Si écrire un scénario n’est pas en soi une mince affaire, beaucoup d’auteurs débutants ont tendance à croire que leur tâche est achevée au moment où ils tapent le mot fin sur leur clavier, ce qui est une très grossière erreur. J’aurais même tendance à dire que le vrai travail débute justement à cette étape!
Devenir scénariste consiste principalement à réécrire, cette aptitude est la marque d’un auteur chevronné, mais trop peu de manuels ou de cours de dramaturgie insistent sur cette étape fondamentale, ce qui laisse les Padawans fort démunis.
Voici quelques conseils, qui, je l’espère, vous seront utiles…
Lorsqu’on l’interroge sur son travail de scénariste, le grand Guillermo Arriaga aime à dire qu’une fois la première version de son scénario terminée, il la jette et en réécrit une seconde, supposant que ce qui était valable dans le premier jet rejaillira dans le second.
Il n’est pas chose aisée pour un auteur débutant de terminer un script et de le faire lire par un lecteur professionnel, voire un producteur. Voyons les choses en face: son interlocuteur ne cherche pas seulement à « déceler un potentiel », il ne misera pas un kopeck sur le script s’il n’y relève pas les capacités de réécriture de l’auteur. Autant dire que lorsqu’on décide de soumettre un scénario en lieu et place du dossier synopis / note d’intention, autant envoyer un texte vraiment abouti!
Voici quelques conseils pour réécrire un scénario:
1. Laisser passer plusieurs jours (au moins une dizaine) entre l’écriture de la première version et sa relecture.
2. Pendant cet intervalle, essayer d’obtenir plusieurs avis, les plus objectifs possibles, sur le texte. Demander des comptes-rendus écrits ou à défaut, bien noter soi-même les remarques du lecteur lors de l’entretien oral. Mais ne choisir que des lecteurs qui ont des notions d’écriture, ou sont très cinéphiles, sinon il vaut mieux s’en passer.
3. Imprimer le texte et l’annoter avec des stylos de diverses couleurs au fil de la lecture: une couleur pour les fautes de grammaire et orthographe, une couleur pour les dialogues, une autre pour les descriptions, la structure… On peut faire la même chose directement sur ordinateur mais il faut bien reconnaitre que ça rend la lecture un peu plus laborieuse.
4. Ne pas être indulgent avec soi-même: annoter, voire raturer tout ce qui n’est pas parfait.
5. Relire attentivement toutes les remarques des lecteurs, voire si certaines se recoupent.
6. Relire toutes les notes qui ont été prises avant l’écriture (prémisse, thématiques, brainstorming, structure, biographie des personnages, genre, sources d’inspiration…) et analyser ce qui transparait ou pas de ce désir initial dans le scénario.
7. Lister tous les points à revoir, à améliorer: caractérisation, intentions des personnages, structure, rythme…
8. En ce qui concerne les avis extérieurs qui ont été recueillis, essayer là aussi de prendre du recul: ils ne seront pas tous pertinents, loin s’en faut. Si une même critique revient plusieurs fois, en revanche, mieux vaut s’y fier…
9. Relire attentivement le scénario et toutes les notes.
10. Prendre quelques jours de réflexions avant de s’atteler à la tâche.
De deux choses l’une: soit l’on juge, à ce stade, qu’il y a peu de modifications à effectuer (ce qui est très très louche, croyez-moi, pour une V1) et on attaque directement la V2 en suivant bien les notes prises en vue de la réécriture, soit, et c’est plus sage, on juge que le chantier est d’envergure, auquel cas je vous conseille vivement de repartir sur l’écriture d’un nouveau traitement. Contrairement à ce que pensent bien des auteurs, loin de leur faire perdre du temps, cette étape leur en fera gagner, bien au contraire, en leur évitant d’écrire une seconde version aussi bancale que la première. Il s’agit à ce stade de se recentrer sur l’essentiel: structure, cohérence de l’histoire et efficacité de la caractérisation.
Au moment de passer à l’écriture de la V2, il faut particulièrement:
- soigner son premier acte: il ne doit pas être trop long mais doit contenir tous les éléments essentiels: prémisse de l’intrigue, atmosphère, présentation du/de la protagoniste, incident déclencheur, enjeux, déclaration d’objectif… Si ces termes sont du chinois pour vous, je vous recommande fortement de repasser par la case étude de la dramaturgie.
- soigner le rythme de l’intrigue. S’il y a des temps morts, un gros coup de mou vers le milieu, c’est qu’il y a un problème de structure (donc que vous avez ignoré l’étape traitement
). - vérifier que le troisième acte ne traine pas en longueur: une fois que le climax est passé et que l’on suggère ses conséquences sur les personnages, le film est fini, point.
- bien affiner sa caractérisation: si l’auteur connait ses personnages, encore faut-il qu’il trouve des façons visuelles de les présenter au lecteur/spectateur.
- reprendre tous les dialogues inutiles, voire explicatifs.
Que faire ensuite? Recommencer toutes les étapes mentionnées!
Combien de fois faut-il réécrire un scénario? Cela diffère bien entendu d’un projet à un autre mais une chose est certaine: mieux le projet est préparé en amont (brainstorming, recherches, notes, squelette, traitement…) moins il faudra réécrire. La question n’est pas tant le nombre de versions à produire que l’efficacité de chaque réécriture.
Il arrive souvent que les auteurs inexpérimentés ressentent un blocage au moment d’attaquer une réécriture (trop de remarques à digérer, peur de ne pas réussir à résoudre tous les problèmes listés…). Le mieux dans ce cas est sans doute de laisser le projet se « reposer » et d’en attaquer un autre pendant cette pause, pour mieux revenir au sujet initial quelques mois plus tard.
Copyright©Nathalie Lenoir 2011