Culte du dimanche : Mean Streets

Par Fredp @FredMyscreens

A l’occasion de sa sortie restaurée en blu-ray cette semaine, revenons sur Mean Streets, le film qui a lancé la carrière de Martin Scorsese.

Alors que Le Parrain venait de s’imposer comme le film de gangsters ultime, voici que le jeune Martin Scorsese, après deux petits films, s’attaque au genre. Mais il ne le fait pas de n’importe quelle manière. S’inspirant des conseils de John Cassavetes, l’une des grandes influences, Martin en fait un film plus que personnel, racontant à travers lui ses origines, sa jeunesse, les histoires de son quartier, ses inspirations et aspirations.

Le film raconte donc l’histoire de deux jeunes malfrats qui essaient de se faire une place dans le milieux de la mafia du quartier new-yorkais de Little Italy. Charlie est bien sous tout rapport et n’aura aucun mal à se faire reconnaitre, mais en prenant Johnny Boy, qui accumule les dettes et les emmerdes, sous son aile, tout ce qui l’attend risque bien de lui échapper.

Au delà de son intrigue sur fond de mafia, c’est bien le caractère personnel du film qui marque. En effet, fasciné par le cinéma de John Cassavetes et la nouvelle vague française, Martin Scorsese filme caméra à l’épaule, restaurant au plus près des instants vécus et  des émotions de ses personnages, les capturant sur pellicule. Il en résulte alors une dynamique et une proximité qui feront toute la patte de Scorsese. Le jeune réalisateur a laissé une grande place à l’improvisation, à l’instantané et ça se ressent dans l’urgence et la rage qui s’imprime à l’écran.

Ce qui est étonnant, c ‘est également la réalité qu’arrive à donner Scorsese à son environnement. En effet, alors que le film a été majoritairement tourné à Los Angeles, on se croirait réellement à New-York, dans le quartier où le réalisateur a grandi. En filmant les ruelles, les bar, les appartement, il arrive à retranscrire parfaitement l’ambiance qui régnait dans son quartier de Little Italy. L’aspect personnel en est alors d’autant plus intense.

S’engouffrant dans la vague du nouvel Hollywood initiée par Easy Rider, Scorsese, lui emprunte une autre de ses caractéristique : la bande-originale. Ici pas ou peu de composition originale pour le film, « Marty»  importe dans son film des morceaux de la culture populaire, de sa propre culture musicale. Ainsi, c’est le Be my Baby des Ronettes qui ouvre le film sur un montage personnel, mais c’est surtout l’arrivée de Johnny Boy dans le bar sur le Jumpin’ Jack Flash des Rolling Stones qui marque les esprits, le morceau illustrant parfaitement l’état d’esprit du personnage.

D’ailleurs, les deux personnages du film illustrent également deux aspects de la personnalité de Scorsese. Ainsi, Harvey Keitel joue un Charlie propre sur lui, un jeune homme respectable et respecté. Porté par la religion et un devoir envers ses aînés de prendre la relève pour monter son business mais aussi par un sens moral qui le force à croire que Johnny Boy pourra rentrer dans le droit chemin. Johnny Boy est donc la face sombre de Charlie, il incarne le discours contestataire et violent de Scorsese sur l’époque et la dure vie de son quartier, de sa génération. Le rôle est interprété avec force par Robert De Niro dont c’est ici la première collaboration avec Scorsese. L’acteur fait preuve d’un charisme incroyable, une présence à l’écran qui éclipse tous les autres personnages d’une scène. Il n’est pas étonnant qu’il soit choisi par le réalisateur pour incarner sa rage dans ses films suivants, de Raging Bull à Taxi Driver.

Si le film ne rencontre pas un grand succès public, il permet néanmoins à Martin Scorsese de poser les bases de son cinéma, d’imprimer son style qui est déjà apprécié des critiques tout en débutant l’une des collaborations réalisateur-acteur les plus inspirée du cinéma. Assurément, avec Mean Streets, un cinéaste est né.

Finissons par évoquer le blu-ray qui sort le 6 avril chez Carlotta. Le film y est présenté en version restauré et la qualité de l’image s’en ressent. Peu de grain, une image nette mais qui retranscrit toujours aussi bien la mise en scène nerveuse de Scorsese et l’esprit du quartier. On est complètement dans le film et au plus près de ces jeunes mafieux.

Côté bonus, on est gâtés avec 3 entretients plutôt intéressants : Martin Scorsese revenant sur la genèse du film, parlant alors de sa jeunesse qui l’a tant inspirée ; Kent Jones, critique reconnu, qui délivre son ressenti sur le film lorsqu’il l’a découvert ; et Kent Wakeford, directeur de la photographie qui nous parle du tournage. Soit plus d’une heure sur les coulisses et la portée du film. A côté de ça, nous avons quelques images d’archive sur Scorsese qui fait un toura dans le quartier, une petite visite des rues de Mean Streets et un montage inédit du générique d’ouverture en super 8. Pas forcément utile, mais ça nous plonge un peu plus dans l’ambiance avant le plat de résistance. Car Carlotta a eu l’excellente idée d’intégrer au blu-ray le documentaire de Martin Scorsese ItalianAmerian dans lequel il interroge ses parents sur l’histoire de sa famille et de son quartier. Un document intéressant et à la charge émotionnelle assez forte, qui nous permet de comprendre toute la portée et le caractère personnel de Mean Streets.

Bref, rarement un bluray nous immerge à un tel point dans l’ambiance du film et nous fait retourner dans le temps et dans le lieu où tout c’est réellement passé, que ce soit à travers la qualité technique du film ou à travers les bonus présentés. Ici c’est clairement le cas.

Merci à Cinétrafic et Carlotta pour ce Bluray de Mean Streets. Si vous avez aimé, découvrez la délinquance au cinéma chez Cinétrafic.