Voilà un film sacrément original qui débarque dans les salles. The Prodigies a tout du film qui aura du mal à trouver son public. Mais poussez votre curiosité et venez découvrir ce que nos frenchies peuvent faire en animation avec un univers passionnant.
On peut dire qu’Antoine Charreyron a pris un sacré risque pour son premier film. Non seulement il adapte le très sombre et violent La Nuit des Enfants Rois de Bernard Lenteric. Mais en plus il en fait un film d’animation au design original, à la fois épuré et dynamique. Il en résulte forcément un produit hybride qui divisera à coup sûr le public.
The Prodigies met donc en scène un univers passionnant et des personnages intéressants. En effet, nous avons affaire à une histoire de jeunes prodiges, surdoués, dotés de dons extraordinaires et qui pourraient faire de grandes choses. Mais ils sont surtout des victimes. Victimes de violences insoutenables qui vont entrainer chez eux un désir de revanche irrépressible. Une histoire vraiment sombre où la question de justice personnelle a toute sa place. Mais nous allons surtout nous intéresser au personnage principal, Jimbo, moteur de l’histoire par qui la rédemption doit arriver. Nous comprenons bien ses motivations personnelles à vouloir sortir les gamins du cercle infernal dans lequel ils vont tomber. Malheureusement, l’histoire étant trop centrée sur Jimbo, on ne se penche jamais pleinement sur ses relations avec les enfants et les dilemmes de chacun. Un manque de profondeur qui nous empêche de comprendre la nature profonde de leur envie de vengeance (qui, en plus de l’évènement sacrément glauque que l’on voit dans le film, doit venir de leur passé mais ceci est éludé).C’est dommage car si nous en savions plus sur eux, l’enjeu du final aurait surement été plus intense.
Toutefois l’univers développé est très intéressant et c’est aussi en partie dû au design adopté. Largement influencé par les comic-book (la participation de Francisco Herrera et Humberto Ramos n’y est pas étrangère et on retrouve même bien leur patte), l’univers graphique est ici très fort, rarement vu au cinéma. Mais ce design parfois épuré à l’extrême, d’autres fois bien fourni risque d’en dérouter plus d’un et c’est certainement la texture « cel-shadée» qui va poser problème. En effet, elle confère au film un look assez froid et désincarné duquel ont du mal à sortir les émotions que le récit veut pourtant fortes. Mais que l’on adhère ou pas, force est de reconnaitre à Antoine Charreyron une mise en scène qui déboite. Le réalisateur n’hésite pas à expérimenter, à tester des plans et des mouvements de caméra brusques ou sortant de l’ordinaire qui nous accrochent à notre siège dès que l’action est de la partie. Il essaie même de faire quelque chose de la 3D qui n’est pas ici seulement décorative.
Derrière The Prodigies, il y a une sacrée ambition, celle d’offrir un cinéma d’animation occidental adulte qui peut être violent, à l’image des mangas japonais. Il y a aussi un respect et une admiration sans bornes pour cette culture manga/comics qui transparait avec force à l’écran. Du coup, même si on peut lui reprocher son manque de profondeur et sa froideur, on se dit que l’univers développé a un sacré potentiel. Et malgré les problèmes qu’a pu rencontrer la production (budget, délocalisation), The Prodigies est une excellente démonstration de ce que peut offrir l’animation française. Une sacrée prise de risque qui mérite d’être récompensée.