Balada Triste, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Quand Alex de la Iglesia film un triangle amoureux entre 2 clowns et une danseuse, forcément cela fait des étincelles. Balada Triste sort le mercredi 22 juin.

La balada triste de trompeta est comme son nom l’indique un petit peu, un film sur la tristesse au pays des clowns et autres personnages du cirque ! Arrivé dans un cirque, Javier, descendant d’une grande famille de clowns, va revêtir les traits du clown triste, celui à qui son acolyte fait toutes les blagues, surtout les pas drôles ! Plutôt hagard et pas prompte à la rigolade, faut dire que Javier traîne une histoire familiale marquée par les épreuves qu’à traversé l’Espagne au XXème siècle, le clown triste excellant à son poste, tombe très vite amoureux de la danseuse à corde, qui manque de pot, est la femme de son collègue. Encore plus rude, Sergio, le clown marrant, excellent avec les enfants, mais est aussi une brute épaisse qui, lorsqu’il a bu un verre, aime à taper sur tout le monde surtout sur sa splendide femme. Javier, fou de Natalia, va sortir avec et tenter de lui faire entendre raison. Ca c’est pour le 1er acte qui est plutôt classique mais qui sous la patte du génial réalisateur Alex De La Iglesia va prendre une dimension démente !

Déjà, l’enfance de Javier est d’abord vécue à travers son père : clown de son état, il est enrôlé de force  un jour de spectacle par l’armée républicaine pour lutter contre les fascistes du Général Franco en 1937. Arrêté après un assaut suicidaire mené contre une garnison, le père de Javier restera enfermé et encouragera son fils à devenir le clown triste mais également à devenir un jour sa vengeance ! Beaucoup plus tard, devenu rondouillet et poltron, Javier, ne sait pas trop se défendre et se laisse aller. Confronté à un Sergio tout feu tout flamme, digne représentant du violent brasier latino démarrant au quart de tour, il va laisser peu à peu son côté psychopathe s’emparer de lui pour désespérément conquérir le cœur de la belle Natalia (je ne dirais jamais assez combien elle est belle magnifique !).

A la fois touchant et romantique au départ, quand le jeune adulte Javier prend conscience de ses sentiments frustrés, enfouis en lui, Balada Triste prend ensuite une toute autre tournure. Gentiment sarcastique, le traitement du film devient furieusement comique, tragique sur la dureté des relations humaines notamment sur l’idée de rejet, à la fois burlesque et cynique voire malfaisant. Une fois délivré du duel incessant entre les deux prétendants, qui ne pouvait que mal se solder  suite à des confrontations toujours plus virulentes, Balada Triste bascule dans le côté obscur de l’humour. La fuite du personnage principal Javier, héros mal dans sa peau, névrosé, taré, entraîne le film dans un délire psychotique à la recherche de son identité, explorer les « raisins de sa colère » et choisir son destin : doit-il conserver le masque du clown triste que rien ne vient briser ou doit-il embrasser la vengeance sanglante héritée de son père ? Le message moral et politique n’est d’ailleurs pas loin : lorsqu’on a subi des atrocités, peut-on réussir à exister au-delà de ça et une société forgée dans la violence peut-elle résoudre ses soucis autrement ?

Le traitement du film s’en ressent également : d’un humour caustique et bon enfant mêlé de passion brutale (violence physique dans les échanges verbaux et amoureux), Balada Triste devient un film rageux, qui cherche à crier une soif de vie et d’exister comme on le souhaiterait malgré les entraves morales d’une société prise en otage et manipulée (période du franquisme). C’est tout le talent du réalisateur qui nous fait réaliser cela dans des tableaux sombres et tragi-comiques.

On semble croiser les Monty Pythons,  Groland, Albert Dupontel, dans une société-cirque devenue dingue où les scènes qui font le plus rires sont aussi les plus tragiques : à voir le clown embarqué dans un assaut effroyable au début du film, ou Javier déambulant dans la forêt les fesses a l’air… Mêlant un humour noir à une effusion de sentiments les plus vifs, on rit de ces personnages burlesques, imparfaits qui souhaitent seulement vivre et continuer à vivre (à l’image du cirque tout entier qui ne pourra éternellement continuer d’être tel quel). La comédie amère et touchante est vraiment le fond de Balada triste de trompeta, servi par un réalisateur génial qui raconte son histoire avec une mise en scène des plus dynamiques, aussi sobre et en retrait qu’intrusive et au plus près des acteurs. Ceux-ci ne sont pas en restes. Les 2 clowns sont saisissants et l’objet de leur convoitise, la splendide Carolina Bang se dévoile tout du long comme une femme fantastique et passionnée bien décidée à aimer aussi fort qu’elle le désir (on aurait aimé la voir avoir plus d’ambition dans la vie quand même et pas reléguée au rang de « bulle de sentiments cherchant à aimer ou à être aimée »). Un coup de cœur de la rédaction.