Depuis le 23 mars s’est ouverte à la Cinémathèque l’exposition événement consacrée à Stanley Kubrick. Récit d’une visite passionnante dans l’œuvre de l’un des maîtres du cinéma du XXe siècle.
2011, c’est un peu l’année Kubrick en France. Non seulement Orange Mécanique va fêter son 40e anniversaire à Cannes avec une nouvelle copie remasterisée et Warner ressort l’intégralité de l’œuvre du maître dans de magnifiques coffrets dvd/blu-ray, mais surtout, la Cinémathèque accueille l’exposition événement qui avait précédemment posé ses valises à Berlin, Rome ou même Melbourne.
Au 5e étage du bâtiment, nous entrons alors dans l’univers de Stanley Kubrick, en commençant par ses premiers travaux. Ici, nous découvrons le fruit de sa première passion, la photographie, avant de découvrir quelques images de ses essais courts. Mais déjà de l’inédit point le bout de son nez avec quelques pièces de son premier film Fear and Desire. Film que personne n’a vu (ou si peu) étant donné que Kubrick, mécontent de son travail a fait disparaitre toutes les copies (ou presque). Selon la volonté du réalisateur, nous ne verrons donc pas d’extraits, jusque quelques photos avant de jeter un oeil à quelques travaux sur ses deux autres premiers long-métrages : Le Baiser du Tueur et l’Ultime Razzia. De par leur ancienneté et du fait qu’il s’agisse des premiers films de Stanley Kubrick alors peu connu, peu de pièces sont présentées sur ces premiers films mais elles sont une bonne introduction à ce qui va suivre.
Dans le suite du parcours, nous arrivons sur Les Sentiers de la Gloire puis de Spartacus, les deux films réalisés avec Kirk Douglas. Notes personnelles, plannings de tournages, photographies, affiches sont autant de documents passionnants qu’il permettent de se rendre compte déjà de tout le génie de Kubrick. En attendant les pièces maitresses et œuvres les plus connues, nous passons par le controversé Lolita (bien édulcoré par rapport au roman) et le si subtilement drolatique Dr. Folamour où nous commençons à voir quelques objets clés (ici la bombe ou la maquette de la salle de guerre), le tout avec la diffusion de quelques extraits qui donnent envie de (re)voir ces films.
Enfin vient le moment où nous nous attaquons l’une des pièces maitresses de l’œuvre de Stanley Kubrick : 2001 l’Odyssée de l’Espace. Si pour les débuts, nous n’avions pas tant de choses que ça à nous mettre sous la dent, avec l’espace réservé à 2001, on ne peut qu’écarquiller les yeux. De la maquette du vaisseau suspendue aux combinaisons et casques en passant par le véritable oscar obtenu pour les effets spéciaux, la démonstration de la technique de projection de décor en studio, les quelques objets futuristes (les notes sur les toilettes spatiales permettent de se rendre compte du niveau de détail des décors) et publicités, sans oublier l’œil de HAL qui fait froid dans le dos, tout est là pour nous ramener dans l’univers du film, que ce soit au niveau du design ou de la technique.
On poursuit dans l’ordre chronologique des films entrant ensuite dans l’univers d’Orange Mécanique. Toujours avec quelques extraits pour nous accueillir, on peut voir quelques concept arts assez psychédéliques mais aussi et surtout le costume d’Alex et quelques sculptures du milk-bar. Place ensuite à l’intimité de Barry Lyndon et son ambiance feutrée. Le film qui préfigurait de l’avorté Napoléon est ici décrit avec notamment quelques costumes d’époque et surtout l’objectif conçu par la Nasa qui a permit à Kubrick de filmer cette fresque historique en lumière naturelle, même à la bougie. Et pour finir cette première partie de l’exposition (enfin, ce premier étage), nous arpentons les couloirs de Shining accueillis par les jumelles pour y découvrir la machine à écrire, la hache et aussi une maquette du labyrinthe et le cycle portant la steadycam qui a permis de filmer des séquences clés du film ! Indispensable.
Pour la suite de l’exposition, montée au 7e étage par les escaliers avec la moquette de l’overlook hotel pour retomber dans l’ambiance stricte de Full Metal Jacket avec de nombreuses photos, dessins de productions, objets issus du tournage. Puis un saut dans le temps pour plonger dans l’intimité du dernier film de Stanley Kubrick. Eyes Wide Shut se dévoile à travers peu d’éléments mais on peut admirer l’exposition de masques qui ont servi sur le tournage. Après quelques clichés qui nous rappellent la passion pour la photographie, nous arrivons enfin dans l’une des salles les plus passionnante de l’exposition, celle qui lève le voile sur trois projets que le réalisateurs n’aboutira jamais. Il y a bien sûr tous les concept arts de A.I. Intelligence Artificielle qui finira entre les mains de Steven Spielberg (on voit d’ailleurs que Spielberg a été très fidèle à la vision de Kubrick avec ces esquisses) mais aussi tout le travail de préparation de Aryan Papers qui ne s’est jamais fait puisque Spielberg, justement, avançait plus vite que lui sur la Liste de Schindler au thème semblable. Enfin, le morceau le plus intéressant est consacré à Napoléon. Alors que tout était prêt à tourner, que les lieu avaient été choisis, les chambres d’hôtel réservées pour les équipes, les costumes essayé et le scénario finalisé, Kubrick a été forcé de mettre le projet en stand-by. Ici sont donc dévoilés de nombreux éléments (dont le planning de tournage à rallonge) qui permettent de se rendre compte que nous avons probablement loupé ce qui aurait pu être l’un des plus grands films du cinéma.
Avec cette exposition, et grâce à la petite visite guidée très intéressante avec son apport d’anecdotes sur la personnalité du réalisateur ou sur les tournages, nul doute que n’importe quel fan du travail de Stanley Kubrick sera conquis. Mais les simples amateurs de cinéma devraient aussi y trouver leur compte et, si ce n’est déjà fait, avoir envie de découvrir toute la diversité (horreur, drame, époque, guerre, SF, … Kubrick a tout abordé et donné leurs lettres de noblesse à chacun) du cinéma de Kubrick. Bref, jusqu’au 31 juillet, vous pouvez courir à la Cinémathèque pour cette passionnante exposition sur l’un des plus grands génies de l’image du XXe siècle.