“Blitz” d’Elliott Lester
Un gang de jeunes voyous est en train de voler une voiture quand un passant débarque et leur dit de dégager. Evidemment, les jeunes ricanent et, sortant leurs armes, lui font comprendre qu’ils ferait mieux de décamper, non sans s’être préalablement délesté de son portefeuille. Grave erreur…
Le bonhomme en question, c’est Jason Statham, et il a entre les mains une crosse de hockey qui va s’avérer bien plus efficace que les canifs des jeunes rigolos. Après les avoir étalé en soixante secondes chrono, il leur assène le coup de grâce verbal : “Si vous faites chier le mauvais gars, choisissez au moins les bonnes armes…”
Ce démarrage tonitruant laisse espérer un de ces polars british déjantés dans l’esprit des films de Guy Ritchie qui, à défaut d’être très moraux, sont souvent prétexte à un spectacle bourrin euphorisant, tout en bastons d’anthologie et répliques qui tuent…
Mais non, Blitz prend vite les rails d’un polar plus classique, avec un duo d’enquêteurs qui cherche à coincer un tueur de flics jouant avec leurs nerfs.
Pourquoi pas… On pourrait s’en contenter, pour peu qu’une mise en scène correcte emballe le tout et apporte un peu d’intensité à l’oeuvre… Sauf que le scénario ajoute, en prime, l’histoire d’une femme-flic, ex-junkie ayant réussi péniblement à se débarrasser de son addiction et qui, pour ne pas re-sombrer dans la drogue, s’occupe du turbulent jeune skinhead d’à-côté… Ca commence à faire chargé pour un film d’1h30…
Mais il y a pire… Au fil des minutes, le film se transforme en plaidoyer pour la justice expéditive et tente d’y faire insidieusement adhérer le spectateur. Un peu comme dans L’Inspecteur Harry mais en franchement plus discutable…
Alors, certes, Elliott Lester pourra toujours s’abriter derrière le fait qu’il se contente d’adapter un roman existant, signé par Ken Bruen (1). L’écrivain irlandais est, il est vrai, plutôt réputé pour la noirceur de ses oeuvres et la complexité de ses récits, qui sont susceptibles de donner de bons films. Mais encore faut-il les porter à l’écran intelligemment…
Ici, Lester gère très mal la situation. Il traite son sujet sans chercher une seule seconde à générer le débat ou susciter la réflexion. L’ambiguïté de ses personnages est fortement diluée dans une intrigue menée mollement et sans génie. Et le vrai sujet du roman – le sensationnalisme des tabloïds et la quête de célébrité du tueur – est relégué au second plan.
Bon, désolé, mais ce sera sans nous…
Hors de question pour nous de défendre un film porteur d’idées aussi nauséabondes et aussi bêtement jetées à l’écran…Tant pis pour Jason Statham, son charisme et ses répliques savoureuses. On regrette que l’acteur britannique gâche son talent dans des productions médiocres et idéologiquement douteuses…
A fuir…
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”London Boulevard” de William Monahan
Tiens, puisqu’on parle de Ken Bruen, un autre de ses bouquins vient d’être porté à l’écran : London Boulevard (2).
Là aussi, il s’agit d’un roman noir au ton particulier, à la fois respectueux des conventions et légèrement décalé.
Son adaptation est signée par William Monahan (3), qui passe également pour la première fois derrière la caméra.
L’intrigue est des plus classiques : Mitchel, un ex-taulard veut faire amende honorable et rêve d’une nouvelle vie, loin du milieu du banditisme. Il se fait engager comme garde du corps auprès d’une actrice, star de cinéma harcelée par les tabloïds (décidément…) et en tombe amoureux. Elle est à la fois très semblable à lui, avec le sentiment d’être constamment prisonnière de son mode de vie, et très différente – elle est constamment en voyage, il n’a jamais quitté son quartier…
Ils envisagent de partir tous les deux, de se reconstruire une vie à deux, mais il n’est pas toujours facile d’échapper à son passé et Mitchel est embarqué malgré lui dans les affaires d’un parrain de la pègre locale, un type pas commode et prêt à tout, et surtout au pire, pour parvenir à ses fins…
On a déjà vu ça mille fois à l’écran… Mais le scénariste/cinéaste s’applique à emballer tout cela dans une ambiance qui sort de l’ordinaire, où l’humour britannique très pince-sans-rire côtoie la noirceur la plus totale, où la grisaille londonienne est éclairée par des personnages improbables et hauts en couleurs, gangsters outranciers que l’on croirait échappé des romans d’Elmore Leonard…
Vu que le travail sur l’image est confié à l’expérimenté Chris Menges et que le casting est plutôt bien choisi, avec Colin Farrell et Keira Knightley dans les rôles principaux, et d’excellents acteurs britanniques en seconds couteaux : Eddie Marsan, Ben Chaplin, Ray Winstone dans un grand numéro de truand psychopathe… Et surtout, le génial David Thewlis dans un rôle d’acteur dilettante mais prompt à se défendre si on vient lui marcher sur les pieds.
Le film ne manque pas d’atouts, donc… Et pourtant, quelque chose ne fonctionne pas. Le rythme ne s’emballe pas vraiment et on finit par s’ennuyer devant ces bribes d’histoires manquant de liant les unes avec les autres.
Par ailleurs, le récit semble constamment hésiter entre un premier degré sombre et désespéré et une tonalité plus légère, presque parodique. Tarantino avait réussi à concilier ces aspects dans son Pulp fiction, mais Monahan ne possède pas le brio narratif du cinéaste américain et les ruptures de ton qu’il imprime à son récit sont plus agaçantes qu’autre chose.
A l’arrivée, London Boulevard n’est rien de plus qu’un petit polar anodin, pas honteux mais pas spécialement enthousiasmant non plus, et surtout, bien vite oublié dès la fin de la projection…
Non décidément, soit les romans de Ken Bruen ne passent pas bien à l’écran, soit il faut peut-être envisager des réalisateurs plus talentueux pour les adapter… A bon entendeur…
(1) : “B&R Blitz” de Ken Bruen – coll. Série Noire – éd. Gallimard
(2) : “London Boulevard” de Ken Bruen – coll. Romans noirs – éd. Points
(3) : ce scénariste a été oscarisé pour son adaptation des Infiltrés de Martin Scorsese
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Blitz
Blitz
Réalisateur : Elliott Lester
Avec : Jason Statham, Paddy Considine, Aidan Gillen, David Morrissey, Zawe Ashton
Origine : Royaume-Uni
Genre : Dirty Harry en plus pourri
Durée : 1h36
Date de sortie France : 22/06/2011
Note pour ce film : ●○○○○○
contrepoint critique chez : Critikat
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London Boulevard
London Boulevard
Réalisateur : William Monahan
Avec : Colin Farrell, Keira Knightley, Ray Winstone, David Thewlis, Ben Chaplin, Eddie Marsan, Anna Friel
Origine : Royaume-Uni, Etats-Unis
Genre : boulevard qui finit dans l’impasse
Durée : 1h42
Date de sortie France : 08/06/2011
Note pour ce film : ●●○○○○
contrepoint critique chez : Libération
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