Parmi tous les célèbres auteurs qui ont écrit au sujet de leur métier, Stephen King est, selon moi, l’un de ceux qui le font avec le plus de justesse et de générosité. Son ouvrage On writing fait définitivement partie de mes bibles en la matière. S’il n’est pas scénariste mais romancier, ses conseils s’appliquent à tous les types de proses.
Il faut dire que l’écriture est pour lui un véritable sacerdoce. Il a signé ses premières œuvres aux portes de l’adolescence et n’a quasiment jamais passé depuis, un jour sans s’asseoir à son bureau. Rien ne semble pouvoir venir à bout de l’inspiration horrifique et galopante de Stephen King, ni la mort (il a échappé de justesse à un très grave accident il y a une quinzaine d’années), ni la cécité qui le menace (il souffre d’une dégénérescence de la rétine). S’il existe une manière d’écrire d’outre-tombe, il la trouvera à coup sûr!
Voici douze judicieux conseils qu’il adresse aux jeunes auteurs…
Est-il vraiment besoin de présenter le « maître de l’horreur »? Né il y a soixante quatre ans dans le Maine, un état américain dans lequel il réside toujours et qui est au cœur de la plupart de ses œuvres, Stephen King autopublie ses premières nouvelles alors qu’il est encore lycéen. Lors de ses études universitaires, il publie plusieurs nouvelles et il écrit un premier roman, The Aftermath, resté inachevé, puis The Long Walk, une œuvre qui ne sera publiée que bien des années plus tard et sous le pseudonyme de Richard Bachman.
En 1974, le jeune auteur publie Carrie, un roman qui sera adapté par Brian De Palma, et accède à la gloire. Stephen King abandonne l’enseignement et ne se consacre plus qu’à sa plume. En près de quarante ans de carrière, il publie -sous son nom ou celui de son alter ego- une quarantaine de romans, des dizaines de nouvelles, divers essais, ses mémoires, et collabore à divers scénarios.
Nombre de ses œuvres ont été adaptées sur petit ou grand écran, notamment The Shinning, Stand by Me, The dead zone, Christine, Misery, The Shawshank Redemption, Dolores Claiborne, The Green Mile, Hearts in Atlantis, ou, plus récemment, 1408 et The mist.
Voici ces douze conseils aux auteurs débutants, que je vous traduis en substance:
1. Être talentueux. Selon Stephen King, les jeunes auteurs associent à tort le talent avec le succès ou l’argent qui en découle. Ce qui compte avant tout est de travailler d’arrache-pied pour devenir un bon auteur, tant au niveau de la forme (structure) que du fond (style). Mais il faut aussi pouvoir, selon lui, développer un œil critique sur sa propre prose afin de savoir jusqu’à quel point s’acharner. En clair, malgré l’envie, certains aspirants auteurs n’ont pas le talent nécessaire pour devenir professionnels. Et l’écrivain d’ajouter que ce moment charnière où il convient d’abandonner son rêve dépend de chacun et n’est pas proportionnel avec le nombre de rejections.
2. Être soigneux. C’est à dire s’attacher à la présentation: grammaire, orthographe, mise en page… Je ne peux qu’abonder dans ce sens: rien n’est plus rédhibitoire pour un lecteur professionnel que de parcourir un scénario truffé de fautes, c’est un des signes les plus manifestes de l’amateurisme de son auteur!
3. Exercer son sens de l’autocritique. Aucun texte n’est bon dès le premier jet, savoir écrire consiste essentiellement à pouvoir réécrire autant de fois que nécessaire. Je projette d’ailleurs de vous proposer très prochainement un article sur ce sujet…
4. Supprimer tout mot superflu. Raconter une histoire ne consiste pas à exercer un prêche. C’est encore plus vrai en matière d’écriture de scénario!
5. Ne consulter aucun livre de référence au moment de l’écriture. Dictionnaires, encyclopédies et autres ouvrages de conseils d’écriture sont, selon Stephen King, à consulter avant ou après mais en aucun cas au cours du processus d’écriture. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faille pas vérifier l’orthographe d’un mot, ou lui chercher un synonyme en cours de route, le propos est de ne pas freiner sa créativité en perdant trop de temps pour des détails qui concernent le travail de relecture (qui engendrera lui-même une réécriture).
6. Connaitre les marchés, c’est à dire à la fois son audience et les décideurs (éditeurs, producteurs, diffuseurs…) auxquels adresser son histoire. J’ajoute que trop de jeunes auteurs ignorent (voire snobent) ce conseil par paresse ou orgueil mal placé sans réaliser qu’ils s’ôtent par là-même toute chance de succès.
7. Écrire pour divertir. Conseil qui découle du précédent. C’est bien beau de vouloir se faire plaisir, raconter sa vie, ou coucher sur papier « son message », mais encore faut-il que cela intéresse une audience…
8. Se demander si on prend du plaisir à écrire. Ce n’est pas parce qu’on a soudain une idée d’histoire que l’on sera capable de la mener jusqu’au bout. C’est un travail chronophage, épuisant mentalement et physiquement (contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord), et souvent ingrat, encore faut-il s’épanouir en l’exerçant. Sinon il faut vraiment passer à autre chose: une autre histoire ou carrément un autre métier…
9. Apprendre à évaluer les critiques. Faire lire son travail c’est bien, mais encore faut-il recueillir assez d’avis pour pouvoir en tirer un quelconque bénéfice. Chaque avis est subjectif (et j’ajoute qu’il faut dans la mesure du possible consulter des lecteurs compétents). Si dix personnes font la même remarque sur une scène, un personnage, un rebondissement de l’intrigue, un dialogue… c’est qu’ils sont dans le vrai, quand bien même l’auteur adore cet élément. Si chaque avis diverge, en revanche, mieux vaut prendre du recul, voire solliciter de nouveaux avis, avant d’entreprendre une quelconque réécriture.
10. Observer les règles en matière de démarches. Je passe mon temps à vous le répéter, jeunes Padawans (et à m’écharper via les commentaires avec certains lecteurs bornés), quand on veut devenir un auteur professionnel, il faut apprendre à se comporter comme tel, qu’il s’agisse de démarches en live, au téléphone ou par mail. Le marché ne va pas changer pour vos beaux yeux ou votre incroyable talent et rien n’est plus agaçant pour un professionnel que la morgue et l’amateurisme (attention, je ne parle pas d’inexpérience).
11. Ne pas se soucier de « prendre un agent ». Comme je vous l’expliquais à plusieurs reprises dans ces colonnes, les agents ne sont pas intéressés par les auteurs débutants. Ne vous inquiétez pas, vous les verrez venir vers vous en même temps que le succès…
12. Si un texte est mauvais, il faut le tuer. C’est certes douloureux mais certaines bonnes idées de départ ne sont pas vouées à donner naissance à des histoires dignes de ce nom. Beaucoup de professionnels recommandent d’ailleurs de laisser dans un tiroir ses premières œuvres qui n’ont pour finalité que d’apprendre à écrire. Et vous savez quoi? Dans 99,99% des cas ils ont RAISON.
J’encourage vivement mes lecteurs anglophones à lire l’article original que Stephen King a publié dans la revue The Writer et qui a été depuis repris sur le Net, c’est un bijou d’humour et de chaleur humaine dans lequel l’auteur revient brièvement sur ses débuts d’auteur, un must read!
Je profite de l’occasion pour vous inviter à voir ou revoir le bureau de Stephen King et à dévorer, si ce n’est déjà fait, son ouvrage culte Écriture, Mémoires d’un métier. Je ne suis d’ailleurs pas la seule scénariste à vouer un culte à ce formidable essai, loin s’en faut…
Je vous laisse en compagnie du grand maitre:
Copyright©Nathalie Lenoir 2011