Alors que j’avais évoqué le premier Batman il y a quelques temps, il ne faut pas oublié que le second volet toujours réalisé par Tim Burton est tout aussi culte. Retour sur la naissance cinématographique douloureuse du Pingouin et de Catwoman.
Après le succès de Batman en 1989, il était impensable de ne pas y donner suite. Mais Tim Burton avait négocié avant pour réaliser son propre film, Edward aux mains d’argent et le voilà maintenant avide d’indépendance. Alors que Warner lui propose naturellement de mettre en scène le retour de l’homme chauve-souris, il accepte donc à la seule condition d’être libre dans son interprétation de l’univers de Batman.
Alors que la production aurait voulu introduire Robin, Burton va en fait axer son histoire sur le Pingouin et Catwoman, deux anti-héros qui avaient tout pour plaire au réalisateur à l’univers sombre, baroque et barré. Il n’y a qu’à voir la magnifique introduction du film pour s’apercevoir que Batman n’en sera pas le héros et que c’est ce maudit Pingouin qui va faire avancer l’histoire. D’ailleurs, côté histoire, on est ici face à l’un des films les plus sombres et pessimistes de Tim Burton. Non seulement l’univers décrit ici est particulièrement noir et violent dans la forme (pas, ou très peu de scène en journée, un noir prédominant) mais aussi dans le fond.
En effet, en s’intéressant plus particulièrement aux méchants de l’histoire, Batman Returns s’oriente vers un discours particulièrement violent qui n’est pas vraiment pour les enfants. Ici, Burton y explore les thèmes qui lui tiennent à coeur alors qu’il est en train de se faire une place d’auteur étrange à Hollywood. Le Pingouin est un monstre qui n’attend que de la reconnaissance auprès des gens « normaux» mais avec un naturel qui revient au galop, Catwoman est une femme brisée, même Batman est un homme coupé en deux, à deux doigts de franchir la frontière qui le sépare du mal. Au milieu de ces trois « animaux» (un pingouin, un chat et une chauve-souris), celui qui est le plus proche de la normalité, l’industriel Max Shreck (Christopher Walken), représente quand à lui tous les défauts de l’humanité (manipulation, cupidité, arrogance), si bien que finalement, devant ces personnages tourmentés, on ne sait pas vraiment qui de l’homme ou de l’animal est le pire.
Pour succéder à l’interprétation impériale de Jack Nicholson dans le premier volet, Tim Burton a réuni un casting à la hauteur des attentes pour entrer dans l’univers tout autant pulp que gothique de Batman Le Défi. Ainsi, si Michael Keaton reprend le masque du héros, il ne fait pas le poids face à ses opposants (l’acteur lui-même a justement souhaité avoir moins de présence à l’écran). Danny DeVito, aidé par le maquillage de Stan Winston incarne littéralement un Pingouin violent, sombre, horrible, bref, tout ce que peut être un personnage rejeté par l’humanité. Et pourtant c’est dans ce rejet qu’il trouvera sa force et par lequel le spectateur pourra comprendre ses actions. D’un autre côté, Michelle Pfeiffer révèle en Catwoman non seulement une icône de la libération de la femme mais aussi une personne trahie, brisée et en quête de revanche sur ceux qui l’ont tuée physiquement et intérieurement. L’actrice a si bien incarné ce personnage ambivalent, navigant avec difficulté entre le bien et le mal, que toute autre interprétation de l’héroïne souffrira forcément de la comparaison.
Mais, si le film a fonctionné correctement en salles grâce à la renommée du premier opus, cette liberté artistique totale aura tout de même de sacrées répercussions. Le film est ainsi apprécié par la critique (surtout avec le recul que nous avons aujourd’hui dessus), mais le public va le bouder. Trop sombre, trop violent, trop impressionnant, trop axé sur les méchants et trop sexué pour les parents qui y voient là un film inadapté pour leurs enfants (cibles premières des super-héros). Même MacDonalds n’offrira pas les cadeau prévus dans les happy-meals car les héros du film sont les méchants. Batman le défi est celui qui réalisera le moins de recette et soulèvera le plus de débats en étant aussi mal-aimé que ses anti-héros. Pas étonnant que le studio demande ensuite quelque chose de beaucoup plus léger à Joël Schumacher pour Batman Forever. Il n’empêche néanmoins qu’aujourd’hui ce Batman est bien celui de Tim Burton, rassemblant toutes les pièces de son étrange personnalité dans un blockbuster et faisant du Pingouin et de Catwoman deux icônes fortes du film de super-héros.