La fameuse saga des meurtres de Woodsboro revient, plus sanglante que jamais et surtout bien décidée à ne pas se laisser ringardiser par la génération Y. Le spectateur survivra-t-il à ce nouvel assaut des studios d’Hollywood revisitant le Slasher Movie pour la énième fois ?
Souvenez-vous, nous les avions quitté il y a cela 10 ans maintenant, l’apogée avait été atteint dans un nouveau film dans le film qui prenait place dans les studios hollywoodiens, en 1999 pour Scream 3. Un réalisateur maniaque rassemblait les survivants des mésaventures familiales de Sydney Prescott dans un ultime coup de théâtre toutes tripes dehors, qui avait la prétention de faire le lien entre le 1er opus et celui-ci donc.Déjà révolutionnaire pour l’époque, lorsque le 1er Scream sorti en 1996, le film d’horreur n’avait plus trop été en grâce au box-office et les schémas d’horreur classiques se noyaient dans des rendus plutôt séries B, et plus trop angoissants. Mais Scream révolutionna le Slasher movie, enfin le remis au goût du jour porté par un maître de l’horreur qui sût très bien mêler l’esprit d’une jeune génération ainsi que le classicisme de la campagne. Dans le 1er Scream, une véritable petite renaissance du genre empruntait aux classiques la dimension psychologique névrotique qu’elle ajoutait à la violence physique des 90’s. Plus fort que les simples histoires de serial killer accidentels ou pourris jusqu’à l’os, Scream basait son horreur sur des ramifications scénaristiques très bien tissés par le scénariste Kevin Williamson, l’histoire et une forte caractérisation était les clés de voutes d’une horreur beaucoup plus horrible vu que chaque personnage avait une histoire.
C’est donc ce que retente aujourd’hui Wes Craven, toujours pas décidé à passer la main. En s’imprégnant soigneusement des acquis de la jeunesse des années 2010, il plonge ses héros jeunes et un peu plus vieux dans un bain de sang 2.0 où les moyens de communication sont instantanés et omniprésents. Son nouveau cheval de bataille est que pour lui, et il n’aurait pas tellement tort, les gadgets d’une certaine jeunesse aisée (américaine) permettent de mettre encore plus en scène la vie des individus et surtout leur vie propre.
On le sait, un des sujets de prédilections du Maître Wes c’est de faire un film dans le film : montrer qu’on est dans un film de genre, le revendiquer mais aussi tenter de prendre le spectateur à rebours et par là même de sublimer le genre (l’horreur pour ceux qui croient qu’il fait des documentaires sur les singes). Une fois cela dégagé du tapis, le réalisateur, pour ce qui est de Scream 4, semble partagé entre l’idée de faire un Scream version 2010 et faire également le slasher movie du XXIème siècle. S’il n’arrive pas trop mal à tourner une nouvelle déclinaison de son Scream 1 (sa filmographie atteste de sa capacité à recycler les codes pour livrer un festin qui semble authentique), il a quand même du mal à aller au delà de lui-même, frisant parfois l’auto-parodie, voire l’auto-plagiat (oui c’est possible avec My Soul to Take).
Bon alors dans ce Scream 4, il manquait plus que des orages déchirants la nuit ténébreuse et silencieuse et le fouissement des arbres tapotant au carreau des fenêtres pour venir plonger le spectateur dans l’ennuie le plus ferme, mais on en est pas loin. Pas de voix gutturales bizarres non plus, même la voix déformée au téléphone du « tueur qui adore téléphoner à ses victimes » est devenue très humaine. Pourtant, une quantité d’ingrédients qui ont fait le succès et l’aura des Freddy et autres Scream sont bien présent : les révélations à tiroirs avec des personnages suspicieux qui se révèleront hors de tous soupçons et des victimes potentielles qui se révèlent plus dangereuses qu’elles n’y paraissent ; des fans de films d’horreur qui édicte les pseudo nouvelles règles du genre mais de toute façon le film se noie dans ses références aux premiers films ; des apparitions impromptues et sonores de personnages mystérieux ; des courses poursuites à travers toutes les pièces des grandes maisons boisées américaines avec des lames de couteaux qui finissent dans les portes ; des jeux de cache-cache au téléphone ; des disparations de personnages au coin des pièces… Tout cela saupoudré par une main lourde d’humour voire d’auto-parodie lorsque des personnages à la caractérisation très cliché rient de leurs rôles dans le film, mais au final n’iront pas bien au-delà du champ-libre étriqué que leur donne le scénario.
Même si Scream 4 est le meilleur épisode depuis le 1er, on peut être légèrement déçu. La jeune génération est bien mise en avant et des dialogues dignes de séries télés rythmes une action manquant cruellement d’histoire. Le(s) tueur(s) (oui, on parle de Ghostface mais rappelons qu’il a déjà été incarné par 5 personnages différents en simplement 3 films, suspense pour ce Scream 4) ne semble avoir aucune motivation et d’histoire plausible pour justifier cet énième jeu de massacre.
La célébrité et les médias incarnés par les journalistes et autres communicants représentent une thématique dominante dans cet opus, mais que très bassement analysés tout comme le psychotisme meurtrier qui était expliqué dans les épisodes antérieurs, ici, il n’est qu’un prétexte aux personnages tueurs pour servir leur narcissisme et leur besoin d’attention (je n’en dirais pas plus). En gros, entre clin d’œil et génération Heroes, tout ce qui se passe à déjà été vu, en plus dans des Scream, mais le résultat est toujours aussi haletant et on se prend au jeu, on se cramponne à son siège. Le comique de situation et de dialogues qui ne s’interrompent pas, même pour les scènes sanglantes donnent un nouveau visage au film d’horreur : être dans un film d’horreur c’est cool et il faut surtout ne pas louper sa sortie en lançant une bonne réplique comme on peaufine son statut facebook du jour ! C’est devenu « kikoo lol » d’être une victime du tueur car ça permet d’avoir son heure de gloire, enfin son « garrarargggggg » la gorge remontant un flot de sang juste avant de périr non sans avoir lâché une petite phrase marrante (je vous laisse découvrir, je veux vraiment pas vous gâcher les surprises).
Si je ne suis pas bluffé, c’est que je suis déjà peut-être trop vieux pour Mr Craven 2010 et je ferais bien de me replonger dans mes classiques.