Avec X-Men, le Commencement qui vient un peu relancer la franchise au cinéma, impossible évidemment de ne pas revenir sur le premier volet des X-Men dans un culte du dimanche.
Le projet est très casse-gueule pour la personne qui s’attaquera à l’adaptation et très risqué pour Marvel dont les X-Men sont les séries les plus vendus de firme (non, à l’époque les Vengeurs ne faisaient pas la loi dans les comics ou au cinéma). Mais les producteurs ont la bonne idée de placer Bryan Singer derrière la caméra. Le réalisateur est connu pour son brillant Usual Suspects où, en plus de révéler l’un des meilleurs twists du cinéma, il arrivait à mener à bien un récit complexe aux personnages multiples, tous bien explorés. Mais il venait également de réaliser Un Elève doué, film plus personnel dans lequel il évoquait déjà un terme qui lui tenait à cœur, la seconde guerre mondiale et l’holocauste. Il va de soi que le passé du personnage de Magneto est bien ce qui l’a interpellé chez les mutants de Marvel.
Mais le parcours pour réaliser le film et garantir son succès ne sera pas si simple. Car avec un budget assez modeste par rapport à l’ambition du projet (c’est tout de même d’une équipe de super-héros aux innombrables pouvoirs dont il est question ici), le réalisateur va devoir se concentrer sur l’essentiel et dans un délais très court. Alors que le film était à l’origine prévu pour Noël, la Fox a décidé d’en faire l’événement de l’été, raccourcissant de 6 mois la production du film. Il va donc falloir faire vite à Singer pour mettre le film en boite tout en faisant face à l’annulation de Dougray Scott. Le comédiens retenu par une blessure sur le tournage de Mission : Impossible 2 ne peut se libérer et sera alors remplacé au pied levé par l’inconnu Hugh Jackman dans le rôle de Wolverine.
A ces problèmes de production, il faut ajouter l’implication des fans. Car le début des années 2000 coïncide aussi avec la montée en puissance des groupes de fans sur Internet. C’est à partir de ce moment là que les studios vont commencer à prendre conscience de leur impact sur le succès ou non d’un film, en particulier pour une adaptation de super-héros. Les premières images ont du mal à passer auprès des lecteurs des X-Men, que ce soient le casting qui, en dehors de Patrick Stewart et Ian McKellen (incarnations parfaite, et choix des fans pour le premier), semble trop fade, ou les costumes en cuir qui tranchent radicalement avec les couleurs flashy de la BD (ce qui est pourtant un choix logique car ce qui fonctionne dans les cases ne fonctionne pas forcément sur grand écran). Le point culminant étant l’arrivée du premier teaser, bien trop rythmé et dans lequel les fans ne reconnaissent pas l’esprit du comics.
Mais une fois arrivé sur les écrans, le pari semble réussi. Public comme critiques semblent plutôt d’accord. Le blockbuster d’été se révèle être un divertissement intelligent et une adaptation réussie de l’univers des X-Men. Le récit aborde en profondeur des thèmes issus de la BD, au premier rang desquels, la tolérance. C’est là le point central qui est traité avec une grande justesse par Bryan Singer. Et en mettant en avant l’opposition des méthodes de Magnéto et du Professeur X pour arriver à l’acceptation des mutants (bien souvent comparée à l’opposition Martin Luther King / Malcolm X), il retrouve ce qui fait l’essence de la BD. Le film a également l’intelligence de se présenter du point de vue de la découverte de cet univers, comme pour le spectateur, à travers Malicia (personnage mal dans sa peau) et Wolverine (mutant un poil sociopathe, grande star de la BD). Il nous introduit ainsi progressivement à la découverte de ce monde rempli de mutant aux super-pouvoirs étonnants faisant face à un contexte politique complexe. Nous ferons ainsi connaissance avec les personnages les plus emblématiques du comics (Cyclope, Jean Grey et Tornade en plus de ceux cités précédemment) et leurs dilemmes. Si le film reste reste intimiste, il nous permet d’apprécier le réalisme dans lequel s’inscrit le récit. Singer a effectué ici des choix très astucieux, que ce soit dans les personnages choisis, leurs relations ou les thèmes abordés.
Bien entendu, comme toute tentative d’adaptation, X-Men est loin d’être parfait. En dehors de ses deux leader et de Wolverine (la grande révélation du film est sans conteste Hugh Jackman, porté au nues par les fans après avoir vu le film), les autres personnages n’ont pas encore beaucoup de charisme (mais sont assez attachants pour s’intéresser de près à l’histoire) et Bryan Singer ne maitrise pas vraiment les scènes d’action. Mais il introduit un univers des plus intéressants et des personnages que l’on a hâte de retrouver. En collant parfaitement à l’esprit de la bande-dessinée, il arrive à se faire pardonner ces défauts d’introduction qu’il effacera en grande partie dans une suite encore plus maitrisée et passionnante (ce qui ne sera pas le cas du 3e volet réalisé par le tâcheron Brett Ratner).
Avec le succès d’estime de ce premier X-Men, Bryan Singer prouve qu’il était possible d’adapter les mutants au grand écran de manière réaliste sans en trahir l’esprit. Mais il montre surtout aux studios qu’il est désormais possible de proposer à nouveau des histoires de super-héros de qualité au public. Rassuré, Sony sortira donc Spider-Man un an plus tard et les autres adaptations Marvel pulluleront par la suite avec plus ou moins de succès. Bryan Singer peut donc se targuer d’avoir essuyé les plâtres de la relance du film de super-héros et donc d’avoir contribué à son succès toujours grandissant aujourd’hui, tout en ayant révélé au grand public Hugh Jackman.