En cette journée de clôture du 64e Festival de Cannes, rappelons-nous qu’il y a vingt ans, ce sont les frères Coen qui avaient marqué la croisette en reportant 3 prix pour Barton Fink. Un culte du dimanche était donc la moindre des choses pour fêter cet anniversaire.
En 1991, il y a 20 ans tout pile, Joel et Ethan Coen faisaient une véritable razzia au Festival de Cannes. 3 prix dont la Palme d’Or du meilleur film ont été ramassés par Barton Fink. Mais qu’est-ce qui a pu valoir aux deux frangins terrible du ciné US indépendant un tel enthousiasme de la part du jury présidé alors par Roman Polanski ? C’est bien simple, c’est certainement parce que Barton Fink parle de cinéma, d’Hollywood, de créativité alors que commençait déjà à se profiler à l’horizon la grosse panne d’idées des studios.
Nous remontons ainsi en 1941, à la rencontre d’un auteur de pièce de théâtre encensé par la critique nommé Barton Fink. Avec son succès grandissant le voici courtisé par Hollywood. Il va alors passer sous contrat dans un des studios pour y être scénariste. Mais les conditions ne se prêtent pas vraiment à la créativité. Non seulement il est logé dans un hôtel miteux mais en plus il a un voisin de chambre attachant mais sacrément encombrant et un patron complètement mégalo. Ajoutez à cela une énorme panne d’inspiration et une idole devenue alcoolique, et ça n’aidera pas Barton à écrire son scénario de film de catch (lui qui a plutôt l’habitude des pièces psychologiques avec du cœur, le voilà servi).
Librement inspirés de la vie de Clifforrd Odets, les frères Coen décrivent avec Barton Fink toute l’absurdité du système hollywoodien mais aussi tous les périples des auteurs pour essayer de garder leur personnalité dans un système commercial qu’ils ne comprennent pas. Le décalage entre les deux univers, celui de la consommation et celui de l’art est bien représenté et plus que jamais d’actualité. Et si le récit est une demi-adaptation, on sent bien que Joel et Ethan ajoutent beaucoup de leur experience dans le personnage torturé de Barton Fink.
En plus d’avoir un scénario particulièrement inspiré et naviguant à loisir entre l’absurde et le sarcasme avec des dialogues bien écrits, la réalisation est impeccable. Les deux frangins traduisent parfaitement à l’écran le malaise de leur héros et mettent bien en avant le décalage entre les deux mondes. Avec une mise en scène toujours élégante et inspirée, il leur suffit comme d’habitude d’une seule image pour dresser le portrait de leurs personnages ou décrire l’atmosphère d’un lieu. C’est ainsi que l’on perçoit d’un seul coup la solitude et la torture de Barton Fink, les problèmes de son idole Mayhew ou l’exubérance du patron de studio. Mais c’est aussi ce qui va nous tromper avec la révélation de la véritable identité du voisin de chambre incarné par le si jovial John Goodman.
Mais il ne faut pas oublier non plus que le film repose sur John Turturro. Fidèle parmi les fidèles des frères Coen (Steve Buscemi et John Goodman qui font ici des apparitions), Turturro incarne le rôle titre avec une véritable intensité. On ressent à travers lui tous les problèmes qu’a pu rencontrer un scénariste en panne d’inspiration. En le voyant dans ce film, on se rappelle bien qu’il est un excellent acteur et qu’il ne fait pas que se balader en caleçon chez Michael Bay.
Au final, le film est un véritable succès critique. En particulier les critiques françaises qui sont on ne peut plus enthousiastes et le jury fera donc un triomphe à Barton Fink en lui décernant le prix du meilleur réalisateur, le prix d’interprétation masculine et la Palme d’Or. C’est donc le premier film à remporter trois distinctions du festival. La razzia est telle que Gilles Jacob décidera ensuite d’établir une règle de non cumul pour que ça ne se reproduise pas. Paradoxalement, avec ce succès critique, Hollywood s’intéresse de plus près aux deux frères et leur propose de réaliser Le Grand Saut, seul gros revers de leur carrière. Comme quoi, pour les auteurs, mieux vaut rester indépendant.