses équipes, que ce soit devant ou derrière là caméra, et ça se ressent à la vision du film (la musique brutale de Don Ellis aide d’ailleurs beaucoup dans cette impression). Toute la rage de Friedkin est là pour ne pas nous lâcher.
Le résultat à l’écran est donc une enquête éreintante dont les images ont certes vieillit (la faute à une restauration blu-ray loin d’être optimale ?) mais dont le style a marqué. Encore aujourd’hui nous pouvons ressentir ce type de mise en scène dans nombre de blockbusters et cela n’aurait sans doute pas été le cas sans la maitrise et le réalisme apporté par William Friedkin à ce French Connection. Il demeure maintenant l’un des plus gros succès commerciaux de son réalisateur mais aussi et surtout un succès critique incontestable avec 5 oscars dont meilleur film et réalisateur.