Puisque cette semaine ressortent au cinéma les grands films de Stanley Kubrick, sans oublier l’exposition toujours en cours à la Cinémathèque, revenons sur l’un de ses films à la fois grandiose et personnel : Barry Lyndon.
C’est donc parti pour près d’un an de tournage en Irlande. Désirant coller au plus près de l’esthétique des tableaux du XVIIIe, Stanley Kubrick va filmer ses paysages de telle manière à ce qu’il paraissent presque peints sur écran. Et pour les scènes intérieures, il décide de tout filmer à la bougie, (presque) sans autre éclairage. Cette contrainte l’amène à collaborer avec la Nasa pour obtenir un objectif suffisamment efficace (laissant entrer assez de lumière) pour distinguer les acteurs jouer à l’écran.
Il résulte de cette technique des images simplement magnifiques, d’un réalisme époustouflant, comme si Kubrick avait réalisé un documentaire d’époque, ce qui était bien son intention. D’ailleurs, le souci du détail poussera même le réalisateur à utiliser de vrais costumes d’époque.
Mais plus qu’un documentaire, Kubrick aborde avec Barry Lyndon des thèmes assez intemporels sur la recherche de la gloire. Ainsi le récit se compose de deux parties. La première dépeint la manière dont Redmond Barry, parti de rien et à travers un parcours semé d’embuche et de trahisons, va accéder à un statut social lui offrant argent et noblesse. Mais si il y arrive c’est moins par sa hardiesse et son courage que par sa lâcheté.
En effet, Barry n’est pas un héros, c’est un déserteur qui n’hésite pas à fuir la police comme les champs de bataille, qui n’hésite pas à retourner sa veste dès qu’on peut le faire retourner au pays et devenir spécialiste de la triche aux jeux. C’est après ces aventures qu’il va se marier avec Lady Lyndon et donc accéder à la fortune et un statut bien plus enviable, à défaut d’une gloire méritée.
C’est alors le début de la seconde partie qui le verra sombrer petit à petit dans une lutte de pouvoir contre son beau-fils. Une déchéance autant psychologique que physique passionnante, reflet non seulement des rêves et désespoirs d’un homme mais aussi d’une société européenne qui voit venir sa révolution.
Avec une histoire telle que celle de Barry Lyndon, Kubrick navigue entre l’aspect épique et historique de la première partie et profondément intimiste de la seconde. On ressent d’ailleurs parfaitement la passion qui a animé le réalisateur. D’une part pour le contexte de la guerre de sept ans et la volonté de certaines personnes de s’en sortir et celle d’un personnage en pleine chute.
Cette seconde partie reflète d’ailleurs l’un des films les plus personnels et émotionnels du réalisateur à travers la proximité qui est développée avec les personnages et Barry Lyndon en particulier. Car cette histoire et le jeu tout en retenue de Ryan O’Neal délivrent de nombreux sentiments à leur égard, de la passion au mépris pour son anti-héros.
Comme à son habitude, Kubrick ne veut pas de musique composée pour le film. D’autant plus pour un film historique pour lequel il peut piocher la musique d’époque (ou presque). En incrustant de manière envoutante la Sarabande de Haendel mais aussi Schubert, Bach, Mozart ou Vivaldi, il continue de donner à Barry Lyndon son authenticité. Ainsi l’image picturale et la sonorité classique donnent au film une teinture particulière, unique.
Le temps pris sur le tournage et le perfectionniste pousseront Barry Lyndon à décupler son budget. A l’origine prévu à un peu plus de 2 millions de dollars, le voici estimé aux alentours de 11 millions. Une fortune en regard de ce que le film rapportera au final. En effet, devant la longueur du film (une fresque de 3 heures) et le sujet plutôt rébarbatif du film, le public ne suit pas. L’échec est cuisant et, hormis quelques pays européens qui lui feront bon accueil, Kubrick aura du mal à se relever. C’est d’ailleurs pour cela qu’il acceptera la commande de Shinning, plus à même de plaire au gout du public.
Néanmoins les critiques y on reconnu un film magnifique et visuellement enthousiasmant. Les professionnels lui ont même décernés 4 oscars pour récompenser le travail réalisé avec minutie. Mais le maître peut se reposer car Barry Lyndon est aujourd’hui l’une de ses œuvres les plus appréciées et est indéniablement passée à la postérité.