Retour au temps où les péplums régnaient en maître sur Hollywood, où le faste des décors grandioses et costumes de soie étaient de rigueur. Mais le genre voit son crépuscule venir avec La Chute de l’Empire Romain.
Vers 1960, c’est Spartacus qui se voit à nouveau adapté avec Anthony Mann à sa tête. Mais le réalisateur est plus habitué aux westerns qu’aux films en costumes et, suite à quelques problèmes avec la production, va laisser tomber le projet qui sera alors confié à Stanley Kubrick. Le réalisateur ne va pas pour autant se laisser abattre et signera Le Cid avec Charlton Heston. Le succès critique et publique étant là, le producteur Samuel Bronston propose alors au réalisateur de faire encore plus grand et de mettre en scène La Chute de l’Empire Romain.
C’est donc parti pour un tournage européen intense qui implique la recréation complète du Forum Romain en Espagne. Un décor grandiose, impressionnant où les principaux bâtiments d’époque sont reproduits avec le gloire d’antan jusqu’à sa chute. Car Anthony Mann va bien raconter dans ce péplum fastueux le déclin moral de l’Empire Romain, sa lente érosion.
Il débute le film par les dilemmes de Marc Aurèle à voir son instable fils Commode lui succéder et proposera au Général Livius de reprendre la couronne. L’ennui est que les deux hommes s’entendaient comme des frères et seront donc ennemis pour monter sur le trône qui reviendra bien entendu à Commode une fois sont père assassiné. S’en suivent alors complots et révélations qui mettront à mal le pouvoir du nouvel empereur.
Avec son ambition énorme, La Chute de l’Empire Romain cherche sans conteste à lutter face à Cléopâtre (sorti juste avant). Tout y est grandiose avec une mise en scène d’Anthony Mann qui met en valeur ces personnages iconiques dans une Rome en pleine chute pendant 3 heures qui ne sont pas de trop pour décrire le contexte politique complexe de l’époque. Tout l’esprit de grandeur de Rome y est parfaitement rendu. C’est l’idée du péplum ultime qui domine avec une tragédie forte et des personnages complexes. Ainsi, Marc Aurèle est interprété avec une immense classe par Sir Alec Guiness qui n’était pourtant pas habitué à ce genre de rôle.
Mais le film donne aussi dans la surenchère en voulant imposer une nouvelle référence de la course de char qui est finalement tellement grossière que l’on préférera retenir celle de Ben-Hur (d’ailleurs, il est étonnant de noter que c’est l’adversaire de Charlton Heston dans Ben-Hur, Stephen Boyd, qui tient ici le rôle phare dans cette course). Il en va de même pour certaines interprétations qui vont assez loin dans le cabotinage comme Christopher Plummer qui fait de Commode un grand gamin capricieux et assez cinglé, loin du malsain incestueux.
Évidemment, dans ce péplum, il n’y a pas de sexe, peu de violence contrairement à ce qu’on en attendrai maintenant. Le Hollywood bien pensant est là. D’ailleurs Sophia Loren qui interprète la pourtant forte Lucilla est plutôt transparente dans le film. Mais l’aspect psychologique du film est plus important, représenté à travers les philosophies des différents personnages qui ne voient pas Rome de la même manière et vont voir la ville, l’Empire, sombrer dans la décadence.
Si il est grandiose, la Chute de l’Empire Romain n’en est pas pour autant le meilleur péplum et souffre de certaines lourdeurs. Non ce que l’on retiendra, c’est surtout un film un peu malade qui aura clos la mode du péplum à Hollywood. Car après l’échec de Cléopâtre, La Chute de l’Empire Romain essuie un revers monumental. Face à un budget de plus de 20 millions de dollars qui se ressent à l’écran, il en rapporte moins de 2 millions au box-office, en faisant alors l’un des films les moins rentables du cinéma. Impossible de ne pas voir alors dans le film une analogie avec le déclin du péplum à Hollywood. Car après la Chute de l’Empire Romain, plus jamais les studios n’investirons grandement dans le genre qui est alors déclaré mort et enterré. Et il est alors d’autant plus étonnant et paradoxal de noter que c’est un film qui s’en inspire très fortement, Gladiator, qui relancera la mode à l’aube des années 2000. Comme quoi même un film marquant la fin d’un genre peut bien renaître de ses cendres.