La semaine dernière, Charlie Adlard était sur Paris pour défendre le 13e tome de Walking Dead (paru aux éditions Delcourt et dans toutes les bonnes librairies) mais aussi pour parler de la série adaptée qui est diffusée depuis hier soir sur Orange Cinema Series. Grand chanceux pour l’occasion, c’est en compagnie de Cineblogywood et de @pr0crastinati0n pour Cine Heroes que j’ai eu l’occasion d’interviewer le dessinateur dans une ambiance décontractée et sans langue de bois.
Cineblogywood : Avez-vous été impliqué dans la production de la série ?
Charlie Adlard : Non, ils ne m’ont jamais demandé. Mais je n’ai pas demandé non plus à être impliqué. Parce que Walking Dead est une série réaliste, il n’y a pas vraiment de travail de conception à faire. Si on avait créé une œuvre de science-fiction ou d’heroic fantasy, je pense que je me serais davantage investi dans le design de la série. Mais là, où que la production aille, elle aurait choisi des décors naturels : pas besoin d’imaginer le design d’une maison ordinaire. Et pour les zombies, les meilleures recherches qu’ils pouvaient faire, c’était d’aller à la morgue pour voir les morts. Donc le mieux, c’était que je reste à dessiner la série chez moi et à respecter mes deadlines plutôt que de perdre mon temps pendant trois ou quatre mois à travailler sur la série pour finalement me rendre compte que je n’avais pas dessiné pendant trois ou quatre mois (rire). Mais je suis allé sur le tournage et j’ai joué un zombie.
Cineblogywood : La série colle beaucoup à vos dessins mais, en retour, est-ce que de les voir à l’écran vous a influencé par la suite, au niveau du style ou du découpage de vos planches ?
Non, non, non. L’avantage, c’est que j’habite dans une petite ville appelée Shrewsbury, dans le Shropshire, à 45 minutes au nord de Birmingham, en Angleterre. C’est très rural, très calme. Et je suis juste assis à faire mon truc. Je suis inconscient de tout ce phénomène autour de Walking Dead. Pour moi, c’est juste un jour comme un autre à ma table de dessin, à faire une nouvelle page. Je dessinais Walking Dead bien longtemps avant la série pour que je subisse une influence à mon tour. Je continue de dessiner Rick et les personnages de la même manière, sans chercher à les faire ressembler aux acteurs. La force du comic book et de la série, c’est qu’ils vont rester des entités séparées bien que connectées.
Cineblogywood : En parlant de l’Angleterre… Danny Boyle avec 28 Jours Plus Tard, Edgar Wright, Simon Pegg et Nick Frost avec Shaun of the Dead et vous avec Walking Dead, vous avez contribué à renouveler l’univers zombie. Et vous êtes tous Britanniques. Comment expliquez-vous cela ? C’est à cause de la météo ou de la nourriture anglaise ?
(Rire) Oui, je vois bien un affreux jour de pluie avec tout le monde qui s’affaire dans un centre commercial sans âme, quelque part. Je crois que c’est une grosse coïncidence (rire) ! Vous avez mentionné Danny Boyle, Simon Pegg and co. Mais il y a dix ans, vous auriez parlé de Romero et de… j’essaie de trouver un autre réalisateur (rire) !
Cineblogywood : Et Zack Snyder !
Mouais, Zack Snyder…
MyScreens : Vous n’aimez pas Zack Snyder ?
J’aimerais bien le voir faire un bon film, un jour. Ce serait sympa. Watchmen était un bon exemple de comic book qu’il ne fallait pas adapter. A chaque fois qu’une adaptation de comics sort, les gens critiquent le film pour ne pas être comme le comic book. Et quand Watchmen est sorti, tout le monde l’a critiqué pour avoir trop collé à la BD. En le regardant, tu te dis que c’est la raison pour laquelle tu ne dois pas juste copier un comic book mot à mot. Bon, Snyder a un super sens visuel. Il y a des moments de Watchmen qui sont impressionnants, notamment pour l’utilisation de la musique dans la séquence d’ouverture mais bon… J’ai détesté 300 (rire) !
MyScreens : Pour en revenir à la série télé, comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que ce serait Frank Darabont qui l’adapterai pour la télévision ?
Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais très excité ! Pas sexuellement parlant bien sûr (rires) mais j’adore les films de Frank Darabont. C’est quand même mieux que Zack Snyder quand même. J’adore les Évadés et je respecte énormément la Ligne Verte. Un peu moins pas The Mist au départ mais finalement j’aime bien cette atmosphère. Ce n’est pas vraiment effrayant mais il y a ce sentiment d’apocalypse qui est incroyable. C’était bien, c’est un sacré truc d’avoir des gens pareils derrière la caméra. Ce n’est pas donné à toutes les séries TV d’avoir Franck Darabont, Gale Anne Hurd ou Greg Nicatero, des vrais pros au cinéma qui travaillent pour la télévision. Franck n’était pas là juste pour le pilote, il s’est vraiment investi dans toute la série, c’est encore plus passionnant.
MyScreens : En même temps, il a déjà filmé plusieurs le milieu carcéral avec Les Évadés et la Ligne Verte. Vous pensez que c’est l’une des intrigues de Walking Dead qui l’a intéressé ?
(rire) Oui bien sûr il n’attendait que ça ! « oui, je vais refaire une histoire de prison ! encore !» (rire) C’est pour ça qu’il travaille sur Walking Dead.
Cineblogywood : Robert Kirkman aime bien faire mourir les personnages principaux de la série. L’avez-vous déjà supplié d’épargner un personnage que vous aimiez dessiner ?
Non, je ne l’ai jamais supplié mais j’aime bien le fait que personne n’est à l’abri. Même Rick n’est pas à l’abri. Ce qui apporte une dynamique extraordinaire au comic book et ça commence dans la série TV. Mais si il tuait Michone (NDR : un personnage qui arrivera dans la 2e saison de la série tv) je serais bien embêté.
MyScreens : Est-ce que ça vous fait mal de dessiner la mort de certains personnages du comics ?
Non, ça ne me dérange pas de le faire, ça dépend de la manière dont il faut les faire partir. Parfois je me dis « oh, il faut que je dessine ça !» mais il faut dès fois tuer un personnage central, un personnage génial. Dans le comics, il y a toujours une bonne raison de le faire, pour le récit.
Pr0crastinati0n : De quel personnage vous sentez-vous le plus proche ?
De Michone, c’est un personnage intéressant, et puis dans une situation pareille, je préfèrerai être avec quelqu’un comme ça, qui sait manier les armes etc… Sinon, Andrea. J’aime beaucoup Andrea car son personnage s’est développé de manière très intéressante. Elle était au départ la plus faible des deux soeurs et finalement est est devenu un personnage très fort, un sniper hors pair. Et puis Carl est devenu un personnage intéressant aussi. La série nous laisse le temps de développer ces personnages. Les gens me demandent souvent pourquoi ? comment on peut dessiner un comic-book si longtemps, près de 80 numéros ? Je leur répond que c’est à cause des personnages que se développent sans arrêt et qui donnent envie de continuer de dessiner cette histoire. Si les personnages étaient restés les mêmes, ça aurait été très différent et on aurait laissé tomber. Mais le développement des personnage est une composante essentielle des comics. C’est pour ça qu’on est toujours là.
MyScreens : Donc vous allez battre le record de la collaboration entre Brian Bendis et Mark Bagley sur Ultimate Spider-Man ?
Il est de combien ? 111 numéros ? Je ne crois pas que c’est le plus gros record. Il me semble qu’il y en a un autre autour de 300 ? Un chiffre ridicule comment ça. Mais ce serait sympa d’être dans le top 5 des auteurs américains de comics les plus prolifiques. Il ne nous reste que 30 numéros pour battre Bendis et Bagley ! En tout cas on arrivera à 100, ça c’est sûr.
Cineblogywood : Parlez-vous souvent avec Robert Kirkman de la fin de la série ?
Quand on parle on commence souvent par parler business pendant 10 minutes ! (rires) Et après on revient à l’histoire. En fait je n’aime pas savoir la suite. Parce que Robert change d’idée à la dernière minute. Par exemple [SPOILER ALERT] je ne savais pas qu’il allait tuer Lorie et le bébé alors que la fois précédente il m’avait dit qu’il allait la faire souffrir mais qu’elle s’en sortirait [SPOILER END]. C’est bien, j’adore lire le scénario comme n’importe qui et être aussi choqué que les fans
MyScreens : Finalement, Robert Kirkman est plus associé à la production et à la promotion de la série TV et vous êtes plus derrière la planche à dessins. Vous n’avez pas envie de participer davantage à la promotion avec Robert ?
Que croyez-vous que je fait ici ? (rires) En fait Robert est vraiment le producteur de la série et a donc plus de responsabilités. Mais il vit aux États-Unis, ce n’est pas facile pour lui de venir en Europe. En fait c’est une bonne chose que nous soyons divisés. Comme ça Robert s’occupe des USA et je m’occupe de l’Europe comme ça Robert n’a pas besoin de venir. On se débrouille bien comme ça et du coup, j’ai plein de promotion à faire.
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